Si vous avez lu ma kro d’Atavachron, vous savez en quelle haute estime je positionne le guitariste anglais, nous sommes en 87 et les soucis financiers se sont accumulés pour le natif de Bradford, aujourd’hui émigré en terre californienne du sud. Alan tient bon, le succès du disque précité n’a pas été suffisant pour tout gérer et le voilà contraint de vendre du précieux matériel pour les fins de mois difficiles. Pas simple d'être un pur esprit et de ne pas vraiment considérer les choses matérielles… Alors il faut y croire, la synthAxe est toujours là, le génial instrumentiste remet le couvert en cette année 87 avec ce Sand et sa pochette onirique. On croise les doigts mais nul doute que les siens vont voler sur les manches !

On entend des enfants jouer au début de "Pud Wud" et la synthAxe s’élève avec beaucoup de maturité, m’est avis qu’un certain Edward VAN HALEN a dû beaucoup s’extasier devant ce titre. Le son tout d’abord, servi par une production magnifique, et la basse de Jimmy Johnson qui domine les débats avec une dextérité énorme. La fusion s’installe entre débauche de synthés et du bombastique Gary Husband, c’est là que la guitare d’Allan déboule, de quoi se donner des idées de tranchage de main gauche… Le top du genre, même s’il a aujourd’hui un peu vécu. Le grand moment de cette livraison en tout cas.

Des cloches et des percus en intro de "The 4.15 Bradford Executive", comme d’habitude le grand Alan donne à ses équipiers de vrais responsabilités, du xylophone… on tourne un peu en rond sur ce titre en hommage à sa ville natale. Bien sûr beaucoup de gras et de texture dans le long solo de guitare, autour duquel tout tourne. Evidemment tous les gratteux en sortent traumatisés. La batterie colossale et les percussions de Chad Wackerman, associés des sons très eighties, sont à la baguette sur un "Mac Man" exécuté de main de maître. La guitare s’envole le plus souvent sur des phases en legato dont Allan est un grand praticien. Probablement un peu démonstratif mais l’époque le voulait.

Ah, pour sûr, nous sommes dans les années quatre vingt – enfin huitantes disent nos amis belges et suisses avec raison - "Distance Vs Desire", un petit prétexte pour un bœuf entre le synthé et la synthAxe, cela sera donc probablement indigeste pour la plupart, un peu lointain sans doute. Ce dialogue pourtant techniquement irréprochable a un peu vieilli. L’éponyme "Sand" est de la même trempe, en un brin moins original à mon sens. On croirait du Eric SERRA sur l’intro de "Clown" - ou alors serait-ce le contraire ? La synthAxe règne de bout en bout, Allan parvient à lui donner un rôle presque « normal » pour un tel instrument. Des arrangements un peu chargés, tout ceci est très typé eighties.

Je le trouve moins brillant que son illustre prédécesseur Atavachron, qui imposait la syntAxe de manière définitive dans le paysage musical des eighties avec aisance et talent. Au final, seul Pat METHENY aura lui aussi réussi ce tour de force. Allan HOLDSWORTH reste un ovni dans le monde de la guitare, peu apprécient le mérite de cet immense artiste qui nous a quittés trop tôt en 2017, entre deux courses à vélo et une bière. Je reste sur un trois, certes un peu sévère, mais l’opus reste recommandable pour les amoureux de la guitare qui aiment sortir des sentiers battus.