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2023 Black Medium Current

DØDHEIMSGARD [DODHEIMSGARD] - Black Medium Current (2023)
Par K-ZEN le 20 Juillet 2023          Consultée 990 fois

Je te reconnais.

J’ai appris à t’identifier quand tu surgis, y compris de nulle part. Je ne pense qu’à toi des jours et des jours durant sans pouvoir faire autre chose. Appuyer sur un autre bouton que Play. Voir un visage différent du tien sur l’écran radar. Entendre une voix différente de la tienne dans des tympans conditionnés. Alors c’est l’insomnie qui peut guetter, attendre le moment qu’elle juge opportun pour frapper. Certains mots prendraient tout leur sens. J’ai besoin de dormirSous ton ombre ; je suis sous ta peau… Pas de sortie clairement identifiée à ce labyrinthe.

On reconnaît un grand disque via la capacité qu'il a à vous harceler des jours suivant son passage. Et Black Medium Current, de ce point de vue-là, en est assurément un. C’était pourtant loin d’être acquis.

Des voies lactées avaient coulé sous les galaxies depuis huit ans. Huit ans pour un septième disque si l’on intègre dans nos comptes le tempétueux EP Satanic Art. ALDRAHN avait fini par quitter le vaisseau DØDHEIMSGARD – DHG pour les intimes – une seconde fois, un an après A Umbra Omega, énorme planète tri-triangulaire abordée par un écosystème assez particulier où le chanteur y réalisait une prestation en tous points époustouflante. En prenant en compte cette amputation relative, on pouvait se demander en quoi consisterait un prochain album, si tenté que le projet ait été tracé.

Le décollage fut toutefois effectif. Les forêts limogées, les éléments géométriques aplanis. Droites parallèles entre une lune et son double croissant, traversant en son cœur jaune un spectre lumineux afin d’illuminer un vide spatial apparent et logique, l’astronaute se retrouve pris au piège dans la minuscule capsule "Voyager", sans aucun espoir de retour. La mort est tout ce que j’ai. Tout ce que je veux. Tout ce dont j’ai besoin. À présent. Peut-être. Qui sait.

Une poignée d’heures auparavant. Un fondeur. "Et Smelter". Une introduction prodigieuse. Et un cas d’études intéressant qui nous guidera dans notre exploration tant chaque piste regorge de multitudes.

Au cœur de la montagne, près du chaudron brûlant, une guitare acoustique égrène tristement quelques notes. Des voix vikings narrent des contes séculaires à l’unisson, légendes que l’on croyait oubliées de tous, entre échos et flûtiaux. La rage ancestrale se manifeste soudain brutalement : blasts, riffing imperturbable vu chez DRUDKH. Ce métronome s’accompagne d’un VICOTNIK prenant la voix lead, chant écorché pour une interprétation plus qu’honorable, qui parviendra finalement à nous faire oublier assez facilement l’inimitable ALDRAHN. Après le break souterrain aux harmonies post-punk maintenant typique, s’ensuit un redémarrage mid-tempo dantesque agrémenté de chœurs et fragments de synthé minimal parvenant à s’extraire du marasme. Un contraste savamment calculé. Mais la fin nous réserve une ultime surprise : une conclusion tout droit venue des plateaux scintillants composant l’Eurovision avec claviers futuristes et même solo – démonstration ? – heavy métal.

On savait déjà que VICOTNIK était un compositeur talentueux. Ce n’est qu’une éclatante confirmation. Même s’il faut s’accrocher. Car évidemment, Black Medium Current a tout du serpent de mer : les neuf titres le composant sont insaisissables et proprement impressionnants. Leur longueur bien entendu (supérieure à sept minutes pour la majorité d’entre eux) mais également construction, structure et humeur fluctuante. Et bien sûr, une solide base black métal. Car il le demeure, nul doute à ce sujet, mais le réduire à cela serait commettre une totale erreur.

Évidemment, il en porte les stigmates, distinctifs, Norvégiens et reconnaissables entre mille mais ils sont dilués comme pour mieux brouiller les pistes ; les breaks sont stratosphériques, les blasts rageurs mais ne s'éternisant jamais, les riffs – outre le fait d'être présents par milliers et tous bons – déroutants, tour à tour tétanisants ou allant taper dans le post-punk pratiqué par un WIRE époque 154, proche en cela des travaux produits par VED BUENS ENDE dans lequel figurait également VICOTNIK. Enfin, la voix ne se contente pas d'être arrachée, proposant une palette plutôt riche : hurlements stridents, grincements sinistres, déclamations puissantes, chant lyrique, gémissements, chœurs, tout y passe.

Black Medium Current est ainsi un projet musical riche et exigeant, parfois d’une beauté aveuglante. Un ovni mixant black métal, rock progressif, gothique et avant-garde, comme le fut A Umbra Omega avant lui, maelström de sensations fortes et variées s’abîmant dans un requiem final illuminé par violons et piano, ambiance pour le moins funeste. Les textes quant à eux, semblent décrire programmes informatiques qui flanchent, paradis pierreux peuplés de petits artisans, amours vaines ou chaotiques, sociétés galactiques s’écroulant, par décadence, vantardise ou simplement défi le tout généreusement saupoudré de succube.

Grandiloquent, prétentieux, presque hautain, Black Medium Current et de-là son géniteur VICOTNIK souffrent tout simplement du complexe de Dieu. Tel un César regardant fièrement depuis son piédestal son armée briser toute résistance ennemie, le musicien observe à distance le monde en train de se construire sous ses yeux à partir de la première pièce qu'il a posée tel un puzzle en trois dimensions sur des siècles à venir.

Sans nul doute l’album de l’année, j’en mets d’ores-et-déjà ma main à couper. Peut-être même de la décennie, si l’évènement s’avère octennal, alors nous patienterons dans nos cellules cryogénisées, entrant docilement dans ce doux vide sidéral, la fin glitch hallucinée d’"Interstellar Nexus" hurlant à l’agonie de la diffraction lumineuse ayant conquis nos pupilles déclinantes.

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- Vicotnik (chant, guitares, claviers, effets)
- L.e. Måløy (basse, piano, violoncelle, theremin, effets)
- Tommy « guns » Thunberg (guitare lead)
- Myrvoll (batterie)
- Sttng (flûte)


1. Et Smelter
2. Tankespinnerens Smerte
3. Interstellar Nexus
4. It Does Not Follow
5. A Voyager
6. Halow
7. Det Tomme Kalde Mørke
8. Abyss Perihelion Transit
9. Requiem Aeternum



             



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