Finalement, avec le temps, on s’aperçoit que le shoegaze fut un mouvement néo psychédélique plutôt disparate, avec des groupes hors normes qui lançaient des ponts dans différents styles (pop, noise, drone, space et même black metal). Apparus à la fin des "eighties" dans une Angleterre plongée dans un fog bruyant (à la Carpenter ?) depuis le premier JESUS AND MARY CHAIN, qui me fascina dès 86, autant par sa violence que par sa nouveauté , nos TELESCOPES, emmenés par l’ombrageux astronome sonique Stephen Lawrie firent le grand écart entre les différents courants cités plus haut.

S’ils approchèrent les rivages pop durant leur période Creation, ce qui nous interpellait le plus c’était bien sûr plus leur attaque frontale dans leur longue discographie. En témoigne, le violent Taste, premier album, qui scrutait les travaux intelligemment bordéliques d’un SONIC YOUTH première période ou des contemporains "stoogiens" LOOP. On était alors loin des gentillets membres de RIDE.
Dix-septième album donc et pas de dérive poppy…

Désormais les membres originels ressemblent à de vieux kraut-rockers revenus de tous les voyages d’outre espace (intérieurs comme extérieurs) connus. Avec aussi une sorcière aux samples et un bassiste aux longs dreadlocks pour la touche dub, comme j’ai pu le constater durant leur récent rituel dans la salle alternative du Molotov à Marseille.

Le voyage interstellaire (ou intra moléculaire peut-être) commence par un "Shake it all out" de haute volée avec un orgue sixties à la CAN, et des vocaux ultra comateux. On nage d’entrée dans un brouillard sonique teinté fortement de kraut-rock. Le morceau dans son genre, est assez extrême pas loin du slowcore à la LOW (le côté excessivement dépressif en moins, quoique …)

Ce côté étonnamment bluesy se retrouve sur les velvetiens "Come Tomorrow", "Lonesome Heart" et «"Nothing Matter" (ce dernier marqué par un orgue sixties).

Le second morceau, "For the River Man" baigne dans une sorte de dream pop psychédélique, voire bluesy, avec toujours cette voix léthargique et l’utilisation judicieuse d’un harmonica. La chanson serait un lointain écho au VELVET UNDERGROUND planant de la fin des sixties, du "Sunday Morning" réactualisé on dira... En tout cas, un sacré titre onirique. De même, le titre éponyme, très lunaire justement, frisant le space rock. Le côté spatial ressort aussi sur "Along the Way", avec des vocaux fortement murmurés, rappelant les premiers SPACEMEN 3. L’inquiétant "This Train Rolls On" lorgne carrément vers les territoires space /drone à la SUNNO)), sans la facette metal caractérisant le fameux duo encapuchonné.

A la fois lancinante et cosmique, cette dernière œuvre ne sombre pas dans une atmosphère plombante pouvant caractériser certains disques du shoegaze. Une réelle expérience !