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2023 Damn The Rent

THE DIG 3 - Damn The Rent (2023)
Par LE KINGBEE le 27 Janvier 2024          Consultée 824 fois

The DIG 3 a vu le jour pendant la pandémie liée au Covid en 2020. Le guitariste chanteur Andrew Duncanson et l’harmoniciste Ronnie Shellist, tous deux membres du Killborn Alley Blues Band, se retrouvent comme tous leurs collègues dans une profonde panade, ils ne peuvent plus se produire en public. Les deux amis décident d’enregistrer des séances qu’ils passent sur le Net; ils sont rejoints par Gerry Hundt, un excellent multi-instrumentiste entendu auprès de Nick MOSS et Corey Dennison. En fait, malgré des chemins de traverse, les trois musiciens se connaissent depuis près de vingt ans. En aout 2020, The DIG 3 se produit pour un premier concert, une soirée suivie par une vingtaine de shows. En février 2021, le trio met en boîte sa première galette en une journée, un éponyme brut de décoffrage.

Second opus du groupe, Damn The Rent pourrait s’annoncer comme un pavé dans la marre. Alors que les boîtes de prod., radios, télés, maisons de disques ne cessent de nous refourguer de pseudos virtuoses ultra démonstratifs, des adeptes d’une technicité vide de sens qu’on oublie presque aussitôt après une ou deux écoutes, The Dig 3 nous concocte en fait un voyage dans la machine à remonter le temps. Ici, pas de boîte à rythme, ni d’artifice superficiel mais au contraire un retour aux sources et une sonorité brute de décoffrage avec douze originaux qui nous renvoient aux univers de John Lee HOOKER, Jimmy REED, Bo DIDDLEY, Joe Hill Louis ou Tarheel Slim.

La pochette provient d’une photographie de la belge Lola Reynaerts*, également chroniqueuse et passionnée de Blues, inspirée par American Gothic **, une toile de Grant Wood peinte en 1930, peu de temps après le Krach boursier de 29. Il s’agit de la représentation d’un couple de fermiers devant une maison en bois agrémentée d’une fenêtre gothique. Mais si le tableau dévoile un bonhomme affublé d’une salopette et d’une veste noire tenant une fourche à trois dents avec à ses côtés une femme plus jeune à l’air soucieux, c’est le caractère austère qui caractérise la toile sans oublier une tendance puritaine. On ignore toujours avec exactitude ce que voulait montrer l’illustrateur. Là, la pochette nous dévoile un couple mixte, l’homme porte des lunettes (comme l’original) et une casquette, une masse en guise de canne remplace la fourche. Autre aspect, les deux protagonistes semblent souffrir d’un léger embonpoint, mal récurrent en Amérique et symbole de la malbouffe. Si le titre fait allusion aux loyers qui ne cessent de grimper, à tel point que le pays n’a jamais connu un nombre aussi important de mal-logés et de sans domicile fixe, c’est clairement un regard vers les difficultés du quotidien qui est pointé sur cette pochette qui pourrait s’avérer déconcertante au premier abord.

En guise de mise en bouche, "Take A Ride" nous offre une variation entre rythme à la Bo DIDDLEY et une train-song à la Tarheel Slim. Avec une rythmique squelettique, marque de fabrique de Jimmy REED et Slim HARPO, le trio ne reste pas figé les deux pieds dans le même sabot, nous offrant ainsi deux pièces de Swamp avec l’entraînant "Coconut Curry Dance" à mi-chemin de Slim HARPO et de Lil Bob & The Lollipops et l’instrumental "Blanco Boogaloo" aromatisé d’une guitare Funky et d’un harmonica frénétique.
Changement de cap avec "All The Love That I Got", un Soul Blues proche du répertoire de Jimmy REED. Malgré sa lenteur, la rythmique hypnotique provoque une forte envie de se lever de sa chaise et d'entamer une danse. Bifurcation vers le Boogie Blues avec "Big Water" : les jeux de guitares nous renvoient à John Lee HOOKER tandis que l’harmonica tisse une toile particulièrement obsédante. Un peu près sur la même lignée, "Red-Tailed Hawks" s’oriente plus vers un downhome blues dans lequel l’harmonica endosse le premier rôle derrière une rythmique de métronome.
Chicago n’est pas oublié, d’autant que l’album a été enregistré dans l’Illinois au Earth Analog Studio. "Dip My Toe", une chanson caustique sur une tombe funéraire, monte en gamme par le biais des guitares pour un premier morceau de Chicago Blues. L’instrumental "Chuck & Willie" nous expédie en plein Maxwell Street, derrière une rythmique implacable. La guitare et l’harmonica sont en symbiose, joie et cadence virevoltante semblent être les seuls mots d’ordre du titre. Retour au cœur des années 30 avec "Old Dog", titre entre jug band et pre war dans lequel Ronnie Shellist remet en selle le kazoo. "Gold Tooth" fusionne Chicago Blues et celui de Brownsville. Si la mandoline de Gerry Hundt apporte de la fantaisie, le texte prête à sourire. Andrew Duncanson, bon conteur d’histoire, nous raconte le parcours d’une dent en or envoyée par son paternel depuis la prison où il purge une peine.

Le trio se transforme en quintet avec les apparitions de Lauren Dukes et Rick King sur les deux bonus de fermeture. "Southern Fantasy", titre figurant dans le premier opus, prend une forme Disco Funk particulièrement débridée qui paradoxalement s’emboîte remarquablement à l’ensemble, apportant de l’excentricité et de la fantaisie. The Dig 3 reprend "All The Love That I Got" dans une orientation totalement différente, le tempo à la Jimmy REED est remplacé par une combinaison de Blues Floridien et d’une touche de Philly Soul pour un agréable moment plein de pétulance.

Cette autoproduction nous paraît autrement plus sincère et authentique que certains bestsellers qu’on tente de nous refourguer à coups de slogans attrape-mouche. Le trio nous offre un bien beau voyage au pays du Blues, un circuit jalonné d’étapes allant du Down Home Blues au Pré War entrecoupé de Chicago Blues, de Boogie, de Swamp, sans oublier d’agréables croisements dans le Disco Funk. Les trois instrumentistes s’accordent comme larrons en foire, le chant d’Andrew Duncanson reste susceptible de nous faire passer un fou rire mais aussi d’aborder des thèmes moins réjouissants liés au quotidien. Souhaitons qu’un programmateur français puisse les faire venir dans l’Hexagone.


*Lola est également coauteure avec Eric Doidy de New Orleans 100 ans de musiques, édité par le Mot et le reste.
**La toile a été exposée à l’Orangerie en 2016.

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- Andrew Duncanson (chant, guitare)
- Ronnie Shellist (harmonica, kazoo 10)
- Gerry Hundt (guitare, basse, batterie, mandoline)
- Rick King (basse 11-12)
- Lauren Dukes (chœurs 11-12)


1. Take A Ride
2. All The Love That I Got
3. Big Water
4. Dip My Toe
5. Chuck & Willie
6. Coconut Curry Dance
7. Gold Tooth
8. Blanco Boogaloo
9. Red Tailed Hawks
10. Old Dogs
11. Southern Fantasy
12. All The Love That I Got



             



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