ENSLAVED fait partie des ténors de la scène black metal depuis plus de trois décennies désormais. Ivar Bjornsson et Grutle Kjelsson président aux destinées du groupe de Bergen avec la même ferveur que depuis leurs débuts en 1991. Le groupe a toujours eu une place a part dans le mouvement, toujours proche d’une réelle authenticité viking, il n’en a pas moins évolué musicalement pour incorporer peu à peu des éléments de sophistication évident. Les titres sont d’ailleurs d’une longueur conséquente comme le plus souvent avec nos vikings norvégiens. La pochette rappelle le WINDIR de Likferd. Heimdal est un personnage essentiel de la cosmogonie nordique, le dieu nordique gardien du Bifrost, le pont de l’arc en ciel, sa corne Gjallahorn sert à prévenir les habitants d’Asgard d’un danger quelconque. Nous disons donc viking land ?

L’album s’ouvre sans surprise sur le ressac de la mer et le son grave de la corne de Heimdal avec "Behind The Mirror". Un riff heavy en prélude a une ambiance presque progressive. Les chants en choeur léger sont en totale contradictions avec la puissance de la musique, quelques éléments évoquent FALKENBACH, d’autres nous rapprochent de IHSAHN, il règne donc ici une sophistication évidente. L’Islande, terre centrale viking par excellence, est au centre de la vidéo de "Forest Dweller", on y voit le volcan, la plage de diamant, la fabuleuse plage noire de Reynisfjara, les glaciers du Vatnajokull, les stacks de Reykjanes et une partie d’êchec digne du septièmre sceau d’Ingmar Bergman, un autre grand viking… bref, un titre magnifique, armé d’un hammond qui donne une consistance tout à fait particulière au black ici pratiqué, sans doute le titre de l’album, très recommandable.

Les tremolos picking de "Congelia" sont d’innamovibles standards du black metal première génération, on tronçonne, on tressaute, on joue a qui est le plus dépressif. Grutl y screame le mal être de nos générations avec toute la hargne dont il est capable. La structure de "Caravans To The Outer World" rappelle les grandes heures du black, les rythmique délétères arrachent tout sur leur passage ainsi que le ferait un DRUDKH, mixé avec les habituels passages chantés en chant clair qui aère bien l’ensemble, quelques vibrations ambient, parfois même des élans progressifs. C’est en revanche la basse de Grutl qui se taille la part du lion sur "The Eternal Sea", c’est très rare dans le black metal. Le chant et les choeurs sont clairs, on a l’impression de naviguer avec les vikings sur leur drakkar, alors que les rudiments de la navigation étaient encore inconnus.

Un début en quasi mode techno thrash sur "Kingdom", la vidéo est encore tourné en Islande, au pays des vikings, rythmique en marteau pilon très métallique, des effets de voix claires et des mélopées qui lorgnent vers le Wicca et l’Asatru. Pas de doutes nous sommes en terre païenne. C’est un brin répétitif toutefois, même si le bridge trouve une voie médiane efficace. Enfin, nous sommes black doom sur la conclusion de l’opus et quelques accords sous accordés donnent à l’éponyme "Heimdal" une veine subversive et noirâtre. Morceau à tiroir, la seconde partie évoque plus un OPETH sous amphet, avec un chant païen de belle allure qui nous replonge dans la culture du Ragnarok.

ENSLAVED a rarement déçu, nonobstant quelques évolutions parfois drastiques lors d’une carrière – finalement - en tous points exemplaires. Bien sur, la folie furieuse des premiers albums a fait graduellement place a une musique plus réfléchie et pesante. On peut toutefois rester admiratif devant le talent des leaders du groupe a proposer une musique toujours aussi aboutie et de plus en plus sophistiquée et esthétique. Le terme progressif peut être appliqué a l’ensemble de l’oeuvre qui nécessite tout de même pas mal d’écoutes avant d’être apprivoisée. On est très proche du quatre, ce sera à voir sur le long terme.