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1965 Road Runner

The GANTS - Road Runner (1965)
Par LE KINGBEE le 15 Octobre 2023          Consultée 316 fois

Encore un groupe de Garage dont le regain d’intérêt doit beaucoup aux compilations Nuggets concoctées par Jac Holzman (fondateur d’Elektra Records) et Lenny Kaye, futur guitariste de Patti SMITH.

En 1963, les guitaristes Sid Herring et Johnny Freeman jouent au sein des Kingsmen (homonyme du groupe créateur du tube "Louie Louie"), petit combo basé à Greenwood (Mississippi), là où sévit le sinistre White Citizen’s Council, organisation suprématiste blanche. Suite au départ de Freeman remplacé par Johnny Sanders, la formation devient The GANTS, nom d’une manufacture de chemises locale. Rejoints par Vince Montgomery (basse) et Don Wood (batterie), The Gants ne se différencie guère de nombreux petits groupes locaux orientés dans les reprises et le British Beat. L’histoire aurait pu en rester là si Mike Jeffries, le manager des ANIMALS, n’avait pas assisté à un concert du combo au Mississippi. Le groupe tape dans l’œil de l’impresario et en deux coups de cuillères à pots servira de première partie à la tournée américaine des Anglais.

Dans la foulée, le groupe enregistre à Muscle Shoals deux titres édités par Statue Records, un label de Tupelo fondé par John Mihelic, membre des Nite-Liters. Le single attire l’attention de Liberty Records qui s’empresse d’en racheter les droits. Bénéficiant d’une distribution nationale, ce second jet grimpe à la 46ème place des charts. L’époque où Liberty parvenait à insérer des titres dans le haut des classements via Eddie COCHRAN, Johnny BURNETTE, Bobby Vee, Julie London ou Del Shannon est bien loin. Revendue à Avnett en 1963, Liberty végète dangereusement faute d’un choix artistique cohérent ; la firme maintient sa tête hors de l’eau grâce aux ventes des Chipmunks, du duo Jan & Dean ou de Jackie DeShannon. Etrangement, le single "Road Runner" couplé à "My Baby Don’t Care", une compo de Sid Herring, se classe à la 28ème place des charts australiens. Il n’en faut pas plus pour que Liberty décide d’expédier le quatuor en studio pour enregistrer un premier album.

Malheureusement, les ambitions de Liberty vont se transformer en flop, la faute à plusieurs éléments : d’abord un manque de promotion évident : hormis "Road Runner", peu de titres investissent les radios, une pochette loin d’être porteuse sans aucune originalité et dont on se demande encore pourquoi le label a fait appel à Woody Woodward, un photographe, auteur de liner notes, spécialisé dans le Jazz et surtout pourquoi avoir publié une telle couvrante. Troisième facteur, les membres du groupe étaient souvent indisponibles pour les campagnes de promotions, les show radios, et les concerts. En effet, deux d’entre eux étaient susceptibles d’être appelés à tout moment sous les drapeaux pour jouer dans les rizières meurtrières du Mékong, s’ils quittaient les bancs de leur Université, alors que les deux autres étaient encore au lycée.

Si la pochette dorsale illustrée d’une photographie en noir et blanc dévoile quatre adolescents en costard cravate, bien propres sur eux, le répertoire prend quelques taches de graisse avec une poignée de reprises échappant au registre Beat et à un spectre plus large partagé par la Pop et la variété internationale.
D’entrée, comme le laisse présager le titre de l’album écrit en blanc sur fond rouge, genre panneau de signalisation, le groupe nous expédie sur les traces de Bo DIDDLEY avec l’impayable "Road Runner". Certes, on aurait aimé un peu plus de folie, plus de risques, mais l’interprétation s’avère correcte, presque trop respectueuse de l’original. Une version, selon nous, supérieure à celles des ZOMBIES et des anglaises de Liverbirds. Second coup de canon avec "Gloria", hit des THEM de Van MORRISON qui pourrait à lui seul résumer le manque de chance du combo. Alors que Johnny Sanders et Sid Herring font des pieds et des mains pour que Liberty édite le titre en single, le label manque le coche, jugeant le titre trop sauvage et rugueux. Conséquence, ce sont les SHADOWS OF KNIGHT de Jim Sohns qui vont se tailler une grosse part du gâteau, six mois plus tard, en plaçant le titre dans les charts ricains. Et pourtant, derrière une rythmique incroyablement métronomique, un jeu de gratte extrêmement sobre, le chant d’Herring complètement hyperbolique dévaste tout sur son passage. Une vraie pépite de Garage sixties sans tambourin ni orgue Vox.
Si le tempo baisse d’un cran, les quatre blancs-becs reprennent "Out Of Sight", popularisé un an plus tôt par James BROWN. La basse imprime un groove étonnant tandis que les guitares s’offrent de bons licks et que le chant surprend par sa maîtrise. Cette version dépasse celles de Paul Revere et de Cannibal & The Headhunters. Une pépite de R&B Garage !

Le groupe ne peut s’empêcher de revenir à ses premières influences avec un mélange passe-partout de Beat et de musiques populaires américaines, au confins de la Pop et de la variété internationale. "Stormy Weather", une soupe des année trente du binôme Arlen/ Koehler, composée au préalable pour la revue du Coton Club Parade, avait fait l’objet d’honnêtes versions via Etta JAMES ou Doris TROY. Là, c’est une version gentillette en droite ligne avec les HERMAN’S HERMITTS ou les Merseys que nous offre le groupe. Dans le même ordre d’idée, si la reprise de "The House Of The Rising Sun" que les ANIMALS ont fait grimper tout en haut des charts paraît discutable, l’interprétation se rapproche de celle des BARBARIANS, avouons qu’on a entendu bien pire.
L’influence des BEATLES et plus généralement du Beat est flagrante sur "Bad Boy", un titre mis en boîte par Larry WILLIAMS en 59 dans une veine à la Little RICHARD. Sauf qu’ici, The Gants s’inspirent nettement de la cover des Fab Four, privilégiant une ambiance propre da la Mersey au détriment d’un décor R&B.

The Gants nous offrent également une poignée de curieux Folk Garage Psyché, comme en atteste "You've Got To Hide Your Love Away", titre des BEATLES dans la lignée de la version des BEAU Brummels. Eddy MITCHELL en fera une adaptation convaincante avec "Tu ferais mieux de l’oublier". Dans le même registre, avec guitare acoustique et tambourin, le groupe reprend "Don't Think Twice, It's All Right", grand classique de DYLAN inspiré par le "Who's Gonna Buy You Ribbons (When I'm Gone)" de Paul Clayton. C’est sympa mais ça ne fait pas avancer le Schmilblick, d’autant plus que le titre a été repris à toutes les sauces (de PETER, PAUL & MARY, à CHER en passant par Johnny CASH ou Waylon Jennings pas encore Outlaw).

Le tiers de l’album provient d’originaux dont Herring reste le principal pourvoyeur. "Six Days In May" se déguste comme une douce ballade rappelant HERMAN’S HERMITS ou les ZOMBIES. Même impression avec "Never Go Right" qui lorgne sur Gerry & The Pacemakers. Autre moment de pur Beat avec "Baby I Don’t Care", titre évocateur des KINKS. Hormis le timbre d’Herring, "I Don’t Want To See Her Again" pourrait provenir d’un disque des BEATLES, la mélodie et les riffs de gratte correspondant parfaitement au schémas et codes des Liverpudlians.

Produit dans une incompréhensible urgence par Hurshel Wiginton, un ancien chanteur de session mais un vrai boulet, ce premier jet méritait mieux. Il aurait suffi de laisser un peu de temps pour qu’Herring compose des titres plus emblématiques que les clones de Merseybeat choisis par Liberty. En dehors d’une pochette peu encourageante, le répertoire navigue dangereusement entre Garage et Beat, donnant l’impression que le groupe a toujours le cul entre deux chaises. Cependant, tout n’est pas à jeter, loin de là. Ce jeune groupe qui fait plus penser à un combo d’amateurs passionnés est capable d’envoyer quelques bons brûlots de style Garage, registre qui, ne l’oublions pas, reste avant tout marqué par la production de singles.

Note réelle : 2,5

PS : Remerciements à Phil "Choco Pop" Moricet pour le prêt de ce vinyle.

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   LE KINGBEE

 
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- Sid Herring (chant, guitare, tambourin)
- Johnny Sanders (guitare)
- Vince Montgomery (basse)
- Don Wood (batterie)


1. Road Runner
2. Stormy Weather
3. Gloria
4. Six Days In May
5. You've Got To Hide Your Love Away
6. The House Of The Rising Sun
7. Bad Boy
8. My Baby Don't Care
9. Never Go Right
10. Out Of Sight
11. Don't Think Twice, It's All Right
12. I Don't Want To See Her Again



             



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