Certes, la réputation de Josh RITTER n'est plus à faire. Avec 11 albums sous le bras publiés en l'espace de 24 ans, l'Américain élevé au son de Johnny CASH et du "Girl from the North Country" de Bob DYLAN pouvait légitimement espérer se faire un nom sur la scène folk outre-Atlantique, ce qu'il a accompli en rencontrant depuis le début des années 2010 un succès critique et populaire remarquables. Mais espérait-il secrètement que sa musique trouverait un écho jusque chez ses propres modèles ? C'est pourtant ce qu'il s'est passé lorsqu'en 2023, à l'occasion de concerts donnés au Japon et en Italie, Bob DYLAN a repris sa chanson "Only a River", initialement co-écrite avec Bob WEIR (et diffusée sur l'album Blue Mountain de ce dernier, publié en 2016). Un adoubement dans les règles de l'art, qui n'est pas tant une surprise. Avec son phrasé lancinant, aux syllabes rondes, Josh RITTER s'emploie depuis quelques années à faire perdurer l'héritage de DYLAN dans un folk minimaliste, intime et poétique, qui trouve avec Heaven, or Someplace Nice une nouvelle vie hors du temps.

Lorsque l'humanité aura franchi le rubicond, que le monde ne sera plus, il restera, quelque part au fin fond des Etats-Unis, un vieux juke-box, grésillant et fébrile, qui crachera pour quelques instants encore les notes de "Where the Dream Ends". Voici pour le paysage. Heaven, or Someplace Nice, nouvelle collection de compositions originales qui débarque un an et demi après la publication de son prédécesseur Spectral Lines, est un album délicat et mélancolique qui aborde le folk sous sa facette la plus simple et dénudée. Conçu en compagnie du célèbre guitariste de jazz Bill Frisell, cet album a été capté en studio en quelques jours à peine, avec peu d'arrangements et d'ornementations. Un piano, une guitare, slide ou acoustique, une contrebasse, l'essentiel est là et ce nouvel album se fait cozy, déconnecté de toutes considérations liées à l'espace et au temps. Le monde autour n'existe plus lorsque, en introduction, Josh RITTER évoque "The Bride", une ballade splendide qui narre les préparatifs d'une mariée au matin du grand jour. Un piano comme une caresse, une guitare mélancolique, une contrebasse comme une douceur, une pedal steel pour l'audace. Et une voix bienveillante qui donne à l'ensemble une splendeur qui brise toutes les barrières.

On apprécie cet album autant pour ses mélodies que pour ses silences, à l'image de ceux qui résonnent profondément sur "Still Of The Night", une pièce éthérée, riche d'une tendresse douce-amère. L'Homme, qui envoie des sons dans l'univers, recevrait sans doute une réponse d'une forme de vie intelligente s'il leur balançait cette pépite dans les esgourdes. DYLAN, lui encore, résonne sur la faussement joyeuse "Just a Few Tears", dont les sonorités 70's évoquent également SIMON & GARFUNKEL. Certains morceaux se font plus jazzy, d'autres plus blues ("Shadows") et il y a une saveur folk pure et brute qui se dégage de cette réinterprétation de la désormais éternelle "Only a River". Tous les morceaux partagent ce dénominateur commun qu'est la recherche de la modestie dans les arrangements, comme pour laisser le plus de place à l'expression des émotions chez l'auditeur qui se trouve subjugué d'entendre un artiste en provoquer tellement avec si peu. Un album précieux pour sa capacité à donner naissance à un folk vivant, vibrant, modeste et authentique.