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CLASSIQUE MODERNE  |  STUDIO

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1980 Rondo Veneziano

Rondo VENEZIANO - Rondo Veneziano (1980)
Par AIGLE BLANC le 28 Septembre 2023          Consultée 584 fois

Devant une assemblée silencieuse et concentrée, les musiciens s'adonnaient à leur amour de la musique au fil d'un des nombreux concerts qu'ils livraient dans le palais des Doges.
La formation comprenait 9 solistes parmi lesquels 7 femmes et 2 hommes, tous resplendissants dans leurs costumes d'apparat à la mode vénitienne, les dames aux postes de violonistes, altistes, violoncellistes, flûtiste et clarinettiste arborant le lustre de perruques blanches toutes plus fantaisistes les unes que les autres et dont le corps se voyait magnifié par le frou-frou de robes à cerceaux aux reflets soyeux.
Les hommes ne brillaient pas moins du haut de leurs perruque torsadée ou bouclée et chemise blanche à jabot maintenue par leur costume aux nombreux boutons dorés autour desquels les lacets formaient un savant tressage du plus bel effet. Placés cependant en fond de scène, derrière les musiciennes qui les dissimulaient peu ou prou au regard des spectateurs, ils étaient chargés de la section rythmique, l'un assis derrière son kilt de batterie, tandis que l'autre debout renforçait la dynamique d'ensemble en pinçant agilement les cordes de sa guitare basse (...)

Non, cher lecteur, tu n'es pas embarqué dans un roman historique dystopique ni dans celui, parsemé d'anachronismes, d'un auteur ignorant totalement les us et coutumes des concerts de la Sérénissime à l'époque de son faste décadent si bien dépeint par Casanova lui-même.
Il s'agit en réalité d'un concert de la formation italienne RONDO VENEZIANO, conçue et dirigée par Gian Piero Reverberi, et dont le succès fracassant a engendré 25 millions d'albums vendus de 1981 à 2002 environ.
Né à Gênes en 1939, Gian Piero Reverberi décroche deux diplômes au conservatoire Paganini, dans les spécialités 'piano' et 'composition'. Sa carrière débute, comme beaucoup de ses confrères, à la télévision pour laquelle il compose plusieurs génériques d'émissions. Au cours des années 60-70, il produit également des albums de chanteurs populaires ou de groupes de pop-rock, parmi lesquels LE ORME, l'une des plus célèbres formations italiennes du rock progressif. Comme son confrère Ennio MORRICONE, il se voit sollicité par le cinéma pour lequel il compose principalement des musiques de western spaghetti.
Ce n'est vraiment qu'à partir de 1979 que s'ouvre devant lui la perspective de concrétiser le projet, qu'il caressait depuis un moment, d'une formation musicale italienne, en l'occurrence RONDO VENEZIANO, qui synthétiserait sa passion pour la musique classique, telle que la lui ont enseignée ses années au conservatoire de Gênes, et son expérience professionnelle dans la variété, la pop et le rock. En habile entrepreneur qu'il est, et compte tenu de la niche que devient de plus en plus la musique classique concurrencée par la scène pop-rock, il comprend que la réussite de son 'affaire' ne saurait se permettre de tourner le dos à la culture populaire. Alors, évitant le piège de l'élitisme (reproche que d'aucuns attribuent à la sphère de la musique classique), il envisage l'idée d'un croisement des deux sphères que les puristes adorent clamer irréconciliables.
Ce n'est pas la première fois qu'un tel rapprochement, 'contre-nature', se produit dans l'histoire de la musique d'avant-garde voire populaire. En effet, le Switched-On Bach de Walter CARLOS nous avait laissé d'étonnants souvenirs en 1969, pour 'l'outrecuidance' d'avoir interprété des œuvres de BACH au Moog synthétiseur, l'album ayant fortement, on s'en doute, divisé les esprits. Le japonais Isao TOMITA lui avait emboîté le pas en inaugurant sa série d'adaptations électroniques des grandes œuvres des répertoire classique et contemporain par ni plus ni moins que L'oiseau de feu de STRAVINSKI.
Cependant, le concept de RONDO VENEZIANO comporte trois différences significatives : la musique que propose la formation est principalement l'oeuvre de son concepteur lui-même Gian Piero Reverberi qui, bien que ce dernier n'en dissimule nullement les inspirations baroque et classique, se fend d'authentiques compositions inédites.
De plus, pour constituer son groupe, il met à profit le vivier que représente le conservatoire de Gênes, en y sélectionnant des musiciens diplômés ou en cours de formation. Ajoutons à cela l'idée de génie de Gian Piero Reverberi, qui consiste à demander à ses musiciens de se produire, aussi bien sur scène que lors des tournages des clips video, en costumes à la mode vénitienne du XVIIIème siècle, perruques comprises, ce qui confère à la formation une identité forte et originale. Quant aux instruments homologués (violons, altos, violoncelles, flûtes traversières et clarinettes), ils demeurent des plus baroques ou classiques, à deux détails près, mais de taille : la présence d'une batterie et d'une guitare basse électrique, section rythmique qui enrobe chaque composition dans des atours pop.

C'est ainsi que 25 albums de RONDO VENEZIANO voient le jour entre 1981 et 2002, selon un rythme de production élevé, jusqu'à 2 ou 3 albums par an durant les années 80, tous d'inspiration baroque ou classique, certains opus 'spéciaux' se focalisant sur d'incontournables compositeurs classiques (MOZART, VIVALDI, BEETHOVEN). Les solistes, dont le nombre varie de 9 sur les plateaux TV à 34 lors des enregistrements studio, et les musiciens qui les accompagnent restent pour la plupart anonymes, la formation pouvant évoluer d'une année à l'autre, au gré des instrumentistes que mobilise Gian Piero Reverberi, également leur directeur orchestral.

Il faudrait bien entendu avoir écouté tous les albums de RONDO VENEZIANO pour réellement évaluer la pertinence de son concept et mesurer son éventuelle évolution au fil des deux décennies bien remplies qui en ont consacré le succès. En l'absence d'un tel recul critique, je me contente ici d'évaluer ma réception à l'album inaugural de 1981, au titre éponyme.
Si vos cheveux se hérissent à la seule mention d'André RIEU et de Richard CLAYDERMAN, alors ne fuyez pas et veuillez accorder une attention bienveillante au premier opus de RONDO VENEZIANO. Ce qui différencie ce groupe des deux artistes précités, c'est la qualité des compositions qu'il livre à nos oreilles.
Certes, si vous êtes un amateur éclairé de musique classique, ce disque a peu de chance de vous agréer, mais votre expertise musicale, nourrie par des années d'écoutes, devrait au moins vous permettre d'accorder le bénéfice de l'honnêteté à Gian Piero Reverberi. Celui-ci ne se moque pas de l'auditeur 'inculte' et lui livre 9 compositions d'une facture des plus honnêtes, s'appropriant même certains codes de l'époque baroque, et qui s'élèvent suffisamment au-dessus du pastiche pour offrir un agréable moment. Les titres contiennent assez de complexité harmonique pour répondre à l'ambition pédagogique de ce projet 'unique'.

Malgré nos craintes, le programme s'avère assez varié : l'allégresse vénitienne qui, dans la première moitié de l'album, emporte "Rondo Veneziano", "San Marco" et "Giocchi d'acqua" nous invite aisément à un voyage spacio-temporel. Le plaisir est de la fête pour peu que vous ne soyez pas à la recherche d'une musique torturée au fort courant romantique.
Quant à la seconde partie du disque, qui baigne davantage dans la mélancolie de la cité lagunaire, elle s'avère encore plus convaincante. Une pièce comme "Tramonto sulla laguna", qui met en valeur le hautbois soliste, caresse une fibre romanesque digne d'une musique de film.
La plus belle piste se cache peut-être dans la poésie nocturne de "Notte Amalfitana" dont les violons font preuve d'une belle expressivité à laquelle répond en mineur la voix esseulée du hautbois. Il n'est pas interdit d'y reconnaître une valse plus lente que d'ordinaire.
"L'andante veneziano" ne manque pas de charme non plus, caressant la nostalgie lovée dans nos fibres les plus méconnues.
L'album se referme sur une danse méditerranéenne ("Danza mediterranea") qu'entraîne une flûte alerte et que soutiennent en choeur des violons sautillants, au rythme proche d'une danse irlandaise. Cette jolie fin laisse une impression positive qui rattrape plutôt bien la note par ailleurs conventionnelle de l'ensemble. C'est en effet une musique populaire, donc accessible, et exécutée parfois un peu trop proprement, mais sans défaut rédhibitoire.

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   AIGLE BLANC

 
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- Gian Piero Reverberi (compositions, arrangements, direction orchestrale)
- Orchestre : Anonyme


1. Rondo Veneziano
2. Tramonto Sulla Laguna
3. San Marco
4. Allegro Veneziano
5. Giocchi D'acqua
6. Colombina
7. Notte Amalfitana
8. Andante Veneziano
9. Danza Mediterranea



             



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