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2023 Memphis Calling

Emma WILSON - Memphis Calling (2023)
Par LE KINGBEE le 16 Janvier 2024          Consultée 528 fois

En 2007 l’anglaise Emma WILSON avait publié un premier EP autoproduit de six titres passé totalement inaperçu. Pendant près de quinze ans la native du Teesside, énorme cité du North Yorkshire où l’industrie chimique règne en maitre, se produira avec ferveur dans le circuit des pubs et des festivals Blues qui pullulent en Angleterre. Quinze ans plus tard, la chanteuse, bien décidée à prendre le taureau par les cornes, envoie quelques démos à une poignée de contacts américains. Par le plus grand des hasards, des bandes atterrissent dans les bureaux de Frank Roszak, un ancien ingé-son, directeur de promo pour une radio et directeur artistique du label Delta Groove. Un gars dont le nom pèse dans l’industrie du disque, un producteur qui a travaillé avec des gens aussi variés que PET SHOP BOYS, Kim WILDE, Liane FOLY mais qui reste également connu pour ses productions ancrées dans le Blues (Ana POPOVIC, Rod PIAZZA, Elvin BISHOP Phillip WALKER ou Mitch Kashmar). Roszak recommande Emma à Johnny Phillips, neveu du légendaire Sam Phillips ancien grand manitou du label Sun, qui la prend sous contrat et lui fait d’enregistrer Wish Her Well, album qui lui permet de remporter le prix Révélation aux UK Blues Awards 2022 et ainsi d’accéder à une plus grande notoriété. Une histoire comme on les aime bien chez FP d’autant plus quand le pot de terre l’emporte sur le pot de fer.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais alors qu’elle prépare dès janvier son second disque à Nashville avec la collaboration de Gary Burr, l’anglaise profite de quelques jours de liberté pour pousser jusqu’à Memphis, pour visiter la ville et rencontrer Johnny Phillips. Le patron de Sam Phillips Recordings profite de l’occasion pour interviewer la chanteuse lors un podcast. Ebahi par sa voix, l’américain persuade la chanteuse de venir enregistrer son second opus à Memphis et de laisser tomber Motor City. En juin, Emma retourne à Memphis pour finaliser son projet. Memphis Calling va être mis en boite en deux jours. Une galette qui tient du conte de fée surtout au regard de l’incroyable line-up d’enfer qui seconde l’anglaise.

Placé sous la houlette du producteur Scott Bomar, bassiste au sein d’Impala et des Bo-Keys également coauteur de deux titres, Wilson se retrouve épaulée par une troupe de choc, il faut dire que Bomar, auréolé d’un Awards pour avoir produit et enregistré l’album Memphis Blues de Cindy LAUPER, dispose d’un carnet d’adresse impressionnant. C’est ainsi qu’on retrouve deux des Frères Hodges : l’organiste Charles (ex Al GREEN, Ann PEEBLES, O.V. WRIGHT) et Leroy à la basse (ex Beverly KNIGHT, Otis RUSH, Bobby RUSH), le pianiste Archie Turner (Al GREEN, Paul BUTTERFIELD, Melissa Etheridge),le guitariste Joe Restivo (ex Don BRYANT, Robert FINLEY), le batteur Steve Potts (Irma THOMAS, Luther ALLISON, Melvin TAYLOR) le tout saupoudré par une solide section cuivre avec le sax Kirk Smothers (Eden BRENT, Vaneese THOMAS, Buddy GUY) et le trompettiste Marc Franklin (Carmen McRAE, NORTH MISSISSIPPI ALLSTARS, Robin McKelle).

Wilson ne se contente pas de chanter, elle a coécrit quatre morceaux dont deux avec Gary Burr, ancien membre de PURE PRAIRIE LEAGUE et songwriter réputé dans le domaine de la Country. "A Small World", une compo ouvre les débats sous les meilleurs auspices ; derrière une nappe de cuivres rutilants, le timbre de l’anglaise nous rassure d’entrée de jeu. Sur "Watching You Leave", certaines intonations nous renvoient naturellement vers Dusty SPRINGFIELD, autre native du Nord de l’Angleterre, on retrouve là une sophistication dans la diction davantage mise en valeur pour nos oreilles d’européens. Coécrit avec Terry Reid, guitariste anglais de session (Don HENLEY, Bonnie RAITT), "I’ll See You In The Morning" pourrait se définir comme une mixture entre Soul et une Pop pleine de délicatesse et de rêves. On se croirait à la croisée des chemins entre Ann PEEBLES et ADELE, une combinaison non négligeable. Dernière compo avec "Drug", si les arrangements et l’orchestration mettent parfaitement le chant sur orbite, on croirait entendre un titre enregistré au tout débuts des seventies dans les studios Hi de Willie Mitchell. Contrairement à certaines concurrentes (Joss STONE, DUFFY) Emma Wilson n’a pas besoin de pousser sur sa voix pour faire naitre une émotion factice, chez elle tout semble couler de source. Même quand le tempo monte en gamme, on retrouve une modulation vocale remplie de grâce et d’élégance, un peu à l’instar de Carla THOMAS.
Une autre piste créée spécialement pour l’album s’insère parfaitement dans le ton général : "What Kind Of Love", il faut dire que la chanson provient de l’imagination du tandem Don BRYANT/ Scott Bomar, deux légendes du Memphis Sound. La basse instaure un tempo lent et tenace, les différents instruments impulsent une ambiance hyper groovy dans laquelle la voix lascive de l’anglaise fait merveille d'autant qu'elle est asociée à celle du fantastique Don Bryant.

Quatre reprises résultant d’un choix judicieux entre inusités et indémodables viennent agrémenter ce voyage à Memphis. La chanteuse rend hommage à la Stax, le label au doigts qui claquent avec "Water" *, titre d’Eddie FLOYD figurant sur I’ve Never Find A Girl. Si les musiciens se montrent respectueux de l’orchestration d’origine, on ne peut s’empêcher de penser que les studios Hi de Willie Mitchell (dont on retrouve les Hodges Brothers) et ceux de la Stax avec les membres de BOOKER T & The M.G.’s possédaient les deux meilleurs orchestres dédiés à la Soul. Une version convaincante et qui parvient même à faire oublier la reprise du trident Albert KING/Steve Cropper/Pops STAPLES.
Changement de cap avec "Hoochie Coochie Mama", la réponse féminine au standard de Willie DIXON "(I'm Your) Hoochie Coochie Man)" popularisé par Muddy WATERS en janvier 54. Si ce grand classique machiste a fait l’objet de nombreuses reprises, la gent féminine ne s’en laissera pas compter s’offrant de rares incursions dans une chanson où les attributs féminins et une tenue affriolante demeurent la trame centrale. Big Time Sarah puis Etta JAMES avaient remis les compteurs à zéro en reprenant la chanson. Là, Emma Wilson nous montre qu’elle est aussi à l’aise dans le Blues que dans la Soul, la chanteuse a assez de puissance et de gouaille pour remettre au gout du jour une chanson clin d’œil au machisme ambiant qui plana longtemps dans l’industrie musicale.
Depuis sa création au milieu des forties par Buddy Johnson, "Since I Fell For You" a connu une myriade de covers de tout poil. Si curieusement cette ballade Jazzy a connu son meilleur classement par l’entremise de Lenny Welch en 1963, au fil des années la chanson a été passée à la moulinette accommodée souvent de sauces allant du sirupeux à l’indigeste. Si Barbara LEWIS, Laura Lee ou Fontella Bass en délivrèrent en leur temps d’excellentes versions, Emma Wilson témoigne de sa facilité à pouvoir s’immiscer dans le domaine de la Soul Jazzy. La qualité des arrangements et la finesse des instrumentistes font le reste, réhabilitant en quelque sorte cette douce ballade.
Mais si un titre nous renvoie pleinement au cœur des années d’or du Memphis Sound, c’est bien "I Still Love You" **, une compo de Willie Mitchell immortalisée par Ann Peebles, une version dans laquelle figuraient Archie Turner et les trois frères Hodges (le guitariste Teenie est décédé en 2014). Toute la quintessence de la Soul de Memphis est ici parfaitement palpable. Le chant d’Emma Wilson est imparable de naturel et de sincérité pour des paroles intemporelles : Baby I'm feeling sort of lonely - Heard the news today - Somebody told me that you were leaving - And I just called up to say I still love you.

Avec ce Memphis Calling, Emma Wilson rend un brillant hommage à la Stax et Hi Records. Chanteuse parfaitement polyvalente pouvant évoluer aussi bien dans la Soul que le Blues et le Jazz, l’anglaise nous scotche carrément par son feeling et son naturel. Une production bien léchée, une orchestration sans faille, des arrangements raffinés et un répertoire judicieux alternant entre originaux, reprises inusitées et standards placent Emma Wilson un cran au-dessus par rapport aux jeunes chanteuses britanniques de Soul que certains médias tentent de nous refourguer (Joss Stone, Izzy Bizu, Lily Moore ou Joy Crookes)*** à grands coups de slogans publicitaires démesurés ou de clips vidéo tapageurs et plein de poudre aux yeux.


*Titre homonyme à ceux de Eggstone, PJ Harvey, Brad Paisley.
**Titre homonyme à ceux de Kiss, Tutu Jones, Buddy Johnson.
***Ce ne sont là que des exemples, d'autres noms auraient pu y figurer.

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- Emma Wilson (chant)
- Don Bryant (chant 5)
- Joe Restivo (guitare)
- Leroy Hodges (basse)
- Steve Potts (batterie)
- Charles Hodges (orgue)
- Archie Turner (piano)
- Kirk Smothers (saxophone)
- Marc Franklin (trompette)
- Scott Bomar (tambourin)


1. A Small World
2. Water
3. Watching You Leave
4. I Still Love You
5. What Kind Of Love
6. I'll See You In The Morning
7. Drug
8. Hoochie Coochie Mama
9. Since I Fell For You



             



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