Peu après The Great Calm, me voici à nouveau confronté à tôles froissées et sorties de route qu’elles soient volontaires ou pas, nous ne saurons jamais réellement la raison qui a fait s’abîmer cette berline grise quatre portes dans ce fossé ensoleillé. Toutefois, aucune trace d’une quelconque montagne à l’horizon n’est à noter si l’on veut être totalement précis.

The Sunset Violent, oxymore es qualité, partage un certain nombre de couleurs avec l’inaugural jet de SQUID Bright Green Field qui l’a précédé de quelques années. Il marque cependant nettement sa différence par l’ajout de cette artère ayant parfaitement assisté à l’accident. Erreur humaine ? Tentative d’évitement d’un semi-remorque qui doublait un autre semi-remorque dans une manœuvre dangereuse ? Le chaland connaisseur titillé peut facilement confirmer son impression via une simple recherche Google. Warp a bel et bien publié ce disque, le quatrième signé de l’entité mystérieuse nommée MOUNT KIMBIE.

À l’origine, le groupe britannique est un duo, formé par Dominic Maker et Kai Campos en 2008, la rencontre ayant été formalisée à l’université Southbank de Londres. Ils commencent à composer ensemble et sortent rapidement des EPs rencontrant un certain succès. Maybes et Sketches on Glass parviennent à étendre les usages du dubstep jusqu’à inspirer le terme post-dubstep et attirent même les oreilles curieuses des FOALS et XX qui leur demandent des remixes de leurs chansons respectives. Après un premier disque au succès critique incontestable, MOUNT KIMBIE signe sur Warp en 2012.

The Sunset Violent est donc leur nouvelle livraison studio, la première depuis 2017 si l’on met de côté le double album MK 3.5: Die Cuts | City Planning annoncé à J+1 le couperet du confinement et finalement publié en 2022, chaque face étant réalisée en solitaire par les deux musiciens. Pour cet enregistrement, le duo change radicalement sa façon de procéder, se réunissant dans une maison isolée située à Yucca Valley en Californie pour composer ensemble tout en suivant l’Euro de football 2021 qui consacra l’Italie. Une fois de retour à Londres, ces démos, conçues sous forme de chansons, sont finalisées avec Dilip Harris et deux nouveaux membres pleinement investis qui font passer officiellement le duo à l’état de quatuor : Andrea Balency-Béarn et Marc Pell, précieux respectivement aux vocaux et percussions.

Le deuxième single extrait de The Sunset Violent contenait en son sein un indice décisif sur l’évolution de la musique que désirait MOUNT KIMBIE. "Dumb Guitar" dépeint un monde électronique rêveur mais tapissé de guitares. Balency-Béarn l’agrémente d’un chant fantomatique en proie à une langueur avancée et nous rappelle ainsi les meilleurs moments clair-obscur dispensés par les CHROMATICS.

Ce crépuscule ensoleillé s’avère frais, teinté de cold wave comme le rock électronique "Shipwreck" que n’aurait pas renié un NEW ORDER ayant invité pour un featuring Damon ALBARN, "A Figure in the Surf" dépeignant des plages qui auraient été désertées, ou encore l’atmosphérique "Empty and Silent" prenant congé en invitant aux vocalises l’ami de longue date KING KRULE. Mais cet album peut aussi parfois se faire bruitiste, qu’il convoque SONIC YOUTH ("Boxing") ou le shoegaze/noise pop tel que peut le pratiquer par exemple MY BLOODY VALENTINE ("Fishbrain").

The Sunset Violent ou le disque qu’un GORILLAZ en proie à un spleen dévastateur aurait pu produire, bien qu’ALBARN l’ait en fait déjà exorcisé via 13 et son autre personnalité plus britpop. À moins que cela ne soit la simple manifestation concrète d’une éventuelle dépression nerveuse touchant STEELY DAN.