Nous sommes en 1991. 808 STATE a déjà publié trois réalisations (deux albums, un EP) étalons de ce que l’on nomma acid house, la dernière en date Ninety ayant rencontré un succès certain auprès des médias. Mais le groupe ne se contente aucunement de cela, devenant quasiment une marque mancunienne reconnue en proposant une radio, un disquaire et une industrie du T-shirt active. Malgré tout, comme le magazine Sky l’indique, ils parviennent toujours à trouver du temps afin de poursuivre l’érection d’un répertoire musical de qualité.

L’inaugural single Cübik/Olympic extrait du troisième longue-durée de 808 STATE ex:el atteignit la dixième place des charts en novembre 1990, un an jour pour jour après que l’immortel Pacific eut réalisé la même performance. "Cübik" revenait de loin pourtant, Rob Dickens, responsable de Warner, label-parent de la structure ZTT, n’ayant absolument pas flairé son potentiel, la qualifiant de chanson-pet ; il fera d’ailleurs son mea-culpa auprès de Martin PRICE, a posteriori, admiratif du succès suscité par le morceau.

Le Melody Maker encensa également la pièce, qui voyait le collectif enclencher une progression substantielle, non seulement via la modernisation des machines utilisées mais aussi en adjoignant à son propos électronique flambant neuf de vrais instruments, une source de grands débats déjà à l’œuvre concernant le saxophone pornographique illuminant "Pacific" comme l’indique Graham MASSEY. Cette évolution avait été pleinement préméditée, le groupe ne voulant pas être enfermé dans l’éventuelle case que les médias auraient prévue pour eux. Les étranges titres invitant la chanteuse islandaise BJÖRK ("Qmart" et "Ooops") s’inscrivaient dans cette même dynamique d’expérimentations croissantes.

Toutefois, le nouveau single à venir "In Yer Face" n’oubliait pas les influences profondes de 808 STATE, cette fusion futuriste d’un western hi-tech avec des sons ethniques traditionnels que le journaliste Simon Reynolds a rapproché des travaux composés par le trompettiste Jon HASSELL au cours des années 80. Abondamment testé sur la route et via des DJ sets, "In Yer Face" remporta à nouveau l’adhésion populaire et critique, Melody Maker faisant de ce monstre gargantuesque son Single de la Semaine. En termes de tropicalité, je suis personnellement largement plus convaincu par "Spanish Heart", collaboration en studio avec le chanteur de NEW ORDER et fan de longue date Bernard SUMNER, ce dernier ayant déjà interprété "Magical Dream" en compagnie des STATE sur scène.

Après "Lift", ultime single rebattant les cartes en proposant un lounge oscillant entre confort et sirupeux, 808 STATE clôt définitivement le chapitre ex:el via la confirmation du départ de Martin PRICE la veille de l’embarquement pour une tournée américaine et ce à cause de divergences musicales. Un chapitre, à l’image de sa jaquette brouillant quelque peu les pistes, présentant un 808 moins net et immédiat, plus oblique voire difficile et indéniablement généreux à l’excès. Contrique peut-être, selon ce bon mot étrange qui intitulera une de leurs chansons à venir. ex:el fut aussi l’occasion d’étrenner leur nouvelle collaboration avec Tommy Boy qui distribua le disque au pays de l’Oncle Sam, le groupe admirant ardemment le légendaire label américain spécialisé dans le hip-hop notamment pour sa signature des AFRIKA BAMBAATAA.

La belle réédition élaborée par ZTT en 2010 de ex:el adjoint un second disque sur lequel on retrouve de nombreux remixes et archives dont le terriblement menaçant "Open Your Mind" et "Ski Family".