Ce livre vient tout juste de fêter ses cinq bougies mais sa pertinence est toujours des plus actuelles. C'est tout à fait par hasard que j'ai découvert il y a déjà plusieurs années le travail fabuleux de Victor PROVIS à travers son blog, le blog justement du mouvement shoegaze. Ce dernier, même s'il n'est malheureusement plus actualisé, demeure encore une mine intarissable d'informations sur le sujet. C'est un véritable bonheur de lecture car PROVIS retranscrit à merveille les délicieuses sensations émanant de ces morceaux à la saveur si particulière. Le shoegaze, bien que discret, est toujours vivant et il entend bien le faire savoir.

Ayant été happé par SLOWDIVE à 14 ans en 1991 (on se fait vieux, c'est terrible), l'adhésion à ce monde d’éther électrique a été immédiate. Ces ambiances comme en apesanteur, cette attractive introspection étaient définitivement faites pour moi. Mal aimé, méprisé, voire ignoré durant son trop court âge d'or (1991-1994), le shoegaze depuis quelque temps semble être de nouveau en odeur de sainteté. Éternel recommencent et habituel retournement de veste sans doute. A la réformation des mastodontes, viennent se greffer une multitude de groupes qui, de la Dream Pop au shoegaze pur et dur, établissent des ponts, une relecture contemporaine attractive. L'imposant ouvrage de PROVIS arrivait donc judicieusement à propos.

C'est bien le but principal de ces 500 pages qui traitent du mouvement originel sur la période 1987 à 1997. Selon son degré de curiosité, Shoegaze sera une piqûre de rappel ou une totale découverte de cette sphère. A ce titre, tel un historien musical, en véritable archiviste, PROVIS remonte avec précision à ses racines, nous éclairant dans les premières pages sur ce qui fait cette spécificité sonore, l'attitude (timide ou non ?) sur scène de tous ces groupes et la réception très dure, voire haineuse, par la presse anglaise entre autres. Tout de suite, on se rend bien compte que ce mouvement n'est pas né au bon moment. Contemporain de l'explosion du grunge, du trip-hop et des premiers balbutiements de la britpop, le shoegaze n'a pas bénéficié non plus d'un soutien raisonné de la presse musicale, bien au contraire. Il était déjà comme mort-né, hors-de-propos.

Rétrospectivement, ceci est bien triste et surtout particulièrement injuste. En effet, il s'agit par exemple juste de s'attarder sur le chapitre 'des pionniers' pour s'apercevoir que de CURVE à LUSH, de SLOWDIVE à MOOSE, ces jeunes pousses avaient des choses à dire, et plutôt belles et intéressantes. PROVIS à travers son écriture inspirée brosse avec subtilité un tableau des plus complets de cette scène. De fait, à travers moult témoignages d'activistes de ces tensions électriques baignant dans un climat ouaté, sélection d'albums provenant évidemment d'Angleterre, mais aussi des États-Unis, d'Argentine ou d'Estonie, c'est un ensemble extrêmement varié, riche de mille et une émotions, qu'il nous donne à contempler.

C'est bien entre autres la richesse du shoegaze. Si l'Angleterre est naturellement le pays de naissance de ce "'romantisme désabusé', Victor PROVIS n'en oublie pas pour autant de nous faire découvrir la scène espagnole, tchèque et française entre autres. Ce sont de petites pépites qui ne demandent qu'à être mises un peu plus en lumière, partagées par le plus grand nombre. C'est par exemple avec surprise que j'ai appris l'existence d'une scène de shoegaze chrétien aux États-Unis. La musique demeure un art toujours surprenant.

Je ne sais pas si on peut parler de panorama global de ce mouvement, mais une chose est certaine avec Shoegaze. Ce livre a pleinement réussi sa mission. En effet, lorsqu'on le repose, seule une envie subsiste : celle de réécouter les classiques et de se précipiter sur les nouveaux trésors soniques. Une réussite incontestable !

Note réelle : 4,5/5