Dominique GUIOT fut, au même titre que Lyonel BAUCHET, Janko NILOVIC ou Sauveur MALLIA, l’un des plus prolifiques musiciens français dans le domaine de l’illustration sonore. Il s’agit de musique de commande, interdite à la vente et distribuée aux professionnels de l’audiovisuel. Il fallut donc attendre le développement d’Internet, voire bien après, pour voir ressurgir des oubliettes ces catalogues pleins à craquer de musique de genre et autres instrumentaux utilitaires. Ce milieu musical a un tropisme fort et unique: quasi-absence du chant (ce qui mécaniquement influe sur l’évolution stylistique des musiciens concernés), récurrence des splits albums voire des albums collectifs (sortes d’auberges espagnoles musicales), déclinaison des morceaux en extraits ou versions alternatives (le label allemand Sonoton est un champion dans le domaine), récupération de morceaux d’un album à l’autre (Mondiophone s’en est fait une véritable spécialité), voire recyclage de morceaux parus dans le commerce (le catalogue April Orchestra en est l’aboutissement paroxystique).
Tout ça pour dire que Dominique GUIOT, s’il a commencé sa carrière en 1978 avec cet Univers De La Mer devenu culte jusqu’à être réédité quarante ans plus tard par le bien nommé label WRWTFWW Records (We Release What The Fuck We Want, tenons-le-nous pour dit), a commis des dizaines d’autres disques, sans même parler des participations à des albums collectifs, dont la plupart sont encore aujourd’hui totalement obscurs (et rarement passionnants, faut-il l’avouer, la Library Music s’étant progressivement changée en soupe informe au cours du temps – il n’y a pratiquement plus rien à sauver au-delà de 2000 à mon sens).

L’Univers De la Mer provient d’une époque où la Library Music était grosso modo partagée entre des produits de studio et des productions éparses réalisées avec les moyens du bord. Cet album, publié sur le micro-label Chicago 2000 (plus tard absorbé par Auvidis), s’inscrit plutôt dans la seconde catégorie, ce qui ne l’empêche toutefois pas d’être réalisé avec soin. Il s’agit d’un album interprété aux synthétiseurs et autres claviers électriques (orgue, Mellotron, Clavinet), ainsi qu’aux guitares électriques, tissant les arpèges de la sublime ouverture mélancolique "Wind Surf Ballad" et du tout aussi envoûtant morceau-titre, les rythmes bien balancés des "Deux Poissons" et de "Les Pingouins S’Amusent", la mélodie de "Iceberg En Voyage" et du morceau-titre, les accords dissonants de "La Danse Des Méduses", l’air sophistiqué de "À La Découverte D’Une Amphore" et de la "Ballade Pour Une Goélette" dont l’influence folklorique trouvera suite avec les albums La Dame À La Licorne (1983) et Saga De Ragnar Lodbrock (1979) du groupe éponyme auquel participa Dominique GUIOT. La basse synthétique est au diapason des parties de guitare.

L’album est remarquablement cohérent dans son ensemble, et on observe une certaine continuité entre certains morceaux: "Destination Inconnue" fait suite à "Les Pingouins S’Amusent", de même que le morceau-titre succède à "Iceberg En Voyage". Une cohérence qui n’empêche pas une belle variété d’ambiances, y compris au sein des morceaux: "Les Deux Poissons" alterne passages rythmés et plus calmes et le thème de "Destination Inconnue" vire dans une tempérament plus sombre. "Les Émigrants De La Mer" est un splendide thème à neuf temps, probablement le sommet de l’album, et aurait mieux fait office de conclusion que "À la Découverte D’Une Amphore".

L’Univers De La Mer mérite amplement son statut d’album culte, au contraire de quelques autres albums de Library Music beaucoup plus surfaits. Si la suite de la carrière de Dominique GUIOT est beaucoup plus méconnue et éparpillée sur de nombreux labels (Auvidis, Koka Media, Kosinus, Patchwork / MCT, CDM, Master Plus / Justement), elle recèle encore de moments intéressants.

4 ½ sur 5