Cela émergea d’un flash. Cela fit irruption de nulle part.

En effet. Clairement. Lumineusement.

Hormis quelques titres épars de-ci de-là, voici donc mon retour de flammes pour les FOO FIGHTERS depuis leur premier album éponyme sorti en 1995, que j’avais d’ailleurs régularisé en physique et réécouté il n’y a pas si longtemps. Je n’avais donc pas donné suite à Medecine at Midnight dernier item en date envoyé en 2021, plutôt encensé dans nos colonnes par Chipstouille.

L’artwork est en tout cas beaucoup plus sobre, c’est un doux euphémisme. Un blanc immaculé, avec ce qu’on devine comme un horizon découpant équitablement le paysage. Mirage à l’horizon ? Au toucher se matérialise un lettrage au sud-est. Mais nous sommes ici. Ou plutôt Mais nous y voilà ou même Voilà où nous en sommes en français plus élaboré. Une farouche affirmation d’existence. Un véritable credo pour continuer à avancer, envers et contre tout, une fois le bilan complet dressé.

Car But Here We Are est un album-linceul entièrement immergé dans le manque de l’autre. Hommage est rendu à Taylor HAWKINS dans un premier temps, batteur historique des FOO mort de manière inattendue à 50 ans en Colombie avant un festival, disparition probablement due à une overdose.

Tout débute pourtant plutôt positivement, musicalement parlant. Les tubes power pop "Rescued" et "Under You" proposent des thèmes incisifs et lumineux, presque oniriques, chansons assez judicieusement choisies en tant que premier et second singles. Malgré tout, on sent bien que l’humeur ne tient qu’à un fil, ce contrecoup temporaire se dissipant soudain sur "Hearing Voices", premier volet d’un triptyque fantomatique se poursuivant sur le titre éponyme et sur un spectral "The Glass" très Britpop.

Mais Taylor HAWKINS n’est pas la seule plaie récente à refermer pour les Américains et plus particulièrement leur leader Dave GROHL. Car 2022 lui a également ôté sa maman.

"Show Me How" commence à l’évoquer pudiquement, conviant la fille de Dave à chanter en sa compagnie sur un morceau atmosphérique saturé de langueur, entre shoegaze et dream pop. Avec "The Teacher", l’hommage se précise – Mother Grohl fut enseignante une grande partie de sa vie – et dans un paquetage inhabituel : dix minutes, des arrangements de cordes et un incroyable break post-punk constituant la meilleure chanson que voudrait composer INTERPOL depuis des lustres. Lyriquement, le titre s’attarde sur la description d’une lente reconstruction après l’expérience d’un deuil, item souvent tabou qu’on ne peut malheureusement apprendre que d’une manière : sur le tas.

Et puis après la tempête… Survient "Rest".

Dual parfait du "Hurt" signé NINE INCH NAILS dont il partage aussi le nombre de lettres et la même position finale, la chanson nous offre un moment intime presque indécent, s’animant soudain dans une rage mécanique hypersonique, androïde dont le cœur se remet à battre temporairement, ses membres se débattant dans des mouvements incompréhensibles et incontrôlés. Le repos ne tarde pas à réapparaître toutefois, par une symétrie parfaite une fois sauvé.

But Here We Are, recueil de dix titres puissants et introspectifs, constitue une belle surprise offerte par cette année 2023, un album à fleur de peau, souvent émouvant, parfois larmoyant mais jamais pleurnichard.