Karleinz STOCKHAUSEN est, comme on le disait dans les temps historiques, un phénomène. Du plus ou moins grand public encore relativement cultivé, il est avant tout l’auteur de cet excellent commentaire au sujet du 11 septembre 2001 : (…) la plus grande œuvre d’art qui ait jamais été donnée. (…) Et c’est la plus grande œuvre d’art possible pour le cosmos tout entier.
D’un public plus restreint et beaucoup plus divisé, il fait figure soit de charlatan, soit de prophète incompris.

L’homme, j’entends ici le compositeur plus que ses compositions, s’inscrit parfaitement dans la tradition allemande des années 50. Etudiant à Cologne (Hochschule für Musik und Tanz), il découvre l’œuvre du génial MESSIAEN et décide de poursuivre ses études auprès de celui-ci, à Paris.
Très vite, il s’oriente vers la musique électronique, domaine encore quasi vierge et offrant des possibilités inouïes. Mais, à la différence de Pierre SCHAEFFER, la vision de STOCKHAUSEN est plus globale, plus ambitieuse aussi, voire monstrueuse. C’est, selon ses propres termes, le 'suprarationnel' qui le guide et, de fait, nombre de ses compositions possèdent un caractère volontairement démesuré, que ce soit dans leur effectif, leur durée ou alors dans leur complexité rythmique presque infernale.

Mais qu’en est-il de ces Kontakte concrètement? Composés en 1960 à Cologne, pour sons électroniques, piano et percussion, ils se veulent justement point de contact entre le piano et l’électronique. En effet, les points de contact sont nombreux, abrupts, déroutants, parfois drôles, souvent irritants et toujours très rapidement défaits. On peine à trouver un fil conducteur, et c’est tout à fait normal puisque le compositeur y applique son concept de 'forme momentanée', autrement dit une musique sans commencement ni fin, où toute forme de narratif s’estompe au profit du pur instant, de l’actuel. Si l’idée est fascinante, concrètement on reste sur sa faim non par faute d’aliments, mais par manque complet de direction, même vague ; ce qui a pu faire dire à Lucien Rebatet que STOCKHAUSEN, dans certaines de ses œuvre du moins, semblait lutter contre ses propres dons.

Dans un genre similaire et beaucoup plus communicatif, Gesang Der Jünglige Im Feuerofen (Le Chant Des Adolescents Dans La Fournaise) constitue une bien meilleure porte d’entrée dans l’univers à la fois rigoureux, sec, intransigeant et aussi très drôle et toujours déroutant de cette légende de la musique post-moderne dont l’influence s’étend au moins jusqu’à APHEX TWIN en passant par CAN, Conrad SCHNITZLER, THROBBING GRISTLE ou encore MERZBOW.