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2008 Just A Little Lovin

Shelby LYNNE - Just A Little Lovin (2008)
Par LE KINGBEE le 7 Février 2024          Consultée 351 fois

Alors qu’elle est encore adolescente, Shelby LYNNE est victime d’une tragédie. Son paternel, un poivrot violent, abat sa femme dont il est séparé, puis se loge une balle dans le crâne devant ses deux filles. Shelby est plongée dans le dur monde des adultes bien plus tôt que prévu.
Originaire de Virginie, la jeune fille se lance dans la Country, tout en s’occupant de sa cadette ; elle signe un premier contrat avec le label Epic à 21 ans. Evoluant entre Country traditionnelle, alternative et Americana, il lui faut attendre dix ans de carrière pour que le monde de la Country la reconnaisse, la chanteuse décrochant un Grammy Award par l’entremise de I’m Shelby Lynne, album produit et coécrit par Bill Bottrell, un Californien connu pour avoir œuvré auprès de Michael JACKSON et de Sheryl CROW. Cerise sur le gâteau, la chanson "Dreamsome" intègre la bande son du film Le Journal de Bridget Jones, grand succès de l’année 2001.

Suite à ce premier coup de semonce, LYNNE enregistre un album chez Island, suivi de deux galettes chez Capitol, mais c’est encore une fois en reprenant un répertoire à rebrousse-poil qu’elle va acquérir une plus grande notoriété en signant chez Lost Highway, un label de Nashville qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. La maison de disque de Luke Lewis, ancien président de la firme Mercury, dispose d’un catalogue étonnant, n’hésitant pas à enregistrer des artistes sortant des clous : Lucinda WILLIAMS, Elvis COSTELLO, Mary Gauthier, Lyle LOVETT ou l’acteur Billy Bob Thornton.

Lost Highway n’a aucun mal à convaincre Phil Ramone, un ingé-son fondateur des studios A&R Recordings, à produire Shelby LYNNE. Après s’être intéressé au Jazz durant les sixties, Ramone s’est tourné vers la Pop, produisant avec succès des artistes aussi variés que The BAND, Paul SIMON, Aretha FRANKLIN ou Billy JOEL. Considéré comme le Pape de la Pop, Ramone s’est aussi penché avec succès sur le cinéma, produisant notamment les bandes sons de Macadam Cowboy, SOS Fantôme ou la production Disney Oliver et Compagnie. Ramone, disparu en 2013, suite à un AVC, reste aussi connu pour ses concepts de duos, un domaine où il illustre de nombreuses vedettes (Frank SINATRA, Ray CHARLES, Barbra STREISAND jusqu’au crooner Tony Bennett). Cette fois ci, s’il n’est pas question de duos, le producteur oriente la chanteuse vers une sorte de Tribute avec neuf titres chantés par l’anglaise Dusty SPRINGFIELD, disparue à la toute fin du siècle dernier. Contre toute attente, Shelby adhère au projet, d’autant que l’idée a germé dans la tête de la chanteuse suite à une conversation avec Barry Manilow. Ramone place Al Schmitt derrière les consoles, un ingé-son graminé dès les sixties pour deux bandes originales d’Henry MANCINI (Hatari et Diamants sur canapé). Enregistré au Capitol Studio en Californie, là où Schmitt a gravé l’essentiel de sa pléthorique production, Just A Little Lovin’ regroupe une petite troupe composée du guitariste Dean Parks (STEELI DAN, Joe COCKER, AMERICA), une solide rythmique ancrée dans le Jazz et l’Americana avec le contrebassiste Kevin Axt (Phil Upchurch, Billy Valentine) le batteur Gregg Field (Frank SINATRA, Count Basie) et enfin le claviériste Rob Mathes (Carly SIMON, Cyndi LAUPER, Vaneese THOMAS).

Si Shelby LYNNE reprend trois titres provenant de Dusty In Memphis, l’album le plus connu de la Britannique, elle évite de reprendre judicieusement ses plus grands tubes : "Son Of A Preacher Man", "I Just Don't Know What To Do With Myself", "Goin' Back", "The Windmills Of Your Mind" ou "Wishin’ And Hopin’", idem de ses collaborations plus récentes avec PET SHOP BOYS.
L’Américaine s’oriente résolument vers une atmosphère plus intimiste, l’orchestration superbement dépouillée met en valeur la qualité des mélodies, mais permet également de remettre sur l’échiquier le romantisme de certains textes qui pouvaient paraître dépassés, has been voire neuneu.

D’entrée de jeu, "Just A Little Lovin’", titre donnant son nom à l’album, propose une orientation claire sur la direction prise par la chanteuse. Il n’est ici pas question d’une surenchère de cordes ou de cuivres, contrairement aux versions de Dusty SPRINGFIELD, Barbra STREISAND ou Tamiko Jones. Ici, l’orchestration minimaliste et des arrangements aussi discrets que subtils lui apportent une autre dimension. Si Carmen MCRAE et Sarah VAUGHAN avaient repris le morceau dans un ancrage Jazzy, la présente version nous paraît plus propice à l’émotion et à l’enchantement. Deux autres pistes sont piochées dans Dusty In Memphis : "I Don't Want To Hear It Anymore", une compo de Randy NEWMAN d’abord enregistrée par Jerry Butler sous forme de soupe. Si la version de SPRINGFIELD apportait un plus incontestable au niveau de la ligne mélodique, le jeu de guitare particulièrement épuré diffuse une impression d’une incroyable limpidité, renforcée par la contrebasse de Kevin Axt. Superbe ballade du tandem Eddie Hinton/Donnie Fritts, "Breakfast In Bed" demeure un modèle d’onctuosité. Si Springfield a popularisé la chanson, sa version cuivrée connaît des reprises valant le détour : Baby WASHINGTON ou Carmen MCRAE auraient pu cartonner dans les charts si leurs labels s’étaient donné la peine de les promouvoir. Presque vingt ans après sa première sortie, la chanson réapparaît dans les charts britanniques et ricains via la reprise de UB 40 associé à Chrissie HYNDE dans une version Reggae/Ska. Deux décennies après ce second sursaut, Shelby nous en offre une version particulièrement épurée dans laquelle la guitare de Dean Parks apporte de l’ampleur, confortant l’émotion diffusée par la chanteuse. Un grand moment de douceur !

Célèbre et prolifique paire d’auteurs, Burt Bacharach et Hal David apportent leur obole avec deux titres : "The Look Of Love", longtemps utilisé comme pièce instrumentale, met un pied entre Americana et Jazz, les balais de Gregg Field contribuent à diffuser un cachet exotique de style Bossa Nova. Si Nina SIMONE a contribué à la popularité du titre, la version de LYNNE relègue au placard les minauderies de Claudine Longet et Amanda LEAR. Seconde incursion dans le répertoire de Bacharach avec "Anyone Who Had A Heart", un ancien Top Ten de Dionne WARWICK, est interprété avec austérité, le piano et les balayettes accentuant l’intensité du morceau, à contrario de nombreuses reprises bourrées de cordes et de cuivres (Martha REEVES, Maxine NIGHTINGALE ou Kim WILDE).

LYNNE reprend "You Don’t Have You Say You Love Me", adaptation américaine d’une ballade italienne de Pino DONNAGIO. Là encore, c’est un dépouillement qui nous est proposé, la chanson débutant sur une intro de trente secondes chantée a capella. Cette interprétation évite toute la sucrerie et l'effet guimauve des reprises d’ELVIS ou de Clarence CARTER. Chez nous, Richard Anthony, l’un des rois de l’adaptation, s’était emparé du morceau avec "Jamais je ne vivrai sans toi", tandis que Patricia KAAS en livre une version ultra-synthétique en anglais. "I Only Want To Be WithYou", l’un des premiers titres en solo de l’Anglaise, a connu au fil des années moult reprises. Si chez nous, l’indécrottable Richard Anthony et les Surfs ont connu un succès local avec "A présent tu peux t’en aller", le titre a été l’objet de plusieurs sursauts aussi inattendus que discutables (les écossais de Bay City Roller, Samantha FOX). La guitare électro acoustique de Dean Parks combinée à la contrebasse et aux balais impulse une ambiance Folk Jazzy parsemée d’un délicat piano. Une interprétation sortant des registres bubble-gum habituels ; l’écossaise Amy MACDONALD en délivre une version presque similaire trois ans plus tard. Dernier titre avec "How Can I Be Sure" popularisé par les Young Rascals. SPRINGFIELD reprendra ce titre en 1970 après avoir entendu l’adaptation d’Ann Gregory "Je ne pense qu’à t’aimer" chantée par Nicoletta. Shelby LYNNE est ici juste accompagnée par la guitare de Dean Parks.
Mais si un titre devait figurer au tableau d’honneur, la cover de "Willie And Laura Mae Jones", fantastique titre de Tony Joe WHITE sur la tolérance et le monde rural, devrait remporter de nombreux suffrages. Shelby LYNNE endosse pour l’unique fois de l’album le costume de guitariste, la slide de Dean Parks et la contrebasse de Kevin Axt débouchent sur un décor typique de l’Americana. Si le standard de White, formidable conteur d’histoires, avait fait l’objet d’étonnantes reprises Soul (Bettye SWANN, Brook Benton), Dusty SPRINGFIELD s’y était plus ou moins cassé les dents, la faute à une surproduction et la présence intempestive de chœurs et de cuivres. Shelby redonne tout l’éclat de cette formidable chanson dont les paroles font toujours mouche : Willie and Laura Mae Jones - Were our neighbors as long time back - They lived right down the road from us - In a shack just like our shack. Une reprise à la Lucinda WILLIAMS ! Enfin, "Pretend" unique composition de la chanteuse, s’insère parfaitement au contenu. Une histoire d’une probable rupture amoureuse contée avec poésie et mélancolie.

Superbement produit par Phil Ramone et bénéficiant d’une orchestration minimaliste pleine de justesse évitant toute effusion, ce dixième opus de la virginienne est une réussite. Ici, LYNNE et sa troupe ne se contentent pas de reprendre servilement des titres interprétés par Dusty Springfield, mais se livrent à d’habiles relectures se démarquant des clichés. Si certains esprits grincheux risquent d’argumenter qu’il ne s’agit là que d’un disque de reprises à 90%, celles-ci sont délivrées dans un écrin bien éloigné des versions d’origine. Suite à un différend artistique et financier avec Lost Highway, Shelby a monté son propre label de manière à garder la main sur son indépendance artistique. En 2017, elle a participé à Not Dark Yet avec sa cadette Allison Moorer, album classé à la 8ème place des charts Folk. Un album typiquement Americana, malgré les influences Soul Pop d’origine, qui sera rangé sur l’étagère de la Pop, rayon qui nous semble plus adéquat que celui de la Country.

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- Shelby Lynne (chant, guitare 7)
- Dean Parks (guitare)
- Kevin Axt (contrebasse, basse)
- Rob Mathes 'claviers, Piano)
- Gregg Fields (batterie 1-2-3-4-5-8-9-10)
- Curt Bisquera (batterie 6-7)


1. Just A Little Lovin'
2. Anyone Who Had A Heart
3. You Don't Have To Say You Love Me
4. I Only Want To Be With You 3
5. The Look Of Love
6. Breakfast In Bed
7. Willie And Laura Mae Jones
8. I Don't Want To Hear It Anymore
9. Pretend
10. How Can I Be Sure



             



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