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2019 Human

Olivier ORAND - Human (2019)
Par PSYCHODIVER le 16 Novembre 2024          Consultée 310 fois

Je ne vais pas choquer grand monde en affirmant que la France n'a jamais été et ne sera jamais une terre fertile d'un point de vue musique rock. Le débat est quasiment clos à ce sujet. En revanche, nier la faculté de nos contrées à générer des références en matière de musique électronique reviendrait à me décrédibiliser. Si l'on écarte, bien entendu, les DJ junk food à la Guetta et que l'on remet en perspective la notoriété quelque peu exagérée d'un Jean-Michel JARRE, on tombe sur des références déjà plus légitimes et pas forcément connues. En ce sens, à moins d'avoir fréquenté des milieux électro spécifiques ou d'avoir exploré le net en quête de nouveauté, vos chances d'avoir entendu parler d'Olivier ORAND sont minces.

Mais peut-être le connaissez-vous sous le pseudonyme de Hol Baumann. Au cours de la décennie 2000, c'est derrière cette identité respirant le sensationnel et le mystérieux qu'il devient contributeur régulier du label indépendant Ultimae, basé à Lyon. Ses travaux sont publiés par l'intermédiaire des compilations phares dudit label intitulées Fahrenheit Project, dans lesquelles on retrouve bien d'autres représentants de cette même scène électro contemporaine tels que les suédois Solar Fields et Carbon Based Lifeforms ou encore Aes Dana (rien à voir avec les black metalleux celtico-parisiens du même nom) tous appliqués à façonner une électronique immersive où l'ambient se mêle à des sonorités que l'on qualifiera d'urbaines. C'est toutefois Olivier ORAND/Hol Baumann qui saura se distinguer de ses camarades. Notamment lorsqu'il publie Human, son premier album solo, en 2008. En effet, l'album ici chroniqué date en réalité de la décennie 2000. Mais sa relative discrétion en dehors de son milieu d'origine (où il fut un triomphe) et la séparation de ORAND avec Ultimae l'a mis au placard pendant onze années. Le temps pour Olivier de repartir sur de solides bases. Et c'est donc en 2019, sous l'égide du label italien Sidereal que Human nous parvient enfin dans une version complète et correspondant aux exigences premières de son créateur.

Soyons catégorique, quitte à manquer de recul ou d'objectivité : Human est un chef-d'œuvre. Et pas seulement celui du défunt Hol Baumann (Olivier se produisant désormais sous son véritable nom). Celui de toute la scène électro française. On peut difficilement concevoir plus diversifié, maîtrisé, évocateur et palpitant que ce disque qui fait la part belle aussi bien à des influences clairement intégrées et transcendées (Olivier se réclame d'un APHEX TWIN qui ne m'a jamais convaincu et bat son mentor britannique à plates coutures) qu'à une patte personnelle et tout ce qu'il a de plus respectable dans sa faculté à unir ambient, downtempo, IDM, gimmicks nostalgiques dans le bon sens, annonçant involontairement la future déferlante synthwave et instrumentaux dignes des meilleurs moments du hip-hop qu'un certain DJ Shadow n'aurait pas renié (que les cadors du rap game de nos latitudes en prennent de la graine : pas besoin d'aller se la jouer Tony Montana chez Reuven Rotem à Los Angeles pour proposer des arrangements satisfaisants). Dépouillée et obsédante. Dynamique et contemplative. Sombre, parfois hostile mais toujours proche de l'homme au fil de titres souvent fleuves mais dotés d'une mécanique redoutablement bien huilée faisant appel à quelques velléités world asiatiques (de l'Inde au Japon en passant par la Mongolie) ou hispaniques (cette guitare sèche qui s'invite à certaines occasions) : la musique d'Olivier ORAND apparaît également comme un pont jeté entre deux décennies, que ce soit musicalement et thématiquement. Elle porte l'ADN des 2000's, époque marquée par l'avènement de l'expansion affolante de la connectivité (l'époque où Numericable utilisait le "Dance" de JUSTICE dans ses pubs TV) et celui des 2010's, plus inquiètes, torturées et cherchant à s'éloigner du matérialisme dominant par un recours à des influences ou éléments plus traditionnels (sonorités et démarches sur lesquelles Forest Swords règne en maître).

"Hours" plante le décor avec une redoutable efficacité. Essayez de vous imaginer la France d'un futur assez proche revisitée par Maurice Dantec et exposée sur une mise en scène par intervallomètre/narration accélérée si cher à Godfrey Reggio. C'est fascinant, froid et charnel à la fois. "Breathe" et "Radio Bombay" sont plus ambient mais pas non plus dépourvues d'une certaine tension, elle font néanmoins figure de promenades de santé en comparaison de ce qui va suivre. La preuve en est "Varanasi" où un sitar mélancolique se fait dévorer tout cru par des cyber attaques à la limite de l'electroclash et du NINE INCH NAILS de "Closer" épaulées par des vocaux féminins à vous filer le vertige. Si conquérir les ondes n'est pas l'objectif d'Olivier ORAND, "Endless Park", aurait dû être hissé au rang de tube. Morceau le plus court d'un album où les pistes oscillent entre les cinq et huit minutes, sa durée ne nuit aucunement à la sensation de menace permanente qui l'anime. Au programme, trois minutes et des poussières d'escapade probablement sans issue vers nulle part. C'est un fait, depuis les exactions de Gary NUMAN et de sa TUBEWAY ARMY, les parcs ne sont plus des endroits fréquentables ou propices à l'épanouissement. Le morceau éponyme s'avère perturbé et tribal. Riche en interférences et variations de climats. Il n'en fallait pas moins pour illustrer une variation autour du plus complexe des mammifères. "One Step Behind" démarre sur une premier acte angoissant qui semble prolonger la plongée dans les abysses de "Endless Park", avant de basculer dans une exploration plus déterminée bien que toujours pétrie d'inquiétudes. "We Are Analog" impose une électro introspective dense où les ténèbres du cyberspace guettent la moindre erreur de stratégie de la part de l'ingénu qui s'y aventure. "Handwritten Notes" cache bien son jeu en commençant sous des dehors minimalistes avant de se révéler plus enlevée et marquante que prévu. La tétanisante "Forgotten Ritual" avec ses allures de sirènes annonçant une apocalypse urbaine nous assaille de ses arrangements aux frontières de l'épique autant que du thriller, son pont contemplatif de la terreur vite effacé par une montée en puissance qui achèvera les éventuels rescapés, tandis qu'une poignée de notes malades se perdent comme l'écho dans les tréfonds d'un tunnel infini. "Scala" reprend le mantra de "Varanasi" alors que la colère gronde. À défaut d'être explosive, elle sera froide et implacable, à l'image d'un beat écrasant. Enfin, le bien nommé "Final" presque space et porté par un feeling entre THE CURE et PINK FLOYD (cette guitare qui soutient l'ensemble) referme cette aventure à l'ombre des barres d'immeubles et des zones commerciales/ industrielles mal famées sur une note amère et empreinte d'une certaine paranoïa.

Perfection dans son genre, Human est plus qu'un grand album de musique électronique : c'est une expérience. Bande son d'anticipation idéale, le remake yankee aseptisé de Ghost In The Shell et la gaudriole nanardesque que Kassovitz a commise à partir du pourtant exceptionnel Babylon Babies (j'évoquais Dantec un peu plus haut) auraient gagné en intérêt si dotés d'une B.O de la sorte. Mais il faut croire que la confidentialité sied plus à Olivier ORAND que les tapis rouges que ses homologues robotiques Thomas Bangalter / Guy-Manuel de Homem-Christo ou les provençaux devenus californiens de M83 ont privilégiés. Ne reste plus aux néophytes ainsi qu'aux retardataires de se risquer à sonder les entrailles de la bio machine pensante et omnipotente, tout en évitant de basculer dans la schizophrénie. Quand bien même cette dernière puisse avoir "du bon", selon les circonstances.

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- Olivier Orand (tout)


1. Hours
2. Breathe
3. Varanasi
4. Radio Bombay
5. Endless Park
6. Human
7. One Step Behind
8. We Are Analog
9. Handwritten Notes
10. Forgotten Ritual
11. Scala
12. Final



             



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