Il est des artistes majeurs dont la discrétion ne saurait être remise en doute. Il est ici question de Robby KRIEGER, légendaire guitariste des DOORS, dont la contribution à l’histoire de la musique populaire est juste énorme. Et pourtant voyez donc, ce Soul Savage est à peine sa 9ème contribution solo depuis 1977 ! Vous me direz que le catalogue des DOORS suffit à bien vivre et vous aurez raison. Mais l’homme à la gibson SG rouge a toujours des choses à dire, en tout cas il souhaite les partager, même s’il s’agit de manière confidentielle. Cette fois, il nous propose l’adjonction du jazz band les SOUL SAVAGES, c’est ce dont il est question aujourd’hui. Tout ceci est entièrement instrumental, soyez en prévenus !

Tout ceci débute par un fuzz bien crado que n’aurait pas renié Robby en 67, cela nous donne "Shark Skin Suit" aux aspects psychédéliques, par instants Robby semblant se prendre pour Jerry GARCIA ou Jorma KAUKONNEN. Puis, la basse drive de manière quasi funky "A Day In LA" qui se laisse bien écouter, alors que Robby se laisse aller à quelques effets soniques, pas de dropbomb ou autres effets pyrotechniques comme vous vous en doutez, mais le smooth est bien là. Se dégage de ce titre répétitif un petit côté superficiel, mais n’est-ce pas là l’évidence lorsqu’on parle de la cité des anges ? Il se lâche plus ensuite sur "Contrary Motion" où il fait montre d’un joli smooth, d’autant que la mélodie est très sympa.

C’est incontestablement "Samosas & Kingfishers" qui retrouve le plus l’esprit des DOORS, jusqu’à imaginer Ray MANZAREK à l’orgue. L’aspect orientalisant de la composition en fait la plus aboutie de cet opus, les breaks restent résolument rock, c’est cool. Un petit côté fripon s’échappe de "Bouncy Betty" dont la batterie cette fois monolithique nous amène vers une ambiance plus bluesy. Mais Robby, s’il se lâche un peu plus, n’est pas du genre à virevolter tel un guitar hero MALSTEENien. "Blue Brandino" continue sur cette lancée avec une simplicité consommée, Ed dispose de plus d’espace que Rob sur ce titre à nouveau créé par le bassiste Kevin Brandino, un homme qui sait groover ! "Ricochet Rabbit" est construit autour de la vidéo grotesque d’un homme lapin qui déambule dans les rues de LA, poursuivi par des hordes de groupies. Voir KRIEGER fumer une carotte a tout du grand guignolesque au final, mais n’est-ce pas la logique même lorsqu’on est l’un des tenants du psychédélisme ?

"Killzoni" entre de plein pied dans le jazz fusion. La section rythmique assure les cachous et Robby a de l’espace pour disserter. Il le fait de manière simple, sans emphase, non loin des velléités du MAHAVISHNU ORCHETRA ou de RETURN TO FOREVER, mais sans évoquer la flamboyance de John McLAUGHIN ou de Al DI MEOLA. Le titre se laisse bien écouter, mais c’est le clavier Ed Roth qui tire les marrons du feu au final ! On aurait pu penser que Robby allait se lancer dans des circonvolutions à la Allan HOLDSWORTH sur le joliment dénommé "Math Problem", mais pas du tout. Le titre qui reste tout de simplicité vêtu n'est pas là pour impressionner la galerie. Le petit riff de "Never Say Never" nous amène aussi dans le monde de la fusion. On reste coi devant la modestie de Robby qui ne cherche pas à en faire des tonnes. Il laisse d’ailleurs son groupe briller à force renforts de solos. La distorsion s’élève et se mixe au slapping d’une basse bien doubadoum.

C'est un moment agréable passé en compagnie d’un musicien légendaire. Bien sûr, par instant, on regrette un peu le côté non flashy du personnage, mais la guitare bien présente ne déplaira à personne. Il laisse à ses comparses la capacité de beaucoup briller et ce petit instant de plaisir qu’il s’accorde n’a d’égal que l’honnêteté avec laquelle tout ceci nous est proposé. Un 3 de circonstance car, s’il n’y a rien de déplacé, il n’y a rien non plus de phénoménal.