Vous en connaissez beaucoup, vous, des jeunes filles rêvant de devenir chanteuses qui se voient tourner en dérision en début de carrière ? Vous faites les timides ? Allons, je vous rafraîchis la mémoire car moi j’en connais un paquet malheureusement. Il y a Britney la sainte-nitouche toujours trop sexe qui ne sait pas chanter, Christina qui elle peut chanter comme une diva mais qui agace, Taylor SWIFT l’ado sage et chiante, GAGA tellement excentrique qu’on n’a pas d’autre choix que d’inventer qu’elle possède un pénis comme si cela changeait quelque chose, ou encore Céline DION la petite ringarde québécoise. Et la question à dix millions : quel est le point commun entre toutes ces femmes ?

Je vous le donne dans le mille, elles ont toutes régné sur les charts et vendu des millions d’albums après avoir été largement sous-estimées. Rebecca BLACK fait partie de ce club surpeuplé et très en vogue des chanteuses qu’il paraît bon d’humilier. Si vous avez fredonné "Oops! I Did It Again" avec Brit-Brit, vous avez peut-être poussé la chansonnette d’un ton moqueur avec quelques verres dans le nez en écoutant "Friday" de BLACK.

Retour en 2011 : Rebecca a un rêve dans le coeur, mais la Californienne a 13 ans alors ses parents lui offrent les services d’une boîte de production qui lui fournissent un titre et un clip vidéo emballé-c’est pesé. Ce titre, c’est "Friday", une pop innocente et plus mauvaise tu meurs, soit une chanson qualifiée parmi les pires jamais écrites, devenue virale pour les mauvaises raisons. Méprisée et harcelée sur la toile, Rebecca BLACK devient un meme malgré elle.

Le phénomène "Friday" vaut tout de même des millions de vues à la jeune chanteuse qui ne se contente pas d’inspirer "Last Friday Night" à Katy PERRY, mais a aussi et surtout permis à BLACK d’entrer dans la pop culture des années 2010. Pour beaucoup, une humiliation pareille serait synonyme d’échec radical, mais Rebecca, comme beaucoup d’autres, s’en est relevée.

Douze ans après le tsunami "Friday" et quelques E.Ps, BLACK tente une nouvelle incursion dans le monde de la pop avec son premier album studio Let Her Burn, sorti en 2023. Rebecca s’immole sur la pochette puisqu’il s’agit bien de faire table rase du passé. Sorcière brûlée sur le bûcher ou phoenix qui renaît de ses cendres, pas besoin de vous faire un dessin, il suffit de piocher parmi les métaphores de l’injustice et du renouveau.

Plus mature, le son de BLACK vise à légitimer la chanteuse de 26 ans en choisissant des sonorités hyperpop éclectiques qui démontrent son désir de transformation. Rebecca s’affranchit des attentes en mixant synthés célestes aux beats électroniques saturés dans "Erase You". Pensez abrasif mais soigné et vous aurez une idée du genre de production qu’on trouve ici.

Les relations toxiques sont au menu de cet album mais notre Rebecca est prête à tourner la page, alors pas de grosse chialante en vue, mais plutôt des morceaux fun et dansants aux transitions abruptes dans la forme comme "Destroy Me" mais dont les paroles transmettent l’état d’esprit de la jeune femme (Every time you see me, do you hear the violons?/Cut a little deeper, there’s no reaching the end/Watch me while I crash and burn again and again), bref, de quoi s’ambiancer à fond en buvant quelques coups un vendredi soir.

L’atmosphère électropop-R&B de "Doe Eyed" et le côté 80’s un peu monotone de "Sick To My Stomach" en font des morceaux moins intéressants à mes yeux, alors que les inspirations pop-rock de "What Am I Gonna Do With You" et les violons présents sur "Cry Hard Enough" créent un ensemble très frais et très chouette. Prenez ROBYN, Troye SIVAN, SOPHIE, Addison RAE & compagnie et vous aurez une joyeuse bande musicale à laquelle Rebecca BLACK pourrait tout naturellement s’ajouter.

On trouve plus d’instruments acoustiques sur la pop intimiste de "Performer" et du single "Look At You", deux titres dont les arrangements plus minimalistes mettent en valeur la voix de Rebecca, désormais plus nuancée qu’à ses débuts. J’aime particulièrement les textures flamboyantes du titre ultra-pop "Misery Loves Company" et les synthés intenses du single "Crumbs" dont l’énergie pourrait bien être cathartique.

Hyperpop, synthwave et parfois tech-house me semblent les qualificatif les plus appropriés pour décrire aujourd’hui l’univers musical résolument moderne de Rebecca BLACK. Aujourd’hui, elle n’est plus l’ado moquée du Web mais soyez sûrs que tout le monde se souviendra de "Friday". BLACK refuse de se laisser définir par son passé et ne revient pas dessus dans Let Her Burn, un album affirmé et très cohérent qui se laisse écouter sans souci. Plus qu’une relique d’un moment viral ou d’une gloire empoisonnée, Rebecca BLACK est désormais prête à se réapproprier sa carrière.