L’énigmatique Wes BORLAND est une figure de la musique depuis près de trente années maintenant. Wes est désormais connu pour son approche sonique sophistiquée, sa capacité à rester sobre en toutes circonstances d’un point de vue technique alors que son look en a déjà surpris plus d’un, on lui a connu tant d’incarnations, souvent très réussies, il faut l’admettre. Parler de sa vie avec LIMP BIZKIT nécessitera un putain de gros bouquin, contentez-vous de savoir pour l’instant que notre fiston de pasteur protestant, à 48 ans, regrette toujours de ne pas croire en Dieu et qu’il y a fort peu de chances pour que cet opus soit autre chose que texture et ambiances, ne vous attendez pas à du shred.

L’opus s’ouvre sur "We Are The Airlock", une gratte traîne sa misère alors que la basse semble emporter tout sur son passage. Un piano psychiatrique se mêle à cette danse de Saint Gy et nous voici en face de Wes... Un monde onirique qui se nourrit des émotions de ses auditeurs alors que le monstre du body paint se régale de nous voir tâtonner sans comprendre là où nous allons. La lancinance et la répétitivité des trois notes nous éloigne de la matrice percussive qu’est le biscuit mou. Nous sommes dans une quasi bouillie sonore indescriptible sur "The Horror Is Nominal", des séquenceurs à la KILLING JOKE règnent en maître, Youth en serait ravi ! Un titre sympa pour faire du sport mais qui fait carrément pencher la balance vers l’industriel. On connaît les goûts de Wes qui a créé le groupe idoine BLACK LIGHT BURNS en 2007 mettant ainsi les biscuits mous au chômage conjoncturel.

On retrouve les tics du compositeur de LIMP BIZKIT sur "Mounting The Husk", c’est bien simple il n’y a que lui qui compose ainsi. La mélodie est simpliste mais enrichie de quelque éléments exotiques. "Lexicon Galactus" est la suite exacte, la batterie martiale rajoutant une certaine force probante à la composition. Le morceau sonne très BO mais reste quelque peu monolithique dans sa conception. L’introduction d’une gratte dissonante associée à cette caisse claire impavide est en revanche ravissante, enfin la coda propose un piano qui agonise sur des bruits mécaniques. On appréciera le seconde partie quasi liturgique de la courte "Don’t Believe In Trees" et la débauche de synthétiseurs sur le loop de "Your Very Own Harpoon"... Une énorme babasse drive "A Large Magnetic Discharge", puis des séquenceurs s’en donnent à cœur joie sur des percussions 'xylophoniennes'.

Enfin, le diptyque de fin est d’un niveau assez génial. Le très science fictionnaire "Walking The Great Ring" nous amène sur une contemplation à allure réduite mais d’une redoutable efficacité. Tout au long de ses six minutes haletantes on a l’impression de marcher sur un sol extra terrestre et d’attendre une catastrophe imminente. "The Flagship Obliteron" est dans la parfaite continuité et donne l’illusion de penser qu’on ne se trompe pas alors que la réalité est toute autre. Les quelques notes percussives sont délétères et créent une ambiance malsaine et complètement hors cadre. C’est vraiment ici que Wes touche le plus à l’art majeur de la composition.

Quelque part la simplicité de cet album, revendiquée par l’artiste lui-même, pose une problématique majeure : la lancinance et la répétitivité des thèmes peuvent-elles donner lieu a des chefs-d'œuvre ? Cet ensemble de morceaux aux ambiances très science fictionnaire n’a rien à voir avec la machine percussive qu’est LIMP BIZKIT, pas de marsupilamis sauteurs ici, loin s’en faut. La qualité est pourtant de mise avec plusieurs titres forts réussis. Je suis sur un 3,5 mais l’ensemble est un brin obscur, je reste sur un 3 sévère.