Originaire de Chicago, Nick MOSS a fait ses gammes comme bassiste pour Buddy Scott et Jimmy DAWKINS avant de s’orienter vers la guitare en intégrant l’orchestre de Jimmy Rogers. A trente ans, après une carrière professionnelle commencée dès l’adolescence, Moss s’est envolé vers une carrière en solo en fondant son propre combo Nick Moss & The Flip Tops, groupe qui se transformera en Nick Moss Band avec à la clef First Offense *, un premier disque enregistré en compagnie de l’harmoniciste Lynwood Slim et du batteur Kenny Smith et édité par Blue Bella Records, son propre label. Douze albums vont s’ensuivre jusqu’à ce que le guitariste signe un contrat avec Bruce Iglauer patron du label Alligator.

Ce troisième jet édité sous la bannière d’Alligator met en lumière l’association du guitariste avec l’harmoniciste du New Jersey Dennis Gruenling, une alliance judicieuse ayant vu le jour il y a maintenant six ans. Lauréat depuis 2020 de deux Blues Music Awards, le Nick Moss Band récolte également les éloges de la critique pour la qualité de ses concerts, la formation étant devenue au fil des années l’une des attractions majeures du circuit Blues.

Le guitariste bénéficie ici d’un combo mitonné aux petits oignons avec le bassiste brésilien Rodrigo Mantovani, également coproducteur, le batteur Pierce Downer, le claviériste Taylor Streiff (ex membre des Revelators de Paul Moody, et Joan OSBORNE), une troupe dans laquelle Dennis Gruenling (ex Gina Sicilia, Dave Gross) nage comme un poisson dans l’eau, navigant habilement entre Chicago Blues et Jump West Coast. Deux invités viennent apporter leur concours ! le saxophoniste Sax Gordon (ex Champion Jack DUPREE, Luther Johnson, Duke Robillard) et l’organiste Brother John Kattke (ex Koko TAYLOR, Toronzo CANNON, Jimmy JOHNSON).

Comme le laisse supposer la pochette, le répertoire concilie une musique festive sous un décor vintage. Enregistré dans l’Illinois au Rancho Rhythm d’Elgin, le studio du guitariste, l’album part sur les chapeaux de roue avec "The Bait in the Snare", malgré l’avertissement donné par Nick Moss consistant à éviter certains pièges du quotidien, c’est une plongée dans l’univers du R&B et des grands Blues Shouters des années 50 auquel on est convié, les ombres de Wynonie Harris, Jay Mc Shann ou H Bomb Ferguson planent en permanence sur cette mise en bouche.

La Windy City offre un cadre robuste et déchaine plus d’un enfantement. "Get Your Back Into It", titre donnant son nom à l’album, se déguste comme un excellent shuffle, un clin d’œil aux enregistrements Chess de Muddy WATERS. On reste dans la Cité des Vents mais dans le South Side avec "Living In Heartache", titre âpre où la slide endosse le premier rôle dans le style d’un Robert Nighthawk. Les amateurs de West Side Sound ne pourront s’empêcher de se remémorer Jimmy JOHNSON à l’écoute de "The Solution", titre exhalant un délicat fumet de Soul Blues, tandis que le jeu d’harmonica diffuse une sonorité plus Country.

Changement de cap, "Man On The Move" nous entraine sur la Côte Ouest, au cœur du Jump avec un harmonica chromatique qui semble marcher sur les pas de George "Harmonica" Smith. Avec son intro de contrebasse, "It Shocks Me Out" se place sur la même lignée, la combinaison guitare /Harmonica associé au chant rappelle l’univers des NIGHTCATS de Rick Estrin et Little Charly.
"Choose Wisely" dans lequel Moss ne peut s’empêcher de nous délivrer une espèce de maxime sur le destin et une vie sans remord nous ramène vers un environnement proche de T. Bone WALKER, une fusion entre Texas Blues et Jump. Autre belle invitation au voyage avec "Losing Ground", une mosaïque dans laquelle Boogie, Chicago et California Blues viennent se fondre pour notre plus grand plaisir. Si le thème de l’amour perdu demeure récurant dans le Blues, Moss nous en livre un excellent aperçu avec "Lonely Fool", titre qui s’inspire autant du Chicago Blues que de son alter-ego texan.

Entièrement constitué d’originaux (douze compos de Moss et deux de Gruenling), le disque fait aussi la part belle à des titres plus lents. "Aurelie" évoque une atmosphère à la Slim Harpo, la mélodie lorgnant sur le hit "Tip On In".

Comme son titre le laisse deviner « Out Of The Woods » sort quelque peu du contexte, cet instrumental rappelle les ambiances des Big Band, cette fois ci la silhouette de Count Basie semble voler dans les airs. De Chicago à la Californie, le combo s’offre une escale sur les rives du Mississippi avec "Your Bark Is Worse Than Your Bite", un Boogie à la John Lee HOOKER chanté par Dennis Gruenling. Le riff de gratte brute de décoffrage devient rapidement obsédant. Avec son rythme de rumba, l’instrumental "Bone’s Cantina" nous renvoie vers le Golfe du Mexique, à mi-chemin entre ambiance Tex Mex et l’impayable "Congo Mombo" de Guitar Gable. Dernier instrumental en guise de clôture avec "Scratch ‘N’Snif", un mélange de Surf et de Rockab gorgé de reverb et qui pourrait largement provenir d’une BO de Tarantino ou d’un single de Link WRAY ou de Wild Jimmy Spruill, un titre encore une fois terriblement dansant.

Troisième association entre Nick Moss et Dennis Gruenling, une doublette qui se range parmi les meilleurs représentants actuels de la composante guitare/harmonica, Get Your Back Into It ! nous invite à un bien beau voyage, une expédition sans faute de gout dans laquelle Chicago, la West Coast et le Delta nous laissent des bouquets aux senteurs variées. Produit sans surenchère, ce recueil vaut également par la qualité des arrangements et une orchestration sans faille dans laquelle aucun des membres ne surjoue. A l’image de sa pochette, un disque qui vous booste avantageusement.