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1967 King & Queen
 

- Style + Membre : Otis Redding , Carla Thomas

OTIS REDDING & CARLA THOMAS - King & Queen (1967)
Par LE KINGBEE le 15 Décembre 2023          Consultée 329 fois

Il fut une époque où l’industrie du disque se complaisait à produire des duos en pagaille. On ne parle pas là de paires familiales constituées de couples ou de frères et sœurs (Ike et Tina TURNER, Stone et Charden, Sonny & Cher, EVERLY BROTHERS), ni des doublettes formées de toutes pièces (SAM & DAVE, Hall & Oates) et qui feront carrière pendant plusieurs années, mais de couples constitués au petit bonheur la chance, bien souvent pour des raisons commerciales ou de marketing. L’histoire regorge d’exemples privilégiant une manne financière ou publicitaire à l’artistique. Certes, certains de ces duos restent dans nos mémoires ("Don’t Go Breaking My Heart" Elton John/Kiki Dee, "You’re The One That I Want" John Travolta/ Olivia Newton John, sans oublier "Paroles, Paroles" du couple improbable Dalida/Alain Delon), mais avouons que peu d’entre eux présentent un réel intérêt artistique *. Dernièrement, le crooner Tony Bennett s’est accolé avec LADY GAGA et Amy WINEHOUSE pour des duos discutables, je ne parle pas d’Aya Nakamura et Niska avec "Sucette", un titre d’une incroyable médiocrité, qui a cependant cartonné via les plateformes de streaming. Bref, on laisse chacun libre de juger la qualité de ces duos, tout est une question de goût et de sensibilité.

Le monde de la Soul n’a pas échappé à cette mode des duos. Plusieurs associations ont fait le bonheur de la jeunesse américaine et des charts noirs durant les sixties. Ella FITZGERALD et Louis ARMSTRONG avaient ouvert la voie dès la fin des années 50. Dinah WASHINGTON et Brook Benton, auteur du fantastique "Baby (You’ve Got What It Takes)", Jerry Buttler et Dionne WARWICK, Inez et Charlie Foxx, Chuck JACKSON associé à Betty EVERETT à laquelle succèderont Doris TROY puis Maxine Brown, sans oublier James BROWN et ses Ikettes ou le sulfureux couple Ike & Tina TURNER ouvriront la boîte à Pandore avec plusieurs titres retentissants. Mais c’est bel et bien la Motown qui allait récolter la plus grosse part du gâteau avec Marvin GAYE, auteur de plusieurs duos avec Mary Wells, Kim Weston et surtout Tammi Terrell. Ces différents duos lanceront les carrières de Peggy Scott et Jo Jo Benson et d’Ashford & Simpson.

Jim Stewart, le patron de la Stax n’est pas dupe des retombées financières générées par la Motown de Berry Gordy. Fin 66, il prend la décision d’enregistrer deux de ses poulains avec pour perspective de concurrencer le label de Detroit et booster les carrières de Carla THOMAS et d’Otis REDDING, deux artistes au tempérament opposé. Enregistré en janvier en six jours, King & Queen bénéficie d’une étonnante alchimie entre deux personnages si différents, et d’un accompagnement millimétré avec la présence des membres de BOOKER T. & The MG’s, orchestre attitré du label Stax.
Pour Carla Thomas, la formule duo n’est pas une première, bien avant de connaître le succès avec l’album Gee Whiz, la jeune chanteuse avait enregistré en duo avec son paternel "Cause I Love You", single dépassant en termes de vente les 50000 exemplaires. Durant l’automne 66, sous la houlette d’Isaac HAYES, Carla commet un second carton avec "Baby", chanson initialement prévue pour SAM & DAVE. Pour entretenir cette réussite, alors que la chanteuse est encore à l’université où elle prépare une maîtrise d’Anglais, Stewart l’associe donc à Otis Redding pour un résultat ébouriffant.

Si le nombre de reprises frôle les 80%, certains originaux sont piochés dans le catalogue, à commencer par un décoiffant "Knock On Wood" qui emporte tout sur son passage. Avec sa voix gutturale et sa verve, Otis REDDING se fait tancer par la délicate Carla, la bonne humeur étant de mise tout au long du titre. Pour le coup, cette version nous paraît même plus captivante que l’originale d’Eddie FLOYD, surpassant également celles de Wilson PICKETT, des SWEET INSPIRATIONS ou des cousins James et Bobby Purify. On pioche dans le répertoire de la chanteuse avec "Let Me Be Good To You", enregistré quelques mois plus tôt. L’apport de REDDING booste l’ensemble et contribue à apporter un peu d’excitation. Certains trouveront avec cette petite douceur une analogie mélodique avec le "Where Did Our Love Go" enregistré deux ans auparavant par les SUPREMES. Autre ballade avec un bon de glycémie, "When Something Is Wrong With My Baby", une compo du tandem Isaac HAYES/David Porter popularisée SAM & DAVE, illustre parfaitement le registre de la chanson d’amour. Une version pleine de romantisme dont le texte nous semble être mieux représenté par un couple homme/femme que par Sam & Dave. On recommande au passage la reprise plus tardive de Barbara LYNN.

Parmi les covers échappant à la Stax, le duo nous balance un second coup de canon avec "Tramp", hit du bluesman Lowell FULSON enregistré pour le label Kent des Frères Bihari. Encore une fois, Carla invective son équipier sur sa tenue et son compte en banque alors qu’Otis joue à l’amoureux transi. La complicité et la bonne humeur entre les deux protagonistes sautent aux oreilles. Une reprise qui vaut du coup l’original pourtant exceptionnel. Les paroles prêtent encore à sourire : Tramp - What you call me ? You straight from the Georgia woods - You wear overalls -Woman, you foolin -Ooh, I'm a lover. Cette interprétation éclipse totalement celles du duo Julie Driscoll/ Brian Auger. La doublette nous fait vivre un petit moment de douceur avec "Tell It Like It Is" **, hit d’Aron NEVILLE. Le chant d’Otis, moins maniéré que celui de Neville, allié au timbre plein de bienveillance de Carla et à une orchestration d’orfèvres font de cette ballade romantique un Must. Une version légèrement supérieure à celle du duo Billy Vera/ Judy Clay. Petit emprunt à Atlantic avec "Lovey Dovey", œuvre de King Curtis et Ahmet Ertegun immortalisée par les Clovers au milieu des fifties. Cette fois, toutes les traces de Doo Wop s’estompent au profit d’une Memphis Soul dans la lignée de la Stax.
Le duo s’attaque à la Motown avec "It Takes Two" popularisé par Marvin GAYE et Kim Weston. On laisse chacun libre de se faire sa propre opinion, mais notre duo nous semble plus entraînant que celui de la Motown, ajoutez l’apport des Mar-Keys et la différence devient un fossé. Le titre est repris par une multitude de duos inconcevables parmi lesquels George Best (enfant terrible du foot anglais) et Mary Stavin , une mannequin suédoise pour une société de fitness. Chez nous, le titre est adapté par Gilles Thibaut pour Claude FRANCOIS avec "Il faut être deux". Compo de Bert Berns enregistrée quelques mois plus tôt par Freddie Scott, "Are You Lonely For Me Baby", le duo bien aidé par l’orchestre et des arrangements aux petits oignons, tempèrent avec justesse la chanson, future reprise d’Al GREEN. Le duo délivre une interprétation savoureuse de "Bring It On Home To Me", standard de Sam COOKE fortement inspiré par "I Want To Go Home" du pianiste Charles Brown. Si le titre connaît moult reprises, l’alchimie entre les deux chanteurs est parfaite. Le contraste entre le moelleux de Carla Thomas et le timbre parfois excité d’Otis REDDING est un modèle du genre. On conseille dans un autre registre la version d’un autre duo Sonny Terry/Brownie McGhee.

Deux compos agrémentent l’album. "New Years’s Resolution" de Deanie Parker (future directrice publicité de Stax), Mary Frierson (alias Wendy René) et Randle Catron, un trident d’auteurs maison pour une douce ballade nous contant l’histoire d’un couple en plein tumulte qui profite des vœux et résolutions du Nouvel An pour tourner la page. Histoire vécue ou pas, on n’y croirait presque. L’album se clôt avec "Ooh Carla, Ooh Otis", création de REDDING et Al Bell et déclaration d’amour humoristique entre les deux chanteurs prétexte à donner le premier rôle aux membres de Booker T & The MG’S.

King & Queen sorti en mars 67 reste le dernier album studio enregistré par Otis REDDING avant son tragique accident d’avion en décembre. Si le disque se fait plus fantaisiste par rapport au répertoire du chanteur, le contraste entre la sensualité et la délicatesse de Carla et l’aspect plus mâle d’Otis sont pour beaucoup dans sa réussite. Ajoutons-y une orchestration magistrale, la pochette de Ronnie Stoots, créateur du logo Stax et musicien à ses heures perdues, et trois titres édités en singles qui rentreront tous dans les charts. Nul ne sait quel aurait été l’avenir du chanteur sans cette tragédie, mais il triomphera quelques mois plus tard au Monterey Pop Festival. Un disque cohérent qui tient la dragée haute aux diverses productions de la Tamla Motown.


*Il s’agit des premiers exemples qui me sont venus spontanément à l’esprit. Il doit y avoir une centaine d’équivalents.
**Titre homonyme à ceux de Roy Milton, Wayne Shorter et Tracy Chapman.

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- Otis Redding (chant)
- Carla Thomas (chant)
- Steve Cropper (guitare)
- Donald 'duck' Dunn (basse)
- Al Jackson Jr. (batterie)
- Booker T. Jones (claviers, piano)
- Isaac Hayes (claviers, piano)
- Andrew Love (saxophone)
- Joe Arnold (saxophone)
- Wayne Jackson (trompette)


1. Knock On Wood
2. Let Me Be Good To You
3. Tramp
4. Tell It Like It Is
5. When Something Is Wrong With My Baby
6. Lovey Dovey
7. New Year's Resolution
8. It Takes Two
9. Are You Lonely For Me Baby
10. Bring It On Home To Me
11. Ooh Carla, Ooh Otis



             



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