Mademoiselle Anaïs MVA propose une suite de carrière assez rapide à son E.P Métastases paru l'année dernière. Remède nous est présenté comme son premier véritable album mais d'une durée qui prête à sourire : 23 minutes, soit dix de plus que l'E.P, chose normale mais quand ce dernier dépasse au moins la vingtaine (comme l'artiste en âge d'ailleurs) ! Cela dit, si l'on prend les 33-tours 25 cm des années 1960, le compte est bon et la risette n'a rien de méchant. D'autant plus qu'avec Anaïs MVA, la qualité prime sur la quantité.

Le style d'écriture s'affine alors qu'il devient plus massif dans le son, avec davantage de guitares, de programmations rythmes et synthétiseurs. Tout pour habiller les mélodies de la jeune femme, plus riches qu'on ne le pense. Si les chansons d'amour sont toujours en nombre majoritaire, elles gardent souvent ce goût de désespoir dû au caractère volage de monsieur, à des rivales. Peut-être plus marqué que l'E.P par la vie étudiante, il est aussi question du quotidien des filles, de l'avenir des grands ados 'millenials'.

Préoccupations simples et touchantes, surtout quand elles sont chantées avec tant de bravoure, malgré des phrasés et verbiages toujours hérités du rap et parfois durs à suivre. En revanche, rien à redire, du haut de ses vingt-et-une années, Anaïs MVA sait bien exprimer son monde artistique, même en ayant recours aux moyens modernes qui agacent ailleurs que chez elle.

C'est aussi parce qu'à la voix un peu trop polie (avec la bénédiction d'Auto-Tune) de "Crises d'Angoisse", sans pour autant gêner et outre une ballade sensuelle au rythme latin léger, pleine de chaleur (merci, cher piano électrique) pour équilibrer bien avec les mots réticents, il y a la prestation sans fard de "Corps Inerte", emplie de solitude et de mal-être, adressé à ceux qui ont connu ces derniers, déchirante de simplicité.

Les ruptures après quelques folies d'une nuit sont évoquées par "24 Février" (premier clip de la chanteuse) ainsi que "Hier Soir", avec toujours autant de pagaille dans le coeur en rapport avec les sentiments. Outre la voix agréable, très bavarde par moments, on retient une certaine capacité d'Anaïs MVA à user d'éléments pop-rock qui nous surprennent favorablement, avec des constructions peu classiques. Il y a pourtant là bel et bien de l'ancienne élève en conservatoire, qui n'hésite pas à donner à chacune de ses chansons des airs de mini-symphonies.

Perclus de ses obligations d'un autre temps mais encore manifestement vivaces, "Ce Qu'on Demande aux Filles" superpose les pianos acoustique et électrique, non sans une bonne dynamique et avec une forte dose de synthés dreamy, enveloppant un chant qui se perd dans les échos réverbérés. Outre de belles et étonnantes progressions mélodiques, on trouve à "XS" un menu charme à la BRONSKI BEAT de "Smalltown Boy", avec néanmoins en prime cette fausse tendance au slow qui accélère sans crier gare en plein deuxième couplet.

Anaïs MVA avait déjà évoqué ses TCA/troubles du comportement alimentaire sur l'E.P de 2023 ; ici elle incarne au contraire la fille 'forte' à qui monsieur préfère une autre plus mince. Sur "L'Amour N'a Pas d'Âge" au refrain joliment bubblgum pour une sorte de pop-blues cosmique, elle se projette et l'observe lui, accompagné d'une jeunette. Alors elle redouble de mots tendres sur "J'aimerais Danser Avec Toi", complainte lancinante au refrain plus massif et garni de puissance années 1980.

Mais encore une fois, tout n'est pas centré sur elle et sa propre fragilité, il y a aussi pour "21" celle de toute une génération inquiète face aux lendemains très incertains, alors qu'elle-même, la demoiselle, est censée vivre 'ses plus belles années'. En dépit d'un chant qui se laisse parfois aller à de la nonchalance, cette chanson de clôture est autant remarquable que les autres, du fait de ses idées, de ses beaux claviers (incluant le lead synthé qui orne la mélodie), sa boîte à rythme qui débarque là encore en plein refrain, son caractère épique... Une jeune artiste sensible, triste avec évidence, mais qui a de la suite dans les idées ! Un beau 'remède', en vérité.

Note réelle : 3,5