Nous sommes en 1979.

La mystérieuse entité prénommée C.O.M.A. cesse d’émettre, confrontée à une impasse malgré la sortie d’un inaugural disque prometteur. Il s’agissait du premier groupe monté par le musicien Patrick BLAIN qui, loin de se laisser abattre, poursuit son activité, initiant des maquettes sur un magnétophone deux pistes en assurant cette fois-ci lui-même le chant. Un autre Patrick, Woindrich celui-ci, précédemment rencontré pendant l’enregistrement de C.O.M.A., est recontacté avec l’objectif de graver quelques morceaux plus professionnellement. Ces sessions au studio de Chesnay à Versailles produisent "Exposition" et "Radio On", deux pièces où figurent les fidèles compagnons Philippe HUART et Claude LAMAMY.

Puis une rencontre inattendue donne un coup de pouce au trio. Denis Wolff, ingénieur du son au sein des studios gérant les éditions de Michel FUGAIN et qui enregistrera par la suite des groupes punk français (WARUM JOE, les RITA MITSOUKO et la SOURIS DÉGLINGUÉE entre autres) leur propose de réaliser des maquettes sur un magnétophone quatre pistes, ayant accès la nuit et les week-ends au bâtiment en question. Ces morceaux bruts, qui ne sont pas retravaillés, figurent directement sur l’album à venir, demeurant cependant trop court aux yeux de Patrick Mathé et Louis Thevenon auxquels il est proposé. Le duo, détenteur tout frais d’un nouveau label, reste malgré tout intéressé et paye ainsi aux musiciens une journée au studio des Abbesses afin de graver "Synchro" et la reprise thrashy de BOWIE "Hang On to Yourself". Finalement bouclée, la plaque est la première vraie sortie de New Rose, même si elle ne constitue que le second item du catalogue, les SAINTS ayant été jugés plus aptes à inaugurer le label.

Ne restait qu’à trouver un pseudonyme évocateur et garant du chemin choisi pour ce projet tout neuf. Un projet mettant en exergue une musique exigeante mais sachant aussi se faire dansante à la CERTAIN RATIO tout en conservant une ossature solide concoctée via basse hautement câblée, guitares tranchantes et ruptures de rythmes impromptus. Un post-punk sombre aux thématiques parfois glauques (le mal-être adolescent pouvant parfois aboutir au suicide sur le formidable "Frederic", un accident de circulation du point de vue d’un narrateur attendant sans doute d’être désincarcéré et soumis aux regards inquisiteurs des automobilistes curieux via "Ralentissement sur l’autoroute").

CHARLES DE GOAL est le nom finalement choisi, suggestion initiale de Mathé à laquelle BLAIN apporte une modification décisive. C’est également le chanteur, exerçant un métier informatique, qui intitule le recueil Algorythmes, cet aspect mathématique vaguement geek se retrouvant renforcé par la jaquette proposant des millions de signes + à la limite du trompe-l’oreille. Ce visuel contribue au succès du disque, tout comme l’anonymat dans lequel se drape le trio, certains se faisant passer pour BLAIN pendant certaines soirées parisiennes.

Ce succès étonne toujours son principal protagoniste, quarante ans après, de par l’hétérogénéité des productions entre chaque chanson pourtant au service d’un disque homogène, sorti sur un label indépendant et n’ayant pas bénéficié de réelle promotion, auquel la réédition compilée en 2024 via May I Records adjoint de généreux morceaux bonus : une reprise de l’imparable "You Really Got Me" des KINKS ainsi que des démos permettant de se rendre compte du processus créatif à l’œuvre comme la "Chambre 312", le thrash "Xmas Pudding" ou le nauséeux "Ambiance répétitive".

Une pièce de l’underground français à redécouvrir d’urgence.