La "mode" québécoise qui a vu nombre d'artistes venus de la Belle Province envahir le marché du disque francophone au début des années 2000 a connu ces dernières années un fort ralentissement. Les artistes qui parviennent aujourd'hui à percer en France bénéficient le plus souvent déjà d'une notoriété respectable dans leur propre région, et voient dans la conquête du marché français une évolution naturelle de carrière. Cet état de fait correspond parfaitement à la démarche d'Alexandre POULIN. Beau comme un camion, le jeune homme propose dès 2008 un premier albums aux sonorités folk marquées, puis un second deux années plus tard, qui lui permet de venir faire parler de lui de notre côté de l'Atlantique. Avec son troisième opus, Le Mouvement des Marées, la reconnaissance du public européen ne serait que justice.

Car le folk d'Alexandre POULIN est d'une splendeur à couper le souffle. Désireux de rompre avec le schéma usuel couplet / refrain, l'artiste prend le parti de construire des morceaux en progression constante, bâtis sur une base acoustique à la fois humble et grandiloquente. Sans pour autant se priver de répétitions mélodiques, l'artiste monte sa musique en empilant les instruments (le banjo notamment) comme autant de briques, et en usant de sa voix à la fois lumineuse et timide comme d'un ciment, un liant qui permet à l'ensemble de prendre forme et tenir en place. A la manière d'un Springsteen, le chanteur narre le quotidien, ces petites histoires qui, dans ses mains, deviennent de véritables épopées. Comme le titre de l'album l'indique, tout est ici en mouvement. C'est la mouvance du monde, le périple de l'être humain, qui nourrit l'artiste. C'est la méfiance puis la confiance retrouvée d'un adolescent souffrant de la séparation de ses parents (« Hochelaga »), c'est cette description poignante d'une jeune victime du génocide congolais (« Diamant noir »), morceau dont les ambiances et le thème peuvent rappeler le « African Tour » de Francis Cabrel. Sans tomber dans le pathos, Alexandre POULIN parvient à provoquer des images et à faire ressentir à l'auditeur l'horreur du conflit. En prenant tout simplement, comme l'artiste semble aimer le faire, le parti des gens, de ceux qui souffrent, de ceux qui vivent.

La beauté des mélodies qui illuminent l'album est bluffante : « Souffler sur les braises », ses entraînantes et ses chœurs enivrants, est un joyau pur, à rapprocher des sonorités de Mumford & Sons, de part l'effervescence et l'immédiateté des émotions déployées. Surprenant son monde, l'artiste reprend à sa sauce le célèbre et kitchissime « Voyage voyage » de Desireless, qui devient entre ses mains une délicate ballade folk qui permet de faire ressortir l'inattendue profondeur des paroles du morceau. Rehaussé d'un harmonica surprenant, le titre bénéficie d'une nouvelle vie sous la plume de l'artiste. Marrant d'ailleurs comme ce morceau semble correspondre à la personnalité du Québécois, qui s'est également beaucoup nourri de ses voyages sur ses précédents opus.

Vous l'aurez compris, le folk d'Alexandre POULIN est une splendeur musicale à chérir et apprécier à sa juste valeur. Plus que l'écoute d'un album, l'artiste nous invite à une épopée au cœur des sentiments, et parvient à nous faire décoller grâce à des mélodies d'une pureté sublime (« Blanc cassé », « Le dernier des glaciers »...) et des textes empreints d'une poésie bouleversante. A rapprocher de la scène folk contemporaine (Angus & Julia Stone, Bon Iver), le jeune Québécois semble promis à un avenir flamboyant, si tant est qu'il parvienne à conserver cette fausse innocence qui rend son univers si captivant.

Note réelle : 4,5/5