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1981 You Must Believe In Spring

Bill EVANS - You Must Believe In Spring (1981)
Par K-ZEN le 17 Novembre 2024          Consultée 163 fois

Celui-ci charrie une gravité concrète qui nous prend directement à la gorge, sans préavis quelconque.

Son auteur ne s’en doutait pas lors de la création, mais il ne vivrait jamais la sortie physique de ce disque dont il pressentait cependant le succès, une œuvre hantée par les souvenirs. Celui d’une femme aimée qui s’est suicidée, tout comme un frère chéri. Un homme seul, face à son piano, sa mémoire et ses réminiscences parfois heureuses, parfois insupportables. Et si finalement il s’entoure, c’est via le minimum syndical. Un simple duo, l’un s’occupant du rythme et l’autre de la couleur.

Mais quelles couleurs convoquer, sinon le gris observable sur cette œuvre présentée en tête de gondole ? Le ciel est chargé, les arbres n’ont plus de fleurs et voient leurs branches se refléter dans des flaques jonchant le sol, vestiges d’une averse récente. Bien sûr, tu dois croire au printemps, il finit toujours par arriver puisque le jour succède à la nuit. Mais le verras-tu ?

La recherche constante de la perfection a jalonné la carrière de Bill EVANS, le pianiste répétant son répertoire en studio et concert jusqu’à la nausée afin de faire émerger quelque chose de différent à chaque interprétation. Dans ses trios, il cherchait à fournir un propos fluide chargé d’une émotion palpable, obtenu grâce à la place trouvée par chacun et son engagement individuel maximal au sein du triangle formé. L’improvisation jouait ainsi un rôle primordial, que ce soit pour lui ou ses musiciens. Mais s’il était perfectionniste, il n’en était pas à détruire sa chambre d’hôtel si jamais sa performance du soir ne l’avait pas convaincu, demeurant l’homme timide et discret qu’il était.

You Must Believe in Spring a été enregistré en trois jours au Capitol Studios d’Hollywood en 1977 mais ne fut réalisé qu’en février 1981, cinq mois après la mort d’EVANS, ceci dû à divers soucis contractuels. Le pianiste y était accompagné d’Eddie GOMEZ à la contrebasse et Eliot ZIGMUND à la batterie, un trio dessiné en 1974 lorsque le batteur auditionna afin de remplacer un Marty MORELL laissant sa place vacante, GOMEZ étant déjà présent depuis 1968.

L’album brille ainsi par sa mélancolie et sa nostalgie, peuplé de fantômes omniprésents. Via le bref "B Minor Waltz (for Ellaine)", EVANS rend hommage à sa femme qui se suicida en 1973. "We Will Meet Again (for Harry) sera à nouveau enregistré pour un album éponyme en 1979 après la mort de son frère dans des conditions similaires. Quant au "Theme From M*A*S*H (aka Suicide Is Painless)", il porte en lui lyriquement le sceau fatidique, bien que ce dernier tente d’habilement s’escamoter sous des parenthèses. Cette pièce trouve son origine dans une collaboration avortée avec Johnny MANDEL, compositeur de ce thème utilisé par la série télévisée du même nom que le pianiste se réappropria plutôt naturellement.

Les autres pièces conservent cette humeur morose tout en brillant de provenances diverses et variées. "You Must Believe in Spring" s’intitulait basiquement "La Chanson de Maxence" mais fut renommée à la suite de l’ajout de paroles anglophones, cette partition de Michel LEGRAND étant destinée au fameux film Les Demoiselles de Rochefort. Cal TJADER élabora "Gary’s Theme" en 1973 afin de rendre hommage à Gary McFARLAND, ce thème apparaissant en tant que fil rouge dans son disque publié en 1969 America the Beautiful : An Account of Its Disappearance. "The Peacocks" et "Sometime Ago" sont dues au compositeur argentin Sergio MIHANOVICH.

La réédition de l’œuvre inclut trois chansons bonus – "Without a Song", "Freddie Freeloader" et "All of You" – qui furent écartées à l’époque car elles ne s’inscrivaient pas dans l’humeur globale du disque. On sent très nettement à l’écoute la rupture entre les deux parties, cet ajout postérieur est une bonne idée pour les complétistes fous mais je ne trouve pas l’initiative concluante, la chronique ne portera ainsi que sur le matériel originel.

Peu après les sessions d’enregistrement, GOMEZ claqua la porte. Il serait suivi en cela par ZIGMUND, les conséquences des tournées effrénées sur sa vie familiale l’effrayant au plus haut point. EVANS formerait son ultime trio avec Marc JOHNSON et Joe LaBARBERA en 1979, collectif qui ne produirait aucun album studio mais dont on trouverait a posteriori pléthore de témoignages publics.

Quant à You Must Believe in Spring, il reste une preuve supplémentaire et testamentaire du talent unique que pouvait déployer Bill EVANS. L’album idéal à écouter le 1er novembre et l’une des plaques que l’Ankou place au firmament de son top personnel, dont on peut parfois, certaines nuits en tendant attentivement l’oreille, percevoir les fines notes perçant l’épais brouillard en même temps que le grincement inquiétant d’une charrette parcourant inexorablement la lande bretonne en quête d’élus peu enjoués à l’heure fatidique de la rencontre.

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- Bill Evans (piano)
- Eddie Gomez (contrebasse)
- Eliot Zigmund (batterie)


1. B Minor Waltz (for Ellaine)
2. You Must Believe In Spring
3. Gary’s Theme
4. We Will Meet Again (for Harry)
5. The Peacocks
6. Sometime Ago
7. Theme From M*a*s*h (aka Suicide Is Painless)



             



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