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2016 Third Law
2020 Kistvaen
 

- Membre : Vex'd
 

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Roly PORTER - Third Law (2016)
Par STREETCLEANER le 28 Juillet 2023          Consultée 760 fois

Une sonde dénommée Object 4101-Alephnull est envoyée dans l’espace afin d’explorer un univers parallèle fait d’antimatière. C’est le thème du livre de science-fiction de James Blish, paru en 1953, Cities in Flight. C’est également le nombre du titre d’ouverture de Third law, le troisième album studio du compositeur anglais Roly PORTER, sorti sur le label Tri Angle Records. L’espace est un thème récurrent chez Porter, ses albums précédents étaient intitulés Aftertime, un album inspiré par l’immense classique de science-fiction Dune, et The Life Cycle of A Massive Star, dont le nom et l’illustration se passent de commentaires.

PORTER décrit cet album comme un album de voyage, dans le sens d’une aventure, d’une épopée : "À travers ses différentes phases, il est tracé un voyage, du moins dans mon imagination, jusqu’aux limites de l’espace connu, puis on atteint la libération et le soulagement en sortant de cet espace connu." Le compositeur anglais explique qu’il ne s’agissait pas d’un concept-album au départ mais qu’il l’est devenu au fil du temps, durant son élaboration. De ce fait, chaque album de PORTER en solo est finalement sous-tendu par un concept.

A la différence des deux albums précédents, PORTER revient au rythme mais pas de la manière dont il le faisait en duo. On est ici très loin du dubstep des deux albums de VEX’D, avant que le groupe se sépare pour des divergences d’orientations. L’idée du compositeur est de s’éloigner des structures rythmiques traditionnelles afin d’explorer le rythme autour du mouvement. Ces nouvelles structures rythmiques ne s’opposent pas frontalement à un environnement de pistes de dance. Par exemple nous dit PORTER " la piste "In Flight" est à 170 bpm, et bien qu’elle ait une structure un peu étrange rythmiquement, elle pourrait techniquement être jouée Jungle. " Il est toutefois conscient que ces rythmiques, dites "unnatural", risquent d’être fort peu perçues de cette manière.

On veut bien croire PORTER sur parole lorsqu’il affirme que la conception d’un tel album prend énormément de temps. Cela se ressent immédiatement car avec l’expérience on se rend vite compte du travail incroyable sur le son, avec cette volonté de traduire une énergie qu’il appelle "noise punk" en "sound design", dans un paysage sonore plus classique.

La complexité du hanté "4101", son inventivité, nous émerveillent ; sa montée en tension toute cinématographique est tellement porteuse d’images qu’il n’était absolument pas nécessaire d’évoquer un quelconque lien entre cet album et l’immensité infinie de l’espace ; à côté d’un tel déchaînement de puissance "In System" ne traduit rien d’autre qu’une forme d’apesanteur musicale par la puissance imaginative des cordes, confrontées aux bruits et ronflements de cette machine spatiale finalement bien vivante.

C’était un moment de repos bienvenu avant l’entrée en scène du terrible "Mass" qui traduit bien cette idée de PORTER de "rythme autour du mouvement". Ce titre est un des plus enchanteurs de la musique électronique expérimentale. Le travail de composition est tout bonnement ahurissant et on fait face à un tourbillon de sons, de travaux sur les textures et spatialisations, de puissance mélodique, et surtout dynamique, impressionnants.

"Blind Blackening" et sa façon d’aborder les drones ressemble à ce qu’aurait pu faire Yair Elazar GLOTMAN à la contrebasse. Les drones semblent capturer cette sensibilité organique de la contrebasse de GLOTMAN ; est-ce un hasard alors que PORTER et GLOTMAN ont tous deux étés signés sur le label Subtext Recordings ?

A l’opposé de "Blind Blackening" et de l’ambient "High Places", les percussions de "In Flight" sont stressantes et menaçantes. Et à la différence des deux albums précédents, Third Law est clairement assujetti à une volonté scientifique et technologique, et l’auditeur peut se sentir à la merci de la menace que peuvent subir les hommes et les machines, y compris les plus perfectionnées. L’espace est foncièrement un environnement hostile pour l’Homme, tout y est une occasion de trouver la mort (froid glacial du zéro absolu, radiations, vide, collisions imprévisibles, défaillance technologique presque toujours fatale…) et le talent de PORTER exprime parfaitement ce sentiment de notre infinie fragilité.

L’attente ressentie dans "Departure stage" est une forme de compte à rebours logique puisqu’il est ici question de l’étage de départ qui précède l’allumage des propulseurs. Encore une fois rarement l’apesanteur et les images de l’univers n’auront été aussi efficacement mises en musique que dans les synthés qui suivront l’allumage des réacteurs. Superbe travail de cinématographie musicale… "Known Space" termine le voyage par le franchissement de la dernière frontière connue avant que les notes répétées ne deviennent le signe d’adieu de l’objet spatial qui errera encore un moment dans l’immensité de l’espace.

En 1983 Brian ENO nous donnait sa vision de l’espace avec Apollo. En 2016 PORTER nous livre sa vision du voyage spatial qui devient alors un voyage pleinement intégré, pleinement ancré dans la technique, la technologie et les images d’aventures dans des décors grandioses. PORTER repousse les frontières. Third Law est aussi un album froid comme le vide de l’espace et le suivant Kistvaen apportera une touche d’humanité, de chaleur et d’âme. Au-delà du voyage spatial qui lui sert de support, Third Law est avant tout un petit bijou de technologie et de savoir-faire musical. Alors que AUTECHRE se fourvoie dans un enfermement autistique narcissique, PORTER démontre où peut se porter l’intelligence de la nouvelle musique électronique expérimentale.

Note : 4.5/5

PS : la pochette représente un globe oculaire

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- Roly Porter


1. 4101
2. In System
3. Mass
4. Blind Blackening
5. High Places
6. In Flight
7. Departure Stage
8. Known Space



             



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