Sur son premier L.P Let Her Burn, Rebecca BLACK avait déjà complètement pris ses distances avec la pop enfantine de mauvais goût qu’était "Friday". Un virage à 180 degrés de la Californienne qui n’a pas cessé de reconstruire son identité musicale après une adolescence placée sous le signe du ridicule. À l’écoute de son deuxième LP, Salvation, sorti en ce début d’année, on comprend vite que Rebecca a trouvé sa place dans cet univers hyper pop et électro-pop évoquant le son de Charli XCX, SOPHIE, et même GRIMES dans les moments plus expérimentaux de BLACK.

On est loin de la production quasi-comique de ses débuts : même si l'ambiance aux sonorités techno-dance trop pesante du morceau-titre "Salvation" n’a pas ma préférence, on ne peut pas nier que BLACK a soigné son retour en mettant les petits plats dans les grands. La guitare électrique du single "Trust!" nous accueille sur une note sensuelle et laisse Rebecca mener la danse de ce banger qui mélange chant et texte parlé, digne d’une Lady GAGA.

Vous l’avez compris, c’est dans l’air du temps mais avec une touche vintage Y2K comme dans le single "Sugar Water Cyanide" ; c’est fun, Rebecca ne se prend pas la tête mais s’éclate comme une folle en transformant sa voix à tout va sur les mélodies sucrées de ce morceau, le plus expérimental du projet. La vibe est bien plus dark-pop et mystérieuse dans le très bon "American Doll" dont les paroles renvoient aux pressions subies par les femmes. On ne s’ennuiee pas une seule seconde, même sur la ballade spacey "Tears In My Pocket", plus épurée avec son chant soufflé mais tout aussi 'perchée' que le reste des morceaux.

J’adore la douceur de la première partie du titre "Do You Even Think About Me?", portée par la voix éthérée de Rebecca avant que le beat se mute en hyperpop propulsante et géniale sur la deuxième partie. On sent BLACK en totale maîtrise sur cette production trippante qui repose sur des explosions et une rythmique saturées, sans parler du bridge tranchant à réécouter en boucle. Finalement, l’album se finit avec "Twist The Knife", plus classique dans son genre, où Rebecca chante dans des tonalités plus graves, très sympas. Le côté techno parfait pour les dancefloors rappelle le travail de l’allemande Kim PETRAS et Rebecca réussit son pari de nous faire danser jusqu’au bout de la nuit.

Enfin jusqu’au bout de la nuit, c’est un grand mot, disons plutôt vingt minutes. Et oui, Salvation laisse une petite impression de trop peu puisque BLACK semble définitivement avoir trouvé un terrain musical qui lui corresponde totalement et qui pourrait être travaillé sur une plus grande durée. Comme d’habitude, Rebecca collectera probablement son lot de haters mais elle mérite aussi un peu de bienveillance. Ce que j’aime chez elle, c’est sa volonté de s’affirmer comme une artiste à part entière, mature et transformée, sans jamais renier son passé dont elle parvient à se moquer aujourd’hui.

Si toutes les chansons ne me plaisent pas de manière égale, il y a dans les choix de production une débauche ambitieuse et une direction artistique claire qui donnent vraiment envie d’en entendre davantage. Décomplexée, dé-formatée, décalée, la musique de Rebecca peut pleinement exiger sa place dans le paysage sonore d’aujourd’hui : si on entend peut-être moins parler de Rebecca BLACK pour autre chose qu’une énième moquerie de "Friday", la chanteuse a de quoi rivaliser avec les popstars majeures de la pop en 2025.