Cela faisait bien longtemps que Manu CHAO ne nous avait pas offert de nouvel album : dix-sept ans !
Alors soit, durant cette période, il n’est pas resté muet et il a sorti, sans trop de formalisme, plusieurs singles / projets / démos / collaborations… appelez cela comme vous le voulez.
Clairement, le bonhomme ne semble plus se sentir tenu par aucune des contraintes « classiques » liées habituellement aux artistes musicaux. C’est comme s’il s’autorisait tout et n’envisageait plus sa « carrière » musicale qu’au travers d’un double prisme : le plaisir et l’envie.
C’est pourquoi, la livraison de treize nouveaux titres regroupés sous un format « album » est tout à la fois une surprise et un petit évènement.

Surtout qu’à l’écoute de ce Viva Tu, on en vient à se dire que le format album à tout son sens, tant les chansons présentées ici s’imbriquent bien ensemble et constituent un tout assez cohérent. Ce qui n’aurait pas forcément été le cas avec une compilation des chansons très disparates qu’ils nous a offert ces dernières années.
L’ancien membre de la MANO NEGRA évolue toujours dans un univers musical que l’on pourrait qualifier de « Folklore de la Zone mondiale ». Ce qui veut dire qu’il puise dans différents styles, plus ou moins modernes, provenant en grande partie de pays sud-américains ou latino-américains. Saveurs et inspirations qu’il assaisonne pour leur donner une certaine homogénéité. Ce, notamment du fait d’une orchestration assez simple, et grandement basée sur son chant, une guitare acoustique et des percussions.
On passe ainsi d’ambiances musicales assez traditionnelles avec "Cuatro Calles", à des sonorités bien plus modernes comme c’est le cas avec "Tu Te Vas", sur laquelle intervient la rappeuse française LAETI (que l’on pouvait voir dans la saison 2 de la série Validé). Et de rythmes purement latinos, la rumba "Viva Tu", à des ambiances plus Reggae "Lonely Night", ou à une saveur parisienne avec "Tom et Lola", en passant par le plus Country Folk "Heaven’s Bad Day", sur lequel la légende Willie NELSON vient poser (très discrètement) sa voix.

Et le résultat est cohérent et plutôt heureux. Avec notamment les excellents "Viva Tu" et "Coraçao No Mar". Des titres enjoués et enlevés, très axées « Latino », et chantés en espagnol. La langue qui prédomine largement sur l’album. Mais lorsqu’il se fait plus intimiste et apaisé, Manu CHAO sait également faire mouche. C’est le cas avec "Cuatro Calles", où il ne se fait accompagner que par une guitare acoustique et un piano assez discret.
Son phrasé particulier, notamment lorsqu’il chante en français se révèle également bougrement convaincant. C’est aussi le cas sur le très beau "La couleur du temps" qui possède une couleur « ancienne chanson française », et qui est également un des moments marquants de cet album.
Mais le bilan n’est pas totalement positif.
La faute à quelques titres un peu dispensables, ou bien trop fades, qui alourdissent et « freinent » le disque. Je pense notamment à "Sao Paulo Motoboy", "Vecinos en el Mar". Et a d’autres morceaux qui manquent un peu de caractère et peinent à s’imposer réellement : "Lonely Night", "River Why", "Tantas Tierras"…
Toutes ces chansons, qui passent de manière plutôt agréable, n’apportent pourtant pas grand-chose à l’œuvre de Manu CHAO et nuisent à l’efficacité d’un album, qui dure moins de quarante minutes, et qui se révèle au final un peu bancal.

Au regard du temps pris pour sortir Viva Tu, il pourrait être frustrant de se dire, qu’alors qu’il avait tout le temps, il n’a peut-être pas assez peaufiné ce disque. Mais si l’on prend en compte la démarche artistique qui guide le bonhomme ces dernières années, faite de spontanéité et de plaisir, on se dit que ce Viva Tu ne doit pas être pris pour autre chose qu’une sorte d’instantané des flâneries musicales et humaines de ce grand artiste.
Et à ce titre, il comporte de petites perles bien enivrantes.