Si on peut aisément reconnaître une chose à ce projet originaire de Turin, c'est sa constance. Constance dans sa trop grande discrétion. Constance dans le très long temps imparti entre la parution de chacun de ses albums. Puis, sans doute, ce qui demeure le plus significatif en définitive, constance dans l'univers musical exposé reconnaissable entre mille. Les Italiens depuis la sortie en 1995 de Pale Awakening leur première production ont en effet redonné un peu de lustre à une darkwave poussiéreuse qui était devenue avec le temps avare en choses bien faites. Si les Transalpins n'ont pas nécessairement fait bouger sévèrement les lignes en terme d'innovation propre, ils ont cependant suffisamment compté pour marquer de leur subtile empreinte cette sphère musicale.

La très belle pochette annonce sans artifice encore une fois les ambiances qui y sont développées, baignées par une avenante lumière froide. La formule a déjà fait ses preuves et là encore, elle fonctionne globalement car elle n'est pas usée jusqu'à la corde. Elle doit évidemment pas mal aux mastodontes du genre type CLAN OF XYMOX, DEPECHE MODE. Ceci n’empêche pas pour autant le projet d'esquisser les contours fragiles d'un monde attractif qui, s'il baigne dans la morosité, n'en oublie pas pour autant les émotions. Ces dernières, et ce n'est pas nouveau non plus, passent par les voix envoûtantes de Diego Merletto et Froxeanne. Les deux protagonistes en plus des évidentes qualités mélodiques développées sont les éléments qui donnent sans conteste cette saveur au bon goût de revenez-y.

Chirality suit donc à la lettre cette approche qui ne change quasiment pas d'un iota. L'alternance en est le maître mot. Comme il est de coutume, les morceaux rythmés laissent place à des titres aux ambiances synthétiques plus planantes. La voix profonde, limite crooner des catacombes, de Merletto alterne quant à elle avec celle plus évanescente et aérienne, de Froxeanne. C'est ce subtil équilibre qui a toujours fait le sel du projet, quitte parfois à être proche de la redite. Ce qui sauve cet album, et ce ne sera pas le cas des suivants The Fellow Traveller (2017) et The Shape Of Things To Come (2023), c'est cette habileté mélodique qui ne patine pas encore. A l'image du superbe "Before The Storm" ou de l'excellent "The Exile", il est en effet difficile de rester insensible au travail effectué par les synthés qui vous emportent littéralement vers le milieu de la piste de danse.

Chirality ne connaît aucune baisse de régime notable, si ce n'est le petit passage à vide que constitue "So Brave" où même là Froxeanne ne réussit pas à casser la lente platitude de ce morceau artificiellement trop long. Heureusement, comme sur le typiquement darkwave "Victory" ou le moins sombre "In The Golden Air", elle montre sans difficulté l'étendue de son talent vocal. Elle réussit à nous faire bouger en développant des émotions dans un environnement pourtant des plus glaciaux. C'est bien cette spécificité qui atténue ce qu'une oreille distraite pourrait trouver un peu monotone tant les sonorités pourraient sonner comme identiques. Les titres Trademark FROZEN AUTUMN, comme le prenant "Rallentears", rappellent pourtant opportunément que l'électronique peut également se faire émouvante.

Chirality est un très bon album de darkwave aux structures recherchées, dont l'austérité de l'ensemble se marie parfaitement avec la sensibilité qui l'irrigue.Il sonne malheureusement pour l'instant comme le chant du cygne des FROZEN AUTUMN, les Italiens n'ayant su par la suite se renouveler.