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2022 Limen
 

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KMRU & AHO SSAN - Limen (2022)
Par STREETCLEANER le 11 Juillet 2023          Consultée 552 fois

Limen est le résultat de l'association de deux compositeurs de musique électronique qui sont sur une belle pente ascendante, le Kenyan Joseph Kamaru (KMRU) et le Français Niamké Désiré (AHO SSAN), KMRU ayant déjà produit un bon nombre d'œuvres d'Ambient très minimalistes alors que AHO SSAN occupe un créneau plus expérimental et noisy, bien moins facile à écouter (notamment l'album Simulacrum sur le label Subtext, album qu'il a débuté à l'Atonal de Berlin en 2019). Limen est paru sur le label Subtext, excellent dénicheur de talents.

S'il est parfois difficile de déterminer les apports de chacun dans une oeuvre collective c'est assez aisé sur Limen tant, nous l'avons dit, la nature des travaux de chaque compositeur est différente. Limen est donc la résultante d’une confrontation de deux points de vue qui vont fusionner ; pour faire court, on a le "beau", c’est le côté KMRU, et on a la "déconstruction" déstabilisante, c’est le côté Aho Ssan. C’est un travail expérimental même si ce type de musique n’est pas tout à fait nouveau, en témoigne par exemple, dans un genre proche, le Continuum de Paul Jebanasam paru sur le même label Subtext en 2016.

Ce caractère janusien (à double visage) de l’œuvre, que l’on devine aisément et qui demeure toujours en arrière-plan, va finalement se confondre pour ne former qu’une seule figure. En cela Limen forme un tout finalement cohérent ; c’était un résultat avec une part d’incertitude quand on connaît les préférences et points de départ si opposés des deux compositeurs.

Si cet album est notamment tagué "Deconstructed Club" par le label, le côté "club" de ce mouvement Post-club est ici bien mince, voire inexistant ; on est ici plus dans une forme d’héritage spirituel. En revanche, que des fragments sonores fassent irruption, cela se ressent bien, qu’il s’agisse d’une musique déconstruite, cela l’est assurément. D’ailleurs, dans ce mouvement, qui a pris naissance au cours de la décennie 2000, le concept a de plus en plus pris la dominance sur le côté dance. Certains voient en ce mouvement le continuum d’un mouvement de déconstruction plus large touchant la société et la politique, dans lequel tout doit être déconstruit. Par exemple, pour certains jusqu’au-boutistes, la musique classique, trop blanche et trop figée, serait intrinsèquement raciste et devrait faire l’objet de "revisitations" afin de l’apporter aux jeunes de la diversité. Ce en quoi ils oublient l’engouement de nombre de jeunes asiatiques pour cette musique, réputée être une école idéale de la rigueur, du labeur et de la précision. De surcroît, il s’agit d’une conception assez condescendante envers ces jeunes qu’on suppose être incapables d’appréhender cette musique. Ce qui est notoirement faux puisque le Jazz, qu’on peut classer dans les musiques savantes, est historiquement une musique Noire.

Mais refermons la parenthèse de la politique et revenons à nos moutons. Car, quelle que soit l’intention, la seule question qui vaille au final est de savoir si ce qui est proposé est intéressant ou pas, digne d’intérêt ou pas.

Il est indéniable que proposer un tel album sur un site de musique généraliste peut dérouter. Il y a peu de doute sur le fait que la plupart considèreront Limen comme de la musique inabordable. Et cela peut être compris. Pourtant, dans le style considéré, Limen fait figure d’œuvre plutôt facile à appréhender. J’ai toutefois bien conscience que tout ceci reste relatif. Si l’album fait près de 40 minutes, deux morceaux dominent : le premier, "Resurgence", avec ses 12 minutes au compteur et le dernier "Ruined Abstractions" avec ses 21 minutes.

En parlant justement de musique classique, ou orchestrale, "Resurgence" interpelle. Car son entame, aux textures proches de celles d’instruments à corde, possède une sensibilité néo-classique assez évidente. La déconstruction va prendre la forme de sons ressemblants à des grésillements, à des bruits que l’on obtient en tournant le tuner et en faisant défiler les fréquences radios, à des bruits de craquements, à des effets de floutage etc. Limen en est parcouru tout du long. L’ensemble cohabite en couches superposées. Les vagues de synthés se drapent de distorsions les faisant ressembler à une guitare électrique. Sans les effets de floutage et les parasites nous aurions une musique orchestrale parfaitement adaptée à un film contemporain, et à la mélodie hantée par un sentiment de totale impuissance face à l’effondrement et la dévastation de toute chose connue. Les wobbles boivent la tasse, la tête plongée sous les grésillements, c’est la partie la plus noisy de l’album, éclipsant la simili orchestration d’arrière-plan. Des images de chaos surgissent, tout semble échapper à tout contrôle. Et seule la fin de "Resurgence" laisse entrevoir ce côté clubby dont on parlait précédemment.

"Ruined Abstractions" est la pièce maîtresse de l’album. A la différence de "Resurgence" l’auditeur est entraîné du plus difficile au plus facile. Peut-être une forme de catharsis, de libération, passées les 7 premières minutes de Noise, illustrant possiblement un univers technologique s’éveillant et gagnant en intensité : peut-être les flux de données charriées par la Matrice, l’Ambient va ensuite s’imposer, sans être exempt de scories. C’est ce contraste, saisissant et planant, qui va accentuer la beauté de la transition aux couleurs futuristes et technologiques. Ces ambiances pourraient parfaitement s’intégrer dans un film à la Blade Runner alors que nous survolons un neo Los Angeles, la nuit, tandis que les lumières de la mégapole forment un halo brumeux irréel. Le chant de la cantatrice fige alors ces derniers moments et laisse entrevoir toute la beauté, en cinémascope, des pâles éclats de la ville. A ce moment la boucle entamée avec les débuts de "Resurgence" est pour ainsi dire bouclée.

Coincé entre ces deux longues plages, "Rebirth" laisse deviner des paysages grandioses qui vont se découvrir ; allant crescendo le beau et le bruit s'enlacent avant d'exploser dans une forme de majesté qui s'impose et nous laisse pantois. "Rebirth" est un parfait concentré du meilleur de Limen.

AHO SSAN et KMRU nous proposent donc un voyage captivant, certes difficile d'accès pour le néophyte, mais c'est typiquement le type d'art sonore qui demande ouverture d'esprit et persévérance. Par bonheur, ils ont choisi de nous embarquer dans une aventure (malgré tout) abordable pour qui a de la volonté, en choisissant de rarement nous laisser seuls face au chaos. Tout du long il existe un fil d'Ariane qui permet de retrouver notre chemin et de ne pas nous égarer. C'est un album de parfaite mise en condition avant de s'attaquer au Simulacrum de AHO SSAN.

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1. Resurgence
2. Rebirth
3. Ruined Abstractions



             



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