Chain (Re)Action, le très bien nommé, est presque complètement de la musique concrète. Un cliquetis de chaîne, d’abord lointain, et qui s’amplifie à une mesure telle qu’il devient impossible, même pour le plus endurci de la feuille, de le tolérer. Puis, après une coupure nette, les répercussions de ce son, les réactions en chaîne donc, plus ou moins nuancées, toujours froides et sans harmonies autres que celles engendrées par les superpositions de bruits, ou plutôt, de déchets du bruit originel.

Voici, en résumé, ce à quoi vous devez vous attendre à propos de ce disque obsessionnel et douloureusement minimal signé Akifumi Nakajima, le sculpteur sonore derrière le projet AUBE. Provenant du monde du design industriel, ce Japonais a naturellement abordé le monde de la musique avec une méthodologie particulière, envisageant chacune de ses réalisations comme un vrai travail d’approfondissement du son et se limitant très justement à une seule source sonore ; ici une chaîne, là-bas de l’eau ou le bruit des pages d’un livre, que dis-je !, du Livre.
Décédé en 2013, il laisse derrière lui non seulement une discographie plus que foisonnante mais aussi une carrière faite de rencontres tant bien avec ses collègues japonais (dont MASONNA, JUNKYO ou C.C.C.C.) qu’avec le légendaire MAURIZIO BIANCHI.

Si MERZBOW, par exemple, pulvérise l’auditeur sous un déluge de feu sonore, AUBE, en véritable chirurgien, le transperce finement, méthodiquement, sans précipitation aucune. Certes, certains de ses travaux sont beaucoup plus sales (je pense à l’excellent Grind Carve notamment), mais dans l’ensemble (vaste ensemble qui plus est), nous avons toujours à faire de la mécanique de haute-précision.

Chain (Re)Action figure parmi ces disques hautement recommandables que l’on ne saurait malheureusement recommander qu’à une minuscule population exclusivement composée de nous-mêmes et de nos meilleurs amis imaginaires. Plus prosaïquement, ce n’est peut-être pas la porte d’entrée idéale pour aborder le cas de AUBE ; mais existe-il même une porte d’entrée ? Car dans l’univers de la Japanoise, pourtant peu enclin à la demi-mesure et à l’ouverture, l’espèce de musique d’Akifumi Nakajima est peut-être la plus difficile d’accès, la plus austère, la plus implacablement sèche – et sur celui-ci particulièrement.
Mais, à volume raisonnable, l’expérience en vaut la peine.