Tout débute par des notes s’échappant d’une espèce de synthé étrange, un thérémine ou plutôt un mellotron qui aurait pris l’eau et rouillé sans tarder. Effluves convoquant le classique des BEATLES "Strawberry Fields Forever" ? Le clip fournit une primitive confirmation : ces verdures observables d’entrée et fragmentées d’éoliennes ne sauraient constituer une pure coïncidence.
Puis un écho résonne en même temps qu’un piano transbahutant un romantisme délicieusement désuet et pour cause. Cela peut faire mal. Jusque-là, pas grand-chose de neuf. Et peu après. Je veux te voir seul(e).

Mais.

Isolé(e) dans ta pièce, dehors sous la pluie, sur un banc, et donc pensée égoïste voire revancharde ? Ou entre quatre yeux histoire de fracturer l’abcès ?

Ailleurs, ça suinte, il y a des humeurs qui s’échappent de ce globe, humectant un environnement rosâtre incertain. On dirait moi le matin quand ma lentille me rappelle son existence au cœur du froid mordant. Est-ce toutefois encore un œil ou bien un siphon ? La vision d’une étoile en train de mourir ? La topographie est tout à fait typique, elle arrosait déjà généreusement Skinty Fia. Ne manque que l’animalité pour parfaire l’illusion. Le costume du héros mis en scène dans le clip arbore la même couleur verdâtre.

Starburster a déboulé comme un daim au milieu d’un jeu de pétanque, originel single d’un album signé FONTAINES D.C. à paraître en août 2024, suivant un hiatus annuel qui a vu son chanteur Grian CHATTEN prendre la poudre d’escampette en proposant un disque solo. La chanson accomplit d’ailleurs musicalement la fusion parfaite des deux mondes auxquels appartient désormais le jeune homme. En effet, ce beat trip-hop, on l’avait déjà entraperçu via "Skinty Fia", le titre éponyme du dernier disque des Irlandais. Quant à cet ample break orchestral, il n’aurait pas fait tâche sur l’introverti Chaos for the Fly.

Lyriquement, le message reste assez énigmatique, autant que cet intitulé qu’on peine à traduire.

Starburst désigne selon toute vraisemblance une étoile ; pourvoyeur d’astres alors ? Malgré tout, on parvient à identifier ce jeu d’identité traversant à la fois les mots composant la pièce mais également les visuels choisis, cette galerie de personnages baroques oscillant entre amnésie et schizophrénie traduisant une perte de contrôle palpable. Celle-ci ne serait-elle pas la crise de panique vécue par CHATTEN dans une station de métro dont la manifestation concrète constituerait les halètements rauques concluant cette longue formule en guise de refrain ?

Je briserai ton activité si cela constitue une joie momentanée. Cette phrase insolente pourrait être une référence aux émeutes récentes ayant touché Dublin et plus globalement à la patrie irlandaise, sujet toujours important pour le groupe. Une sentence perdue parmi d’autres ésotériques, lesquelles comportent toujours ce chant monocorde à la limite du parlé et traversées par des arabesques guitaristiques du plus bel effet. Plus que "Strawberry Fields Forever", c’est finalement à l’inénarrable "I Am the Walrus" auquel on songe.

Ainsi, attend-on août en apnée, presque hyperventilé, cependant toujours à l’affût. Et d’un doigt fébrile, on réappuie sur Play.

Bien évidemment.