Concentrée en trois ans, l’histoire de The ADVERTS rappelle furieusement celle du genre auquel ils sont stylistiquement rattachés.

Formé courant 1976, le gang londonien se fait immédiatement remarquer auprès des quelques curieux ayant fait le déplacement au Roxy en janvier 1977, un premier concert légendaire finalement documenté bien plus tard et rapidement suivi d’un autre ne convainquant que peu le magazine britannique NME, jugeant la prestation bien trop sévère. Mais si les critiques sont pour l’instant tièdes, le public ne s’y trompe pas, grossissant petit à petit, ainsi que les labels, Stiff Records raflant la mise pour la sortie du premier single de The ADVERTS. One Chord Wonders, hymne héroïco-hispanique paraît en avril 1977, mettant instantanément tout le monde d’accord. Parallèlement, le groupe démarre sa première tournée en compagnie des autres stars punk du moment, The DAMNED.

L’auditoire peut ainsi découvrir de visu les deux fortes personnalités composant le quatuor. La belle Gaye ADVERT, en plus de fournir une solide assise musicale via son son de basse sismique, apporte une touche de glamour indéniable tout en refusant la stature de sex-symbol, définissant aussi au passage le rôle majeur que peut tenir une femme dans un groupe rock. Quant à T.V. SMITH, sa voix juvénile proche de Pete SHELLEY (BUZZCOCKS), son énergie et sa plume acérée trouvent un exutoire parfait sur la scène. Une plume qui s’intéressera ensuite au meurtrier américain Gary Gilmore et sa requête consistant à faire don de ses yeux à la science après son exécution, cadre d’un second single, le premier relayé via un label majeur et concrétisant ainsi la signature en juin de The ADVERTS sur Anchor. Cette cavalcade au refrain tueur finalement très proche des travaux psyché pop des WHO leur ouvre les portes de l’émission culte Top of the Pops.

Deux autres singles suivent : l’étrange Safety in Numbers où SMITH fustige les profiteurs s’engouffrant dans la brèche new wave via un chant limite guttural puis No Time to Be 21, parfait manifeste d’une jeunesse désabusée et désœuvrée ; cette chanson trouvera d’ailleurs une suite via "Bored Teenagers". Excepté "Gary Gilmore’s Eyes" délibérément omis sans doute par pur esprit punk, ces titres figureront sur Crossing the Red Sea With the Adverts, premier longue-durée signé du groupe londonien. Un enregistrement à la vitalité débordante, transpirant d’esprit mod (The JAM, The WHO voire CHEAP TRICK si on traverse l’Atlantique), peuplé de petites bombes power pop proposant refrains fantastiques ("New Church" prêchant efficacement pour sa paroisse) et breaks énormes (stratosphérique "New Day Dawning"). "On the Roof" puis "Great British Mistake" jouissent d’une construction plus complexe, le premier à rapprocher de WIRE quand le second nommé s’aventure sur des contrées méditatives et orageuses.

Fire Records opère une réédition du disque en 2011 adjoignant – outre "Gary Gilmore’s Eyes" et "New Day Dawning", ajouts décisifs – les singles antérieurs à l’album plus les faces B en version originale, dont l’excellent "We Who Wait", ainsi que des morceaux enregistrés au Roundhouse de Londres début 1978 quelques mois après Crossing the Red Sea. Le groupe y partagerait l’affiche avec SHAM 69, un des pionniers du street punk et du mouvement Oï qui serait bientôt débordé par son propre public skinhead. Déjà en crise interne avec le départ entériné de leur batteur Laurie DRIVER et encore choqués par un accident de circulation survenu la veille, The ADVERTS mesurerait le gouffre pouvant séparer deux groupes pourtant issus de la même scène de départ.

Malgré tout, le punk, à cet instant, n’était pas encore à l’agonie et The ADVERTS pouvait profiter de la stature imposante que leur travail acharné leur avait justement octroyé. Cela ne durerait pas, peut-être le sentaient-ils poindre confusément à cet instant précis ? Le burn-out était dans l’air.