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- Style + Membre : Hawkwind

Robert CALVERT - Freq (1985)
Par PSYCHODIVER le 26 Mai 2023          Consultée 331 fois

Nous sommes en 1981. Nous avons laissé Robert CALVERT alors aux prises avec les affres d'un music business corrompu jusqu'à l'os avec le faussement radiophonique et fort sympathique Hype. Si, par la suite, il ne coupe pas véritablement tout lien avec ses anciens camarades d'HAWKWIND (avec qui il maintient les apparitions scéniques jusqu'en 1984), poursuivant d'ailleurs une collaboration épisodique avec Barney Bubbles ainsi que Nik Turner flanqué de sa très cinglée INNER CITY UNIT, c'est à ce moment-là que Mad Bob commence à s'émanciper de son passé à Ladbroke Grove pour se jeter corps et âme vers l'avenir, quand bien même ce dernier ne s'annonce pas des plus idylliques, alignant au fil des années une brochette de projets musicaux et théâtraux tous plus visionnaires les uns que les autres.

De l'après Hype, on retient en particulier The Kid From Silicon Gulch, une comédie musicale mettant en scène Bob en Sam Spade du futur, lancé dans la traque d'un pirate informatique. Que le Sud-Africain ne soit pas considéré comme un pionnier du cyberpunk est un scandale. Dans la conception de cette œuvre underground pur jus, Bob peut compter sur son acolyte de l'époque, Pete Pavli, multi-instrumentiste déjà présent sur Hype et sur la designer Jill Riches qui ne va pas tarder à devenir Madame Calvert. À travers cette performance théâtrale ponctuée d'interludes électro entre O.M.D et les RESIDENTS, Robert CALVERT poursuit ses réflexions sur le futur, amorcées lors de son comeback chez HAWKWIND entre 1976 et 1978. De cet opéra électro-rock, une chanson en particulier se distingue : "Ned Ludd, apologie du légendaire meneur des insurgés anti-modernité dans l'Angleterre de la révolution industrielle, qui luttèrent pour préserver leurs conditions initiales de travail menacées par la mécanisation. Insurrection. Progrès. Humanité. Voici quelques-uns des mots qui gravitent en permanence autour de l'esprit résolument torturé de Bob CALVERT, plus que jamais révolté mais désormais rangé des prestations musclées, des armes à feu et des sabres.

Une brève accalmie, très vite interrompue par un événement sociopolitique déterminant dans l'histoire moderne : la grande grève des mineurs britanniques de 1984. Ou quand l'iconoclaste Arthur Scargill provoqua la colère de l'infecte harpie Thatcher, trop occupée à festoyer avec ses homologues yankees, israéliens et chiliens (avec Jimmy Savile en guest) pendant que les Malouines pansent leurs plaies, que l'Irlande libre pleure Bobby Sands et ses compagnons d'armes et que les derniers bastions de la classe ouvrière sont balayés au nom de la grande valse des pourris de la City (et du Bilderberg. Me regardez pas comme ça. Mon côté Jaz Coleman sans doute).

Mad Bob, remonté comme il faut contre toutes formes de gouvernements et dégoûté par les politiques en application dans son pays (pour vous situer le positionnement idéologique de CALVERT, imaginez un compromis entre Norman Spinrad et Jean-Claude Michéa), prend fait et cause pour les travailleurs de la mine, organisant concerts et autres actions caritatives avec la contribution de Viv Stanshall, déjà présent lors de l'aventure Captain Lockheed & The Starfighters. Mais Bob ne se limite pas à l'aspect musical de la lutte. Il se rend régulièrement sur le terrain, apportant soutiens physiques et conseils aux mineurs avec qui il sympathise et immortalisant quelques-unes des conversations clé du mouvement et autres discours par des enregistrements audios, dont certains vont s'intégrer à Freq, son quatrième album paru en janvier 1985, alors que les criminels du haut sortent vainqueurs de cette maudite grève.

Méfiez-vous de l'emballage violet fluo du disque ! C'est un contenu gris anthracite qui vous attend, matérialisé par une électronique glaciale, parfois crasseuse, que soutiennent des percussions claquant des attaques féroces à la guitare. Mad Bob nous a mijoté une hybridation pamphlétaire, comme à son habitude : inclassable, entre le DEPECHE MODE de Some Great Reward et la cold wave sociale sinistrée de TRISOMIE 21 (les frères Lomprez eux aussi connaissant trop bien la misère ouvrière qui accable l'ancien bassin minier). On pourrait ajouter une influence punk 77 pour la virulence du propos. Bien plus proche de l'attitude destroy des PISTOLS que des revendications (bienveillantes mais adolescentes) du CLASH (ce qui n'enlève rien à l'engagement militant de Joe Strummer en faveur des grévistes). Mais c'est un fait avéré. Bob CALVERT est bien plus proche de John Lydon et de Captain Sensible (Dieu sait qu'à la même époque, l'homme de "Wot" et Monty Python du punk était lui aussi sacrément opposé à Miss Maggie) que du futur leader des MESCALEROS.

Sur Freq, CALVERT divise son propos en deux parties. Dans un premier temps, la facette anticipation/fiction de l'œuvre, très axé sur l'impact d'une société ultra-mécanisée sur les êtres vivants. L'ouverture imparable qu'est le fameux "Ned Ludd" évoqué plus haut, aussi dansante que musclée (le SUICIDE de A Way of Life n'est pas loin) et avec un Mad Bob dont la voix n'a désormais plus rien du timbre androïde proche de Gary Numan/Howard Devoto qu'il possédait naguère (celle-ci est désormais usée, rauque, offensive mais toujours accrocheuse), répond ainsi à un portrait peu reluisant (pour ne pas dire cauchemardesque) de l'avenir avec l'effroyable "Acid Rain", un des morceaux les plus noirs et malaisants jamais composés. Percussions sèches et à la mécanique sinistre, ambiance sale et empuantie par des effluves chimiques, claviers lourds, poisseux et froid, le tout survolé par la voix désabusée et lugubre de CALVERT : "Acid Rain", c'est Blade Runner sans la moraline hollywoodienne écoeurante, la partition hors propos et niaise de VANGELIS ni les bagnoles volantes. La société de demain sera pourrie et à l'image d'un amoncellement de PC grillés et de mouchoirs usagés après masturbations (nécessaires à l'hérédité dans le Brave New World), trônant sur des carcasses de véhicules rouillés, tandis que Monsanto et Union Carbide se partagent la Terre. Oui. Cette société ne donne pas envie. Et vous savez le pire ? On y est déjà.
Enfin, la plus importante : la chronique du mouvement ouvrier dont il s'intéresse plus au courage et à la pugnacité de ses éléments humains qu'aux prétentions politiques de ses leaders. L'agressif "Picket Line" (du DEAD KENNEDYS joué par John Foxx) et le provocateur autant que grandiloquent "The Cool Courage Of The Bomb Squad Officers", radicalement anti forces de l'ordre et véritables incitations à la confection de cocktails Molotov, cohabitent avec les poignantes "All The Machines Are Quiet" à travers laquelle CALVERT sonde les pensées d'un col bleu déraciné et pris à la gorge par son quotidien aliénant et "Work Song", cette dernière, sublime conclusion, dont la mélodie atmosphérique presque chaleureuse ainsi que les textes plus apaisés apportent un réconfort bienvenu après les émeutes et les prédictions pessimistes.

Album éminemment politique (le plus engagé de Mad Bob), Freq est un jalon méconnu de la musique électronique et un des albums les plus atypiques des années 80. Après la longue parenthèse post Hype, le Captain Lockheed reprenait du service et ne faisait pas semblant. À force de frôler la perfection, il fallait bien l'atteindre un jour. Ce sera chose faite dès l'album suivant. À l'année prochaine donc.

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- Robert Calvert (chant, guitare, programmations, claviers, percussi)
- Jill Riches (claviers)
- Pg Martin (guitare)


1. Ned Ludd
2. Talk I
3. Acid Rain
4. Talk Ii
5. All The Machines Are Quiet
6. Talk Iii
7. Picket Line
8. Talk Iv
9. The Cool Courage Of The Bomb Squad Officers
10. Talk V
11. Work Song



             



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