Plus que des compositions dansantes, CHOPIN utilise ses Valses comme des poèmes, des réflexions lyriques presque narratives sur des états d’âmes intérieur. Œuvres pour piano seul, il les compose entre 1829 et 1848. Seules huit d’entre elles sont publiées de son vivant et plusieurs sont retrouvées bien des années plus tard. Certaines d’entre elles d’ailleurs, demeurent toujours inexistantes sur CD car non abouties et approuvées par CHOPIN.

La valse est ancrée dans le contexte historique et culturel de l’Europe du XIXème siècle. Lorsque CHOPIN s’installe à Paris, centre culturel de l’Europe romantique et source d’inspiration, la valse s’est déjà imposée dans les salons aristocratiques et bourgeois. Elle devient, pour lui, un moyen d’intégration et de participations aux modes de l’époque. Mais, il la réinterprète, et, entre ses mains, elle est immédiatement plus introspective, moins dansante, plus poétique et raffinée et ainsi, s’éloigne de la danse de salon.

La "Grande valse brillante en Mi bémol majeur, op 18" est publiée en 1834. Elle adopte une forme rondeau, assez typique des valses de CHOPIN avec un thème principal dynamique qui incarne la légèreté et la joie de vivre avec son rythme ternaire pour l’effet dansant mais aussi des ornements tels que des trilles et des appogiatures pour plus d’élégance. Puis, un thème contrastant lyrique et profond avant un retour au thème principal pour finir sur la coda intense brillante et virtuose. Pour renforcer le sentiment de liberté que l’on éprouve à l’écoute, CHOPIN change subtilement de tempo, utilise le piano entier de manière fluide du grave à l’aigu. Les passages techniques exigeants, la large gamme de nuance passant de passages légers à des passages plus passionnés rend cette valse à écouter plutôt qu’à danser. Elle est un parfait mélange entre l’attente du public et la sensibilité de CHOPIN.

Les "Trois valses op 34" composées entre 1834 et 1838 souvent surnommées "Valses Brillantes" ont chacune une atmosphère qui lui est propre. La "Valse op 34 n°1 en La bémol majeur", toujours sur un thème rondeau, est festive avec un tempo vif ponctuée de moments plus calmes et lyriques. En contraste, la seconde valse de l’opus 34 est peut-être la plus mélancolique des valses de CHOPIN. La tonalité mineur renforce la profondeur, la tristesse et la mélancolie allant jusqu’à l’introspection. Un court passage en La majeur est plus gai. Moins virtuose que ses consœurs elle ne cherche pas à impressionner techniquement mais se concentre sur l’intime. Enfin, la 3ème valse de cet opus incarne l’élégance. Elle est fluide, sans contraste et délicate. Tout se joue dans la précision et la maitrise du phrasé, et, ainsi, elle se déroule gracieusement. Ces trois valses montrent la capacité de CHOPIN a exploiter la valse sous toutes les coutures possibles. L’une destinée à un public mondain, l’autre intime et la suivante élégante bien que toutes soient semblables à des poèmes musicaux.

Les ornements dans chacune des valses ne sont pas là simplement pour faire beau. Chaque ornement, chaque trille, chaque appogiature, chaque octave de la "Valse en La bémol majeur, op 42" est une expression de la mélodie, presque narrative où chaque note est choisie tant pour la sonorité que pour la signification. Aussi nommée "Valse à deux temps", CHOPIN joue avec le tempo et certains passages donnent l’impression d’être joué en deux temps au lieu du temps ternaire traditionnel. Exigeante techniquement et sensible artistiquement, elle demeure chef d’œuvre du piano.

Les "Trois valses op 64" peuvent être vues comme un poème de l’esprit romantique de CHOPIN. La première souvent connue sous le nom de « Valse minute » et intense et condensée car comme son nom l’indique elle ne dure qu’une minute et des secondes. Elle est charmante, dansante et mélodique en contraste avec la seconde valse plus rêveuse et nostalgique. Le moment continue sur un drame en crescendo ponctué d’instant plus lumineux avec la dernière valse de l’opus. Trois instants capturés entre rêves et souvenirs.

Les "Deux valses op 69" témoignent du génie expressif de CHOPIN et montre à quel point il transforme le genre de valse. Sur le même modèle que les précédents opus, la première valse et plus légère et joyeuse, charmeuse. La seconde invite à la contemplation comme si l’une des valses était toujours davantage dédiée aux salons mondains quand l’autre est plus introspective, plus écoutée que dansée.

Moins connues, les trois valses de l’opus 70 sont un tableau vivant où les notes comme les émotions se croisent et se mêlent. L’opus débute sur l’éclat d’un matin, une mélodie douce s’élance vivante, scintillante dans une danse effrénée jusqu’à atteindre la mélancolie de la nuit, une note, un souvenir. La mélodie s’étire comme pour retenir quelque chose qui n’est plus. Puis soudain, ou enfin, un bal de joie, le retour de la légèreté bien qu’une petite mélancolie persiste, le tourbillon de la vie.

Enfin, la "Valse posthume n°14 en Mi mineur" est écrite en 1847 mais publiée en 1855, après la mort de CHOPIN. Cette œuvre est pleine de réflexions profondes, l’expression est au cœur. La mélodie est poignante, passionnée avec des passages d’allégresse et de danse. Si elle n’est pas la plus connue, elle mérite d’être découverte.

Les Valses de CHOPIN illustrent la richesse musicale et la profondeur émotionnelle du compositeur. Il révolutionne la valse en gardant les formes traditionnelles et en y ajoutant ses nuances personnelles et sont interprétées dans le monde entier. Plus que de simples danses, chacune d’entre elles raconte une histoire. Miroir de l’âme, charmante et complexe, CHOPIN, poète, nous offre une ode à la beauté.