Acclamée par la critique pour son premier album et son travail avec BOYGENIUS, Phoebe BRIDGERS aurait pu se reposer sur ses lauriers ou adopter un son beaucoup plus mainstream. Et pourtant, la chanteuse continue sur sa lancée d’indie folk-rock en 2020 avec la sortie de son deuxième L.P, Punisher.

Dès les premières notes du titre d’introduction sans chant "DVD Menu", l’ambiance est posée : les instruments se languissent, éthérés, impénétrables et un peu obscurs, comme pour hanter nos pensées dans cet instant de contemplation. La guitare électrique se mêle subtilement aux synthés, mais aussi un ensemble de cordes qu’on retrouve tout au long de l’album, sibyllin, doux et puissant à la fois.

Les guitares acoustiques du single "Garden Song" donnent un rythme ingénieusement hypnotique à cette ballade folk, tandis que les couches de voix harmonisées de BRIDGERS, une de ses marques de fabrique, ajoutent une profondeur émotionnelle d’une finesse merveilleuse. On enchaîne encore sur un single, "Kyoto", LE morceau le plus dynamique de l’album avec son orchestre ultra-riche et bien balancé, créant un son upbeat et enjoué plutôt pop-rock sur lequel les cuivres apportent une touche de grandeur, à ne pas manquer en définitive !

Pour le reste, on repart sur des ballades folk, lentes et mélancoliques, comme le titre éponyme "Punisher" aux piano et harmonies vocales en douceur, l’instrumentation dense et énigmatique d’ "Halloween" ou la chanson d’amour "Moon Song". L’écriture de la chanteuse de 26 ans est, comme à son habitude, à la fois poétique et incisive, comme sur l’insaisissable "Chinese Satellite" à la vibe méditative (I want to believe/Instead, I look at the sky and I feel nothing) ou le single "ICU", tout aussi envoûtant avec ses guitares et sa batterie qui tendent vers une pop-rock atmosphérique (I’ve been playing dead/My whole life/And I get this feeling whenever I feel good/It’ll be the last time).

L’une des forces de Punisher réside dans ses arrangements raffinés où les percussions restent discrètes pour placer en tête les guitares délicates et l'ensemble de cordes sublime qui nous enveloppe dans l’univers de la Californienne, comme sur le très beau single "Savior Complex", une exploration recherchée des relations toxiques qui sonne comme une berceuse apaisante. La ballade "Graceland Too" présente des influences country avec son banjo et son violon qui la rendent très chaleureuse, sans parler des harmonies réconfortantes que BRIDGERS nous offre aux côtés de ses cops de BOYGENIUS, Julien BAKER et Lucy DACUS.

On retrouve le trio une dernière fois pour clôturer l’album sur le single de génie "I Know The End", encore une ballade folk qui évoque le confort de la solitude (Romanticize a quiet life/There’s no place like my room) et dont l’instrumentation prend de plus en plus d’ampleur pour se transformer en pop orchestrale avec une éruption cathartique d’émotions sur fond de fin du monde. On navigue entre le désespoir et l’euphorie, la lumière et l’obscurité, surtout sur cette outro majestueusement épique, superbement fatidique de presque deux minutes où tous les instruments - même la flûte - viennent se rencontrer une dernière fois, c’est grandiose pour ne pas dire magique.

La production est méticuleuse, la complexité émotionnelle est à son paroxysme, les arrangement sont simples, efficaces et par moment plus expérimentaux. Le son est unique et assuré, la maîtrise est là : remarquable, effortless. On la sent, cette créativité couplée à une sensibilité impressionnante que traduit d’une manière inoubliable Punisher, établissant Phoebe BRIDGERS comme l’une des voix les plus fines de la musique contemporaine, une conteuse habile capable de capturer l’essence-même de la vie moderne avec une clarté saisissante qui résonne encore bien après la dernière note.