Septembre 2013, le monde est pris d’assaut par une chanson singulière. Un hymne Indie Rock nous suppliant de l’emmener à l’église, chanté par un chevelu irlandais sorti semble-t-il de nulle part. "Take Me To Church", interprété par Andrew Hozier-Byrne, ou plus sobrement HOZIER, enflamme les cœurs internationaux. Magnifique composition, paroles poétiques et engagées : le single se hisse rapidement en tête de tous les charts.
Impossible de l’esquiver, pendant des mois les radios et chaînes de télé nous le font téter jusqu’à plus soif, peut-être même jusqu’au point de rupture.

Un an et deux milliards de lectures sur YouTube plus tard, le jeune artiste dublinois de vingt-quatre ans à l’époque révèle son premier album éponyme, l’excellent Hozier.
Treize titres et 53 minutes d'écoute dans sa version classique, 26 titres et 1h47 d’écoute dans son édition spéciale, sacré morceau, mais ce n’est pas pour me déplaire. Blues, Indie Rock, Soul, Folk teintent chaque titre, le tout accompagné par une voix douce aux jolies réverbérations et des chœurs façon Gospel. HOZIER nous rappelle les influences de VAN MORRISON et des BLACK KEYS. Voilà qui s’annonce bien !

Bien entendu, HOZIER ouvre le bal avec le succès mondial "Take Me To Church", une entrée en matière qui place la barre très haut, suivie du tout aussi excellent "Angel Of Small Death & The Codeine Scene", un titre Blues Alternatif et sensuel. "Jackie And Wilson" (qui tient son nom du célèbre Jackie WILSON), lui emboîte le pas et nous attire tout de suite avec sa solide guitare rythmique pleine de peps. Ce triptyque de chansons nous emmène immédiatement dans l’univers de l’artiste.
HOZIER écrit sur l’amour et par amour, c’est d’ailleurs un de ses sujets de prédilection ainsi que le thème principal de l’album. Il qualifie humblement ses titres d“angsty, lonely songwriting that teenagers do” (l'écriture angoissée et solitaire de chansons que font les adolescents), mais cet amour se ressent dans sa façon de composer sa musique :
Une introduction tout en douceur pour mettre l’auditeur dans le bain, puis une prise d’ampleur jouissive du morceau et enfin, un dénouement lui aussi en douceur qui nous accompagne sur la fin du titre. Hozier est d’une qualité indéniable, difficile alors de classer chaque titre car l’artiste nous gâte.

S’il est bon musicien, HOZIER reste avant tout un parolier d’exception. Il est largement salué pour ses textes poétiques, parfois cryptiques, qui offrent à l’auditeur la possibilité d’avoir sa propre interprétation de la chanson. "Work Song", dont le rythme régulier rappelle les rouages d’une machine, proclame l’amour sans limites de l’artiste pour sa muse, qu’elle soit de chair ou stupéfiante, au point qu’aucune tombe ne saurait retenir son corps et que même après sa mort, il continuera à ramper vers elle. Dans "It Will Come Back", il la supplie de ne pas être douce avec lui si elle n’a pas l’intention de le garder et de ne pas le nourrir, car comme un animal sauvage, il reviendra hurler à sa porte. Avec "Cherry Wine", il décrit une personne prise dans une relation abusive sur une mélodie d’une douceur déconcertante.
Le texte est délicat et illustre le terrible paradoxe dans lequel la victime se trouve : par amour, elle supporte et excuse les actes cruels de sa moitié.

HOZIER s’engage avec sa musique. Si "Take Me To Church" nous avait déjà indiqué qu’il avait des comptes à régler avec la bigoterie, les titres comme "Cherry Wine" ou "Angel Of Small Death & The Codeine Scene" montrent également son combat pour la justice sociale. Armé de ses chœurs et de sa plume, il tourne le dos à Dieu et vénère l’humanité dans la subtilité et l’imperfection qui la caractérisent.

Quelques petits défauts sont malgré tout à déplorer sur ce joli disque. "My Love Will Never Die" sur la face B par exemple, (clôturant les enregistrements studio et laissant place aux versions live et reprises) est un Blues minimaliste qui l’est peut-être trop. Il tombe un peu à plat après les titres précédents. Les mignons "From Eden", "Like Real People Do", ou encore "Foreigner’s God" sont des interludes entre les titres plus forts de l’album qui s’écoutent facilement, mais sont aussi moins marquants.

Mais n’ayez crainte, HOZIER nous offre quand-même pléthore de titres forts avec ce premier album. "To Be Alone" un Blues engagé, envoûtant et terriblement sexy qui vous rentre dans les os ; "In A Week" une balade poétique irlandaise soutenue par la jolie voix de Karen Cowley, relatant les promesses d’amoureux rêvant de s’assoupir comme le Dormeur du Val et de n’être retrouvés qu’une semaine plus tard; l’irrésistible "Sedated" ou encore les titres ensorcelants de la face B : "In The Woods Somewhere" et "Arsonist’s Lullabye" aux ambiances sombres qui ne nous lâchent pas d’une griffe.
La première, un titre folk à l’aura mystérieuse et inquiétante prenant immédiatement aux tripes, suit les traces d’un homme terrifié traqué par une bête dans les bois. La seconde, un Blues dévorant, nous berce dans l’amour grandissant d’un pyromane pour le feu, le tout porté par une cascade de notes au piano et un chœur presque infernal : grandiose.

Avec cet album qui a lancé sa carrière il y a dix ans, HOZIER a frappé très fort. Il couvre l’ensemble des thèmes qui lui sont chers avec poésie et sagesse. Il jongle talentueusement entre les styles musicaux, et je salue tout particulièrement ses titres orientés blues. Pour ce démarrage extrêmement réussi : cinq étoiles.