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1987 Solitude Standing

Suzanne VEGA - Solitude Standing (1987)
Par LE KINGBEE le 7 Juin 2023          Consultée 1147 fois

La Boîte à demandes regorge de petites pépites que les chroniqueurs n’ont pu traiter pour de multiples raisons. Cette Boîte permet aussi aux chroniqueurs de découvrir ou redécouvrir des œuvres qui leur avaient échappé. Ces requêtes permettent bien souvent de grimper dans la machine à remonter le temps, c’est le cas avec Solitude Standing, second disque de la splendide Suzanne VEGA.

Originaire de Santa Monica (Californie), Suzanne Nadine Vega voit le jour en 1959. Suite au divorce de ses géniteurs, elle passe son enfance à New York où s’est établie sa mère. Suzanne passe une enfance normale sous la houlette d’une maman officiant dans l’informatique et d’un beau-père professeur romancier connu sous le nom d’Ed Vega ; elle se met à la guitare à onze ans. Elle n’apprend l’existence de son véritable père qu’à ses dix ans, un personnage qu’elle rencontre dix ans plus tard et avec lequel elle reste en contact. Si elle étudie la danse moderne, Suzanne qui se passionne aussi pour l’écriture est un temps tentée par l’enseignement de la littérature anglaise, sans doute faut-il y voir une affiliation avec Ed Vega. Mais il arrive parfois que certaines passions prennent des chemins détournés. Si Suzanne s’intéresse à la littérature, elle se produit à deux pas d’où elle vit, au Village l’antre de la Beat Generation et du Folk Revival. En 1979, après avoir assisté à un concert de Lou REED, elle décide de passer à la vitesse supérieure. Réceptionniste la journée, elle se produit dans tout Greenwich et poste une démo rejetée par toutes les boîtes de productions et les labels.
Il lui faut attendre 1985 pour qu’A & M Records, la firme d’Herb Alpert et Jerry Moss, la prenne sous contrat avec un premier disque éponyme co-produit par Steve Addabbo, un guitariste-ingé-son- producteur, ancien membre d’Arbuckle, et Lenny Kaye guitariste de Patti SMITH connu aussi pour ses multiples notes de pochettes. Un disque salué par la critique internationale, mais le meilleur est à venir.

Nous sommes en 1987, Michael JACKSON lance le Bad World Tour, sa première tournée mondiale. Bad connaît une consécration mondiale, cinq titres édités en singles montant sur la première marche des charts. George MICHAEL offusque la Reine avec "I Want Your Sex". En Amérique, à 800 bornes de New York où vit Suzanne VEGA, la Techno fait son apparition à Detroit. Chez nous autres, Licence IV fait un carton avec "Viens boire un p’tit coup à la maison", tandis que Desireless ouvre son agence de voyage. Bref, on est dans une période musicale pleine de démesure, d’esbrouffe, une décennie marquée par l’omniprésence de MTV (Music Television). C’est dans ces conditions et contre toute attente que Suzanne VEGA s’impose sur toute la planète avec son second recueil Solitude Standing, un album Neo Folk qui fait fit des étiquettes et des modes.

Enregistré à New York au Bearsville Sound Studios, célèbre studio d’enregistrements fondé par Albert Grossman dirigé désormais par son épouse Sally depuis le décès du producteur, Solitude Standing bénéficie d’une production soignée avec la paire Addabbo/Kaye (on ne change pas une équipe qui gagne). Si Sue Evans (George BENSON, Gil EVANS) et les guitaristes Jon Gordon et Frank Christian, tous trois présents sur le premier opus, sont venus prêter main forte sur "Gypsy", une nouvelle troupe de jeunes musiciens implantés à New York épaule la chanteuse depuis huit mois.
L’album s’articule autour de l’écriture de poèmes et de chansons issus de la plume de la chanteuse. Au niveau de la compo musicale, sur les dix titres, deux proviennent du groupe, tandis que Michael Visceglia, Anton Sanko et Marc Shulman apportent leur concours sur quatre autres morceaux, Suzanne étant à l’origine de quatre chansons dont les deux tubes "Tom’s Diner" et "Luka".

Apparaissant dans les bacs des disquaires en avril 87, l’album décroche le Jackpot avec une première place en Scandinavie, une seconde place en Angleterre et une excellente 11ème place dans les classements du Billboard 200.
Contrairement à l’accoutumée, commençons ce panorama par les deux tubes déclarés. Excellente conteuse, VEGA a le don de nous entraîner dans des histoires souvent très simples. Qui aurait imaginé qu’un titre chanté a capella comme "Tom’s Diner" puisse connaître un si grand succès ? Conforté par de nombreuses radios, cette étonnante ouverture délivre une charge lyrique étonnante. Une histoire tout bête, toute simple, à laquelle chacun d’entre nous a été confronté dans son quotidien. En 2015, le prolifique Giorgio MORODER a mis la chanson dans sa besace, une interprétation bourrée de boîtes à rythmes et d’électronique affublée de la voix insipide de Britney SPEARS, une reprise qui perd toute son âme. La Rappeuse new-yorkaise Lil’ Kim a samplé le morceau sous l’intitulé "Right Now". Propulsé en tête de gondole par les radios, "Luka", titre mélangeant avec habileté Americana, Pop et Folk demeure toujours aussi intemporel. Là avec humilité et humanisme, la chanteuse évoque en sous-main une histoire de maltraitance d’enfant, sujet glauque rendu acceptable par le lyrisme de la chanteuse. Si le titre a curieusement fait l’objet de plusieurs versions en mode Punk Rock, l’actrice française Claire Keim a donné une version des plus acceptables dans une compilation en faveur du Samu Social.

Mais, outre sa qualité de textes et de compositions, la principale force de cet album réside dans une sorte d’homogénéité, il n’y a pas de titres faibles ici. L’orchestration devient plus riche à l’image de "Ironbound/Fancy Poultry", œuvre littérale et métaphorique bourrée d’allusions, à chacun de se faire son idée sur la signification des paroles (soumission féminine, prostitution et attachement à une ville imparfaite). "In The Eye" s’oriente plus vers une combinaison de Folk et d’Electro Pop ; comme souvent, le texte peut désarçonner, nous orientant dans plusieurs directions. Si la voix évite toute émotivité, VEGA nous parle là de la conscience et de la mémoire photographique que garde un meurtrier de sa victime. Imprégné d’une beauté aussi nocturne qu’épurée "Night Vision" diffuse une ambiance mélancolique, les synthés évoquant le bruissement d’un violoncelle. La chanteuse propose un contraste entre les dangers liés à la nuit et le réconfort d’une nuit de sommeil entouré par une épaule attentionnée.
Le rythme s’accélère quelque peu avec "Solitude Standing", titre qui reprend les pizzicatos de gratte de "Luka". Si le propos austère met en avant les dangers de la solitude et du repli sur soi après une rupture, la mélodie et la voix nous entraînent dans un tourbillon où la tristesse se retrouve comme gommée. VEGA remet au goût du jour un thème cher à Duke ELINGTON, BLACK SABBATH BARBARA ou Moustaki.

Sur "Calypso", la chanteuse propose, sur fond épique, une parenthèse onirique sur l’amour. Elle reprend en toile de fond un épisode de l’Odyssée d’Homère, nous contant d’un point de vue féminin le passage où la nymphe Calypso qui sauva Ulysse de la noyade accepte de le laisser repartir, non pas vers de beaux voyages, mais vers Pénélope et son fils Télémaque. Sous une coloration Electro Folk, "Language" évoque poétiquement les difficultés du langage et les maladresses qui peuvent en découdre entre deux êtres proches. "Gypsy" conte en fait une histoire d’amour interrompue par la distance. Lors d’un show en Ecosse, Suzanne raconta qu’elle avait rencontré adolescente pendant l’été un anglais, les deux tourtereaux ne convoleront pas en justes noces pour cause d’incompatibilité géographique. Une histoire pas si triste, la conteuse préférant garder en elle les bons souvenirs de cette rencontre. Plus obscur, "Wooden Horse" prend pour trame l’histoire de Kaspar Hauser, sorte d’enfant sauvage dont la rumeur prétend qu’il serait un héritier princier. La rythmique et les claviers distillent une atmosphère plus inquiétante, quasi mortuaire rappelant par moments le "Jungle Line" * de Joni MITCHELL. On pourrait presque dire que l’album se clôt comme il avait commencé avec "Tom’s Diner (Reprise)", sauf qu’il s’agit là d’un petit intermède instrumental, sorte d’histoire sans parole, l'étonnante conclusion d'une conteuse hors-pairs.

Solitude Standing proposait à l’époque une combinaison raffinée de Folk Electro Pop enjolivée par une qualité d’écriture largement au-dessus des productions de l’époque. Excellente conteuse d’histoire, alliant des textures douces à des décors moins enchanteurs, Suzanne VEGA décline ici un superbe écrin porté par des paroles urbaines et des textes poétiques. La qualité des arrangements et une orchestration épurée constituent deux atouts de plus. Cet album qui n’a pas pris une ride 36 ans après sa sortie, est à ranger entre Joni MITCHELL et Laura NYRO.


*Ce titre figure dans l’album The Hissing Of Summer Lawns.

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- Suzanne Vega (chant, guitare)
- Marc Shulman (guitare)
- Jon Gordon (guitare 2)
- Frank Christian (guitare 9)
- Steve Addabbo (guitare 9)
- Michael Visceglia (basse, claviers 11)
- Stephen Ferrera (batterie, percussions)
- Sue Evans (batterie 9, percussions 7)
- Anton Sanko (claviers, guitare 5)
- Shawn Colvin (chœurs 2)


1. Tom's Diner
2. Luka
3. Ironbound / Fancy Poultry
4. In The Eye
5. Night Vision
6. Solitude Standing
7. Calypso
8. Language
9. Gypsy
10. Wooden Horse (caspar Hauser's Song)
11. Tom's Diner (reprise)



             



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