Corne d'abondance, tonneau des Danaïdes ou comme le dirait encore joliment mon collègue STREETCLEANER, "ne rien inventer, ne parfois même rien réinventer, mais faire revivre un moment". Voici ce qui vient naturellement à l'esprit lorsque se termine paisiblement Everything At Once, le troisième album de ce projet d'Orlando dirigé depuis toujours par Matt Messore. Cet opus a le parfum enivrant d'une brise légère et apaisante d'une fin d'été qui vous rafraîchit instantanément. Il s'inscrit pleinement dans le mouvement dream pop et ces treize courts titres en sont une évidente illustration.

Si vous aimez comme moi la subtile douceur prononcée d'un WILD NOTHING ou l'orfèvrerie ciselée d'un BEACH FOSSILS, il se peut que cet album enclenche rapidement de légers battements dans votre indécrottable cœur d’artichaut. Ces morceaux, genre oblige, sont le plus souvent une ode à un jeu de guitare aérien (l'introductif "All Under The Sky") qui puise là encore son inspiration dans les arpèges graciles de Johnny MARR le compositeur et guitariste des SMITHS. Cette présence bienveillante permet aux Américains d'exposer alors une pop nostalgique lo-fi toute en douces teintes pastel (l'océanique "Fall Into Place") où la voix de Messore vous enveloppe en toute tranquillité (le pourtant triste et joli "Further To Forget").

C'est un voyage auditif qui ne passe par des détours escarpés. Ici, CATHEDRAL BELLS ne recherche pas la vaine complexité ou la prise de risque inconsidérée. Ceci ne signifie pas pour autant que ces quarante minutes soient dénuées d'épaisseur émotionnelle car une belle chanson pop n'est pas si simple à composer quoi qu'en pensent certains. Le projet a parfois la saveur délicieuse à l'image du superbe éponyme de la pop indépendante du début des années 90 avec pour fer de lance les productions SARAH RECORDS. C'est à la fois douillet, cotonneux et comme en suspension à l'instar du très "Healthy Moon" de DIIV "Void" qui emmène son auditeur la tête dans la nuage aidé en ceci par ce répétitif motif de son piano spirale.

CATHEDRAL BELLS expose donc un monde où l'originalité n'est certes pas de mise mais est-ce parfois si essentiel lorsque tout est à ce point fluide et bien amené ? Des morceaux comme "Better Half" ou "Afterglow" se suffisent amplement à eux- mêmes car malgré l'orthodoxie suivie à la lettre, le côté direct, dynamique, l'enchevêtrement de chœurs et la guitare virevoltante assurent à ces deux là le pass pour le ticket d'une indie des plus attractives. C'est agréable comme une énième fin de journée ensoleillée ! Les Américains se déchargent du superflu et l'esprit léger avec le chant des oiseaux dans les oreilles ("A Lifetime To Ago") nous invitent à se recentrer sur l'essentiel. Une recherche de tranquillité intérieure qui culmine sur le poignant "Unison", un instrumental au piano qui voit le jour comme diminuer progressivement pour laisser la place aux rêves. Simple et diablement efficace.

Everything At Once n'est assurément pas là pour casser les murs et satisfaire les gros durs. Ces ambiances à la fois légères et mélancoliques si elles ne sont pas insolites sont cependant suffisamment bien construites pour que l'on mérite de s'y attarder car le plaisir durable est sans conteste là !

Note réelle : 3,5/5