À l’image du cliché bucolico-chimérique pris au cœur du parc de Nymphenburger ornant délicatement l’objet, trou de verdure où pourrait chanter une rivière, CAROL OF HARVEST est le doux rêve d’un enfant munichois devenant réalité.

Nous sommes en 1976, le guitariste Axel Schmierer vient de convier avec succès ses amis d’école Helmut Reinschlüssel et Robert Högn à s’agréger en vue de tenter leur chance dans la musique. Le second s’assoit derrière les fûts alors que le premier ne remplit finalement aucune fonction musicale précise, crédité simplement à la technique. Le frère de Reinschlüssel est également intégré à la basse, ce dernier amenant avec lui la vocaliste de ce projet en la personne de la jeune Beate Krause, parvenant aisément à convaincre ses camarades de la maturité de sa voix. L’ultime pièce du puzzle est le claviériste Jürgen Kolb dont le jeu onirique et futuriste complète à merveille une formation ayant trouvé son organisation optimale et son patronyme, énigmatique proposition empruntée au titre d’un poème dû à l’auteur américain Walt Whitman en 1867.

Le collectif passe l’année suivante à travailler intensivement les compositions élaborées exclusivement par Schmierer, aux influences évidentes entre folk et progressif : CAMEL, PINK FLOYD, COMUS voire Sandy DENNY ou RENAISSANCE viennent ainsi en mémoire. La voix de Krause se pose délicatement sur ses structures rêveuses, en prenant bien soin de les laisser largement respirer, bien que le lyrisme laisse parfois place à une colère plus concrète (le morceau bonus "Sweet Heroin" issu d’un concert de 1978 et doté d’un son très correct). Ils tournent assez peu, préférant écrire et enregistrer leur propre matériel en toute indépendance tel ce studio local réservé en vue de quelques sessions dont le résultat forme le cœur du premier disque éponyme du groupe. Une minuscule structure réalise 200 copies de leur œuvre, un pressage original particulièrement recherché par les collectionneurs aujourd’hui et valant son pesant d’or.

Les deux pièces maîtresses de cet album sont évidemment les longue-durées placées en ouverture et fermeture. Le manifeste anti-guerrier "Put On Your Nightcap" fut la porte d’entrée via laquelle je découvris le collectif, ce titre figurant sur une compilation obscure rassemblant des raretés psychédéliques des années 70. Malgré son quart d’heure, la composition parvient à conserver sa continuité de narration en alternant épopée et mélancolie, propos appuyé via des soli de guitare et de clavier dantesques. Dans la diagonale, "Try a Little Bit" confirme la science de l’arpège de Schmierer, véritable fil rouge de la plaque, et se fend d’un autre solo savoureux.

La réalisation de Carol of Harvest fut appuyée par des concerts dont l’un d’eux était une compétition se déroulant à Würzburg que les Allemands remportèrent. Malgré tout, le public n’exprimait généralement que peu d’enthousiasme, ce qui sapa l’humeur au sein du quintet. Le claviériste Jürgen Kolb décida ainsi de quitter l’aventure, ce qui entérina la fin de CAROL OF HARVEST. Même s’ils purent trouver un remplaçant assez vite, l’alchimie et la motivation s’étaient évaporées. Dès 1978, le groupe était déjà à conjuguer au passé même s’il s’offrit une seconde jeunesse étonnante au millénaire suivant.

Reste ce testament confidentiel déterré de l’obscurité par Prog Temple en 2013 au format CD que l’on redécouvre avec un plaisir non dissimulé et possessif, tel un grimoire rare dont on garde jalousement le secret après l’avoir découvert par hasard dans une bibliothèque moyenâgeuse.

3.5/5