Voyez donc cette mise en page : Antonio a choisi de remettre sur le tapis la girafe bleue qui lui valut tant de succès quelques années plus tôt. Et pour symboliser le Brésil et sa chère cité de Rio de Janeiro, quoi de mieux que le divin Corcovado qui trône de toute sa majesté sur la baie de Guanabara ? Cette image célèbre entre toutes le fait carrément et promet de servir d’écrin à une jolie compagnie de classique du genre. La session est la même que celle du précédent opus, enregistrée à New York aux Englewood studios et il s’agit du sixième album de Tom JOBIM.

Evidemment, "The Girl From Ipanema", le classique d’entre tous les classiques, est à nouveau présent ici, sous des atours plus orchestrés que précédemment et trimballe avec lui une certaine vibe mainstream, quelques digressions surprenantes. Mais, d’un autre côté, il y a tellement de versions de la fille d’Ipanema que cela ne porte pas à grande confusion. Cette version un peu B.O, guillerette et jazz mainstream n’est pas la plus vilaine. Cette ode à Heloisa Pinheiro est juste la seconde chanson la plus reprise du monde après "Yesterday". Voilà qui vous pose un titre ! On retient tout de même la version de 64 par Stan GETZ et Astrud GILBERTO comme étant la classique, mais il était légitime que Tom JOBIM se pare lui aussi de la gloire de sa chanson.

Le fabuleux thème de "Tema Jazz" est une bossa nova déjà bien évoluée. La vélocité de la mélodie ainsi que la gaieté des éléments traditionnels en font une ode aux plages de Rio, de Leme à Leblon en passant par Botafogo et Copacabana. Je vous conseille vivement son écoute lors de votre prochaine balade là-bas ! Pas mal de passages free à la flûte nous envoient des effluves du carnaval et des corps qui s’agitent sur des percussions endiablées. Un grand moment de cette galette à chaudement conseiller !

La coquine et effrontée "Sue Ann" nous plonge directement dans les flots bleus de Copacabana, à la recherche des plus belles naïades. La vibration est là, riche en couleurs et exotique à souhait. On en mangerait ! Que nous dit l’éponyme "Tide" ? Une ambiance de B.O à la James Bond, avec un petit rythme de Bossa bien agréable et un petit piano jazzy de belle allure. Franchement réussi ! C’est cette fois une basse très funky jazz qui prend le pouvoir sur "Rockanalia", on se croirait lors d’une jam opposant des virtuoses Cariocas dans un bar de Ipanema à 5 heures du matin, juste avant que le soleil inonde de sa puissance les derniers fêtards et laisse tout le monde d’accord devant un suco de apacaxi.

"Caribe" est un slow, mais oui messieurs dames, ça chaloupe forcément moins rapidement, et le trombone se laisse apprécier avec une certaine justesse; on reste tout smooth. Autre midslow bien gaulé, "Carinhoso" tourne autour d’un charmant piano et d’une flûte bien débonnaire. On m’objectera que "Remember", avec son petit piano simpliste et ses percussions classiques doit être un classique de Muzak… de la musique d’ascenseur certes, mais il n’empêche que le savoir-faire est la et que l’ensemble a une fort jolie tête de brésilien. Je suis un peu moins fan de "Takatanga" où le hammond domine la chanson de la tête et des épaules. Guitare et cuivres rondelets y font bon ménage.

Bien sûr, les présences lumineuses de "The Girl From Ipanema" sous les doigts de son créateur et de "Tema Jazz" sont deux sommets évidents de ce disque qui connaît bien peu de temps morts. C’est du Tom JOBIM au sommet de son art, comme souvent il faut bien le dire. Quel plaisir de passer cet instant mémorable en se baladant au gré des plages de Rio de Janeiro ! Jamais musique n’a autant chanté l’âme d’une ville ! C’est un 4 resplendissant.