Originaire d’Ottawa, Sue FOLEY se lance dans l’apprentissage de la guitare à treize ans. Trois ans plus tard elle maitrise parfaitement l’instrument et se produit dans le circuit des bars de l’Ontario. A 18 ans, une fois ses diplômes en poche, elle traverse le territoire pour s’établir à Vancouver sur la Côte Ouest du Canada où elle fonde le Sue Foley Band. A tout juste vingt ans, l’harmoniciste Mark Hummel lui met le pied à l’étrier en l’incorporant à une tournée annuelle, parcourant le Canada, L’Amérique et l’Europe. A son retour, elle s’établie à Austin où elle est vite repérée par Clifford Antone pour lequel elle enregistre quatre albums entre 1992 et 1996.
Devenue maman en 1997, celle qu’on surnomme parfois Ice Queen ralentie ses activités pour se consacrer à sa famille tout en étudiant la guitare Flamenco. A l’orée du nouveau millénaire, après un avoir mis en boite un cinquième CD pour l’écurie Antone, elle enchaine chez Shanachie, RUF Records, Dixiefrog, Blind Pig avant d’atterrir chez le label canadien Stony Plain en 2018.

Propriétaire d’un riche discographie comptant 15 albums studios, la canadienne a aussi endossé un costume d’invitée auprès de Lazy LESTER, Candye Kane et Mark Hummel (pour ne citer que les principaux). Sur scène, elle a joué en première partie de Lucinda WILLIAMS, B.B. KING, Buddy GUY, George THOROGOOD, Tom PETTY et de Jimmy VAUGHAN, autre figure emblématique d’Austin. En l’espace de 25 ans, Sue FOLEY est devenue un poids lourd du Blues parfaitement reconnaissable avec sa Fender Telecaster rose.

Premier album Live de la guitariste, Live In Austin Vol.1 provient d’un enregistrement capté les 19 et 20 mai 2023 dans l’antre du Continental Club, une salle sur South Congress Avenue ouverte depuis le milieu des fifties qui aura vu passer dans ses filets une incroyable liste de légendes du Blues.

Si la pochette en noir et blanc avec en arrière-plan une affiche du Rock du bagne, troisième film du King, nous laisse suggérer une soirée vintage, voire pantouflarde, la prise de vue de la guitariste nous renvoie vers une posture souvent déployée par Pete TOWNSHEND. L’analogie avec le regretté bassiste des WHO s’arrête à cette pose probablement involontaire. Après une présentation de Steve Wertheimer, le maitre des lieux, la guitariste chaudement acclamée entame les hostilités avec "New Used Car", titre tiré de l’album du même nom et remodelé pour la circonstance avec deux passages de guitare à la Stevie Ray VAUGHAN et une fin de titre où elle incorpore pendant une dizaine de secondes le riff "Tequila', hit festif des Champs. En moins de vingt secondes Foley semble s’être mis le public dans la poche, même chose avec votre humble serviteur dont le seul regret est de ne pas avoir été présent ce soir là à Austin.
Au second morceau, le doute n’est plus permis, le public va passer une soirée d’enfer. La guitariste peut s’appuyer sur un chant tour à tour sexy, rauque ou sexy et une excellente mise en place ; il faut dire que la présence du fidèle Jon Penner, son bassiste depuis 1992 permet d’afficher une complicité et une cohésion aussi puissantes et naturelles. A la batterie, Corey Keller (ex Marcia Ball et frangin du guitariste Mike Keller) forme un binôme parfaitement complémentaire constituant ainsi une redoutable section rythmique. Si l’entrainant "Walkin’ Home" rappelle par moments le jeu de Wilko JOHNSON, le titre s’oriente rapidement vers un Blues texan de première bourre.
La présence de Derek O’Brien (ex Angela STREHLI, Lavelle WHITE, Lazy LESTER), guitariste de la première heure, apporte de la consistance. Troisième compo, "Highwayside" plus country permet de faire reposer les accus. La guitariste nous offre une reprise inspirée du classique de la paire Howlin’ WOLF/Willie DIXON avec "Howlin’ For My Darling". Le chant est parfaitement mis en valeur d’autant que Derek O’Brien, bien décidé à ne pas se laisser marcher dessus reprend les rennes, d’où le O’Brien hurlé par sa comparse. Un titre souvent rabâché qui passe ici comme une lettre à la Poste. Seconde reprise avec "Queen Bee", la réponse vue d’un point de vue féminin à "I’m The Kingbee", hit de Slim HARPO et accessoirement pseudo de votre chroniqueur. On se laisse prendre par le rythme nonchalant mais terriblement lancinant, mais Sue Foley prend soin que son auditoire ne s’endorme pas, sa guitare s’offrant quelques furieuses fulgurances.
Seconde partie avec "Hooked On Love (aka Lucky Lou)", un instrumental qui figurait dans son premier disque. Il s’agit en fait de "Lucky Lou" enregistré en 57 par Jody WILLIAMS repris vingt ans plus tard par Earl Hooker sous l’intitulé « Hooked On Love". Hyper entrainant, cet instrument met en avant la virtuosité de la guitariste, les pizzicatos et glissandos de guitare ressemblent à s’y méprendre à ceux du grand maitre, Jody Williams, ancien compagnon de route de Bo DIDDLEY, Muddy WATERS, B.B. KING ou Billy Boy Arnold. Par rapport à la pièce d’origine, il ne manque que les cuivres qui apportaient une légère connotation latine. Une version qui nous semble supérieure à celles de Lacy Gibson et Tinsley Ellis.
Changement total de tournure avec "Positively 4th Street", single de Bob DYLAN édité entre les sorties de Highway 61 Revisited et Blonde On Blonde. Foley s’était déjà offert une reprise du morceau en 2000 dans l’album Back To The Blues. Ce choix n’a rien d’étonnant, la chanson de Dylan s’étant classé sur la première marche des charts canadiens en 65. Si le chant se fait plus incisif et moqueur, la guitariste reste ici à la croisée des chemins entre Country Blues et Folk Pop bien dans la lignée de la version de Lucinda WILLIAMS. Une reprise bien plus convaincante que celles des BYRDS, SIMPLY RED ou Bryan FERRY. Autre pioche dans ses anciens titres avec "Me And My Chauffeur Blues" qu’elle reprenait dans son premier disque. Certains feront le parallèle avec la mélodie de "Good Morning Little School Girl", standard de Sonny Boy Williamson. En fait il s’agit d’une compo de Memphis Minnie enregistrée en 1941, quatre ans après le titre de Williamson. Si la seconde emprunte fortement la ligne mélodique de sa devancière, les paroles changent du tout au tout. Ce titre sera repris sous divers intitulés ("See My Chauffeur", "Chauffeur Blues", "Chauffeur" ou plus fréquemment "Me & My Chauffeur"). Tombé dans les besaces du Rag, du Jazz, du Dixieland, de la Soul, du Blues Rock et du Psy, cette version devrait rassembler les fans de Chicago Blues mais aussi ceux du Delta et du Texas Blues. Une version selon nous plus goûteuse que celles de Nina SIMONE, Big Mama THORNTON ou Shakura S’Aida. Dernière compo avec "Better", titre bien rodé figurant sur l’album Walk In The Sun enregistré en compagnie de Jon Penner. Si le titre se fond sous la forme d’un shuffle, le riff répétitif et hyper groovy semble emporter le public vers des paradis cosmiques.
Le disque s’achève sur le surprenant "High Roller", hit seventies de CHEAP TRICK au générique de Heaven Tonight. Si la reprise parait à première vue incongrue, peut être s’agit-il pour la guitariste d’un vieux souvenir d’une soirée entre filles, genre Pyjama Party. Toujours est-il que le riff de guitare prend un léger coup de jeune bien qu’il soit plus cradingue par rapport à celui de Rick Nielsen, une clôture qui semble avoir combler l’assistance.


Certains seront surpris par la maturité et les progrès engendrés par la guitariste depuis ses débuts. Il n’y a qu’à écouter "Howlin’ For My Darling" versus Big City Blues, album de 1995 et la présente version. Mais depuis, ses débuts, parfois loin des projecteurs, Sue Foley s’est considérablement améliorée, il faut dire que côtoyer des artistes du calibre de Jimmy VAUGHAN, des FABULOUS THUNDERBIRDS et de Billy GIBBONS ne peut qu’apporter un gros plus. Sans parler de la production du claviériste Mike Flanigin (ex Steve MILLER, Rosie Flores et mari à la ville de la chanteuse) qui apporte grain, contenance et sécurité. Un album Live évitant tout artifice et qui capture l’énergie et l’authenticité de la guitariste en symbiose avec ses accompagnateurs et un public acquit à sa cause. A défaut d’un voyage à Austin, il vous suffira de placer l’album sur notre platine pour plonger dans ce savoureux mélange de Blues (existe en version CD et vinyle). On attend avec impatience la suite avec un second volume !