En préambule, ne pas confondre ce groupe avec son presque homonyme Sugarcreek, groupe AOR basé en Caroline du Nord, transformé en The Creek au milieu des années 80 avant de disparaître de la scène en 1990.

Unique album de SUGAR CREEK, Please Tell A Friend avec sa pochette bizarroïde reste connu de certains collectionneurs en raison d’une cote exorbitante, un tarif de dingue en raison d’une petite quantité d’exemplaires pressés par Metromedia Records, label de Len Levy, un ancien manager de Chess et futur président d’Epic, firme tombée en faillite en 1973. En 2001, une première réédition, juridiquement discutable, par le label italien Akarma fait dégringoler la cote de ce disque. Vingt ans plus tard, Rhino allait encore faire tomber vertigineusement les compteurs avec une réédition vinyle 180 grammes, alors qu’un exemplaire neuf s’était vendu lors d’une convention aux environs de 400 dollars.

Originaire de l’Ohio, le guitariste John Edwards fait la rencontre de Malcolm McKinney alors qu’ils cirent les bancs de leur université à Athens. Plus intéressés par la musique que par leurs études, les deux hommes sont rejoints par Tod McKinney, frère du second et bassiste de son état. Les trois larrons sont bientôt rejoints par le batteur Gary Gans, en provenance de Finite Band, autre groupe obscur de la région. La formation se produit dans le circuit des universités et des collèges sous le nom de St. James Doornob avant de se transformer en Infinite Doornob. A l’instigation de John, devenu Jonathan, alors que de nombreux groupes répondent à l’appel de la Californie, le groupe tente sa chance à Boston cette fois sous le nom de Headstone Circus en compagnie de Joe Dolce. Le groupe va alors se roder sur le territoire de la Nouvelle Angleterre, multipliant les prestations dans le Maine, le Massachusetts, le Connecticut et le Vermont.

Le groupe attire l’attention du label Metromedia Records qui confie le groupe à Per Casperson, un producteur débutant qui invite le groupe à enregistrer à New York, au grand dam de Joe Dolce qui quitte le groupe. La formation change encore de nom, optant pour SUGAR CREEK, nom d’une bourgade située à 200 bornes au nord de leur ancienne université, un bled connu pour abriter l’une des plus grandes horloges à coucou du monde.

Comme peut le suggérer sa pochette avec ces quatre visages déformés à mi-chemin de la sculpture sur bois genre totem et de l'illustration au fusain, le combo nous propose un étrange mélange entre Rock, Folk Psy et diverses incursions dans le Blues.

La réverb' et une guitare Fuzz donnent d’entrée de jeu l’impression de tomber dans la marmite du registre Rock Psy avec "A Million Years", un titre bien vitaminé comme il en sort par wagons. "Woman", en fermeture de face A, distille un Rock Psy presque anodin si ce n’est que Gary Gans, qui aime assurément en découdre quand on lui lâche la bride, s’offre un bon petit solo de derrière les fagots. Derrière de multiples changements de nuances, "Memory Tree" constitue le parfait prototype de Rock Psy de la fin des sixties : guitare fuzz, réverb', chant habité et décalé, variations de tempo. Un titre dans la lignée de JEFFERSON AIRPLANE, QUICKSILVER MESSENGER SERVICE ou The REMAINS.

Du Folk, il en est question avec "Heavenly Road", une curieuse combinaison qui tient autant du Folk de Greenwich Village que du Folk Pop du KINGSTON Trio ou des Seekers, l’harmonica champêtre prenant au fil des minutes une teinte acidulée. Avec ses arpèges de guitare acoustique, "Lady Linda" pourrait s’inscrire dans les répertoires d’AMERICA, CROSBY, STILLS & NASH ou Tim BUCKLEY. Impression presque similaire avec "Night Flash", un Folk dans lequel les parfums Psyché se font plus tenaces, en droite ligne avec CROSBY, STILLS & NASH et It’s A Beautiful Day.

Changement de cap avec "Old House", un Blues-Rock dans lequel la guitare d’Edwards endosse le premier rôle avec quelques envolées stridentes. "Who Do You Think You Are" se place à la croisée des chemins entre Country Blues et Country Folk, un titre qui représente parfaitement le visuel dorsal avec la représentation de quatre rednecks en costard plantés, on ne sait pourquoi, dans une forêt. Titre le plus long de l’album, "Where Do You Find The Answer" avoisine les 7 minutes, débutant sous la forme d’un Blues rural, la rythmique répétitive servant de métronome à un harmonica et une guitare qui montent en gamme crescendo pour prendre une coloration Psy de forte teneur. "Miss You" * décroche la mention de la piste la plus Bluesy. S’articulant sur les bases d’un Blues lent, avec un chant plein de feeling, une basse enfin pleine de rondeurs, le titre évoque CHICKEN SHACK, John MAYALL, Peter GREEN ou LED ZEP.

Please Tell A Friend constitue un disque inégal, tant au niveau de la production parfois inerte ou fadasse que d’un répertoire aussi varié qu’inconstant qui finit par papillonner et perdre une partie de son auditoire. Si la formation se montre excellente sur trois ou quatre titres, elle ne parvient jamais à se démarquer de la concurrence de l’époque. Jonathan Edwards se fera connaitre ensuite au sein d’Orphan avant d’entamer une longue carrière dans le Folk.

Note réelle 2,5

*Titre homonyme à celui des Rolling Stones.