Entre le 5 et le 6 septembre 1972, une prise d’otages eut lieu au village olympique de Munich qui se solda par la mort de 11 athlètes israéliens, d’un policier allemand et de 5 preneurs d’otages. Ce fut le moment où le grand public entendit parler pour la première fois de Septembre Noir, organisation fondée deux ans auparavant en Palestine. Ce fut aussi la confirmation que le conflit israélo-palestinien était fatalement prédestiné à s’exporter de part le monde, pour le ravager encore un peu plus.

Return of Black September, ou la face la plus obscure de MUSLIMGAUZE. Comme l’indique son titre bien sûr mais surtout sa superbe et inquiétante pochette, ce disque est sombre, très sombre, tout en conservant en son for intérieur une part non négligeable de pure beauté ; je parle de celle qui ne se dévoile que furtivement et non sans difficulté.

Ambiance de film expérimental, basse menaçante, cithare en mode mineur et samples surgissant comme d’un trou noir, le titre éponyme est un bel exemple de dark indus soutenu par des percussions fracassantes mais employées avec un certain art de la modération.
Après la très minimale "Lybia", sorte de course-poursuite entre beat electro entêtant et percussions tribales, nous arrivons à la pièce maîtresse : "Thugghee" progresse de l’ambient crépusculaire jusqu’à une espèce de dub envoûtant, sauvage et raffiné tout à la fois, avant de redescendre dans un maelstrom de cymbales, de samples divers et de soufflerie granuleuse qui ravira les amateurs de pure musique industrielle.
Le voyage se termine avec deux remix, dont un titre présent à l’origine sur Gun Aramaic, "Opiate And Mullah", electro bien froide et vénéneuse.

Quelque chose qui se remarque ici peut-être plus qu’ailleurs : la musique de MUSLIMGAUZE est une musique VIVANTE. Comme un animal, imprévisible alors qu’on croyait l’avoir apprivoisé, il nous échappe tout en nous ramenant à nous-même, à notre être.
Dans tous les cas, cette musique est si singulière qu’elle pousse certains commentateurs à émettre l’hypothèse (autrefois téméraire, aujourd’hui à la mode) que Bryn Jones était un autiste de type Asperger. Au vu du peu que l’on connaît de sa très discrète existence, cette hypothèse est tout à fait plausible. Il vivait en vase clos, dans sa chambre-studio et uniquement préoccupé par ce qu’il appelait son groupe dont il était, à quelques très rares occasions près, le seul et unique représentant.
Tout cela est fort intéressant, fascinant même, mais n’explique en rien, ou si peu, la véritable alchimie qui s’opère ici ni sur quelques autres diamants de sa prolifique discographie. Peut-être parce qu’il n’y a tout simplement rien à expliquer.

Moins violent que menaçant, presque posé et nuancé dans l’ensemble, Return of Black September s’étend en une plage semblable à une marée noire comme l’onyx d’où s’élèveraient, çà et là, quelques improbables goélands majestueux car libres. Une manière de dire que ce disque est une complète et sincère réussite. Non pas le plus accessible, de loin, mais le plus désirable pour tout contemplatif qui se respecte.