Chers lecteurs, alors que la cérémonie des Grammy Awards vient de se clôturer, marquant l’hégémonie de Taylor SWIFT, Forces Parallèles se propose d’évoquer un autre nominé en la personne de Buckwheat ZYDECO Jr, gagnant dans la catégorie Meilleur Album de Musique Régionale Roots. Oui … … je sais c’est moins clinquant que Lana DEL REY, Janelle MONAE, Miley CYRUS ou la révélation Victoria MONET, moins marquant que l’arrivée surprise de la revenante Céline DION qui a fait pleurer plus d’une fan, mais on se rattrape aux branches comme on peut, surtout que cette cérémonie décerne un nombre incalculable de trophées en tout genre, des récompenses que les amateurs de musique oublient bien souvent assez rapidement, d’autant que certains de ces heureux gagnants demeurent inconnus dans notre contrée. Certains rétorqueront que ce genre d’événement n’est rien d’autre qu’une histoire de fric, une sorte de poudre aux yeux où chaque intervenant passe de la pommade à son voisin, c’est là un autre débat.

Le Zydeco reste souvent une affaire de famille et c’est encore le cas avec Buckwheat ZYDECO JR, alias Reginald Dural Jr., fils de Buckwheat ZYDECO (artiste présent sur le site) disparu en 2016. Buckwheat Jr. a grandi à Lafayette. Enfant, il s’est d’abord intéressé au sport (basket et foot). Les gènes ont sans doute joué un rôle important puisqu’il se tourne adolescent vers la pratique du frottoir, intégrant à l’occasion l’orchestre paternel. C’est au sein du Red Hot Louisiana Band de C.J. Chenier (encore un fils) qu’il prend son envol en devenant organiste pendant trois ans. Des touches d’orgues à celles de l’accordéon piano, la frontière est rapidement franchie, Junior reprenant la relève de son père. Reginald va ensuite prendre les rennes de la formation Ils Sont Partis, groupe monté par son géniteur à la fin des années 70.

Premier disque du rejeton, New Beginnings, par son titre et son répertoire, risque de paraître une sorte de résurrection pour de nombreux amateurs de Zydeco. Si le jeu d’accordéon piano évoque ceux du paternel et de Nathan WILLIAMS, c’est la voix qui marque les esprits, presque confondante avec celle du père emporté par un cancer.

D’entrée, Buckwheat Jr nous entraîne dans un two step virevoltant et plein d’humour avec "Ever Had A Good Woman". Certains couples devraient s’en donner à cœur sur les dancefloors alors que d’autres riront probablement jaune, interloqués par un texte plein d’ironie.
Comme dans tout disque de Zydeco qui se respecte, place à une valse lente avec "Grandma’s Love", piste qui permet de faire reposer les accus. Dès le second morceau, l’esprit de cohésion étonne, rien d’anormal puisqu’on retrouve ici certains membres de la formation Ils Sont Partis et également certains sidemen du paternel dont l’inoxydable bassiste Lee Allen Zeno (ex-Irma THOMAS, Bobby PARKER, Phillip WALKER).

A l’instar de son paternel, Buckwheat Jr. est également très à l’aise dans le domaine du Blues. Il transforme "Fannie Mae", petit hit de Buster Brown, en un mélange de two step et de Zydeco Blues, titre entrecoupé par un solo de guitare aussi bref que flamboyant. Si le titre a été accommodé à toutes les sauces (Surf, Blues, Rock, Pop, Fusion et Soul), le caractère festif apporte une autre dimension au morceau. Autre superbe pièce avec la reprise de "I’m On The Wonder", un Zydeco Blues hyper lent de Clifton CHENIER. Nul doute que certains couples devraient voir le jour avec un tel Blues lent.

Titre issu de l’héritage familial, le rural "Hot Foot Zydeco" tient autant du répertoire de Buckwheat Sr que de Boozoo CHAVIS. Là, le chant avec plusieurs interactions en old french renvoie au Zydeco d’antan, une petite pépite. Plus moderne, "Trouble Mind" se situe entre Zydeco traditionnel et New Zydeco d’inspiration New Orléans. Si l’accordéon centralise la mélodie, la rythmique et le frottoir n’ont de cesse de placer le chant sur de bons rails.

Certaines compos bénéficient d’une présence cuivrée de premier plan : "Holding On To You Baby" contient tous les ingrédients pour animer les dancefloors, les instruments semblant avoir le rythme dans la peau. "Zydeco Girl", titre dansant par excellence, pourrait provenir d’un disque du père. L’accordéoniste n’hésite pas à incorporer un bref passage de "All Night Long" en hommage à Clifton CHENIER. Autre piste dédiée à la danse, "Zydeco Party" devrait atténuer les mauvaises ondes ; Buckwheat nous délivre une belle démonstration d’accordéon et offre à son batteur un petit passage plein d’entrain avec double kick de grosse caisse.

Deux instrumentaux clôturent l’opus. "Traveling Man" pourrait provenir d’un album de BOOKER T & The MG’S, l’orgue endossant le premier rôle derrière une rythmique métronomique. Enfin, "Outro : Thankful", un petit interlude Jazzy de 80 secondes, sert à présenter la formation mais aussi le registre Zydeco, tout en rendant un vibrant hommage au répertoire de Buckwheat Zydeco Sr, l’un des derniers grands maîtres.
Produit sans surenchère par Michael Lockett (Beau JOCQUE, Zydeco Joe, Joe Hall), ce CD qui contient tous les ingrédients du Zydeco parvient habilement à naviguer entre pièces rurales, two steps dansants, titres Jazzy orientés entre NOLA et Memphis. Alors que nous traversons une période morose entre inflation, prix du gaz qui galope, réchauffement climatique, sans oublier quelques conflits aussi sanguinaires qu’inutiles, cet album tombe à pic pour réchauffer l’ambiance à moindre coût.

Note réelle:3,5.