[Je rends ici hommage au collègue de rédaction qui a judicieusement attiré notre oreille curieuse sur ce groupe… Il se reconnaîtra aisément.]

Malgré la sortie de ce disque depuis septembre 2024, toujours aussi peu d’informations circulent au sujet de ce mystérieux collectif. Tout juste apprend-t-on à la lecture du livret qu’il s’agit d’un quintet, non pas britannique mais irlandais, décidément fournisseur privilégié de talents en termes de musique rock ces dernières années (on pense bien évidemment aux FONTAINES D.C. à présent pleinement institutionnalisés).

GURRIERS a été formé début 2020 à Dublin. Toutefois, son inaugural enregistrement studio Come and See ne déboule dans les bacs que quatre ans et demi plus tard. Le groupe n’a cependant pas chômé entre-temps, distribuant des singles régulièrement et menant des concerts ravageurs d’après les divers témoins présents ; quand cela était possible, son projet étant rapidement soumis à certaines contraintes qui allaient impacter le monde et sans doute sa propre vision.

Un premier regard rapide à cette jaquette pourrait faire croire que le quintet a oublié une lettre à son patronyme, sciemment ou pas, en ayant omis au passage de se renseigner sur le fait que le mot impliqué est issu de l’argot irlandais signifiant rufians. On y voit en effet des personnages infiniment minimalistes paraissant répondre à un appel au combat immémorial. Une œuvre pour le moins primitive, telle qu’il est possible d’en voir au musée Quai Branly – Jacques Chirac, aux sections africaines ou océaniques par exemple. Peut-être que Ben O’NEILL, auquel les crédits semblent se diriger, s’est inspiré de ballades culturelles parisiennes au moment d’imaginer cette mystérieuse vitrine.

Une imagerie collant plutôt bien au quintet dont la musique est une pourvoyeuse de transe efficace faisant se percuter FOALS et SONIC YOUTH. "Nausea" en est la carte de visite parfaite : rythme dansant mais à tout instant soumis à l’éventuelle rupture, ligne de basse lourde, riff sous forme d’alarme industrielle, la chanson justifie pleinement sa position initiale, encourageant l’auditeur curieux à poursuivre confiant le chemin en compagnie des Irlandais.

Cette route, ainsi que le suggère l’intitulé du premier titre, ne foule pas forcément des sols doux au toucher pour le pied. La rugosité des sons se conjugue souvent avec une aigreur lyrique manifeste, à l’instar d’autres jeunes gens contemporains pessimistes se posant des questions légitimes à propos d’un monde leur semblant avoir perdu sa boussole, où voyeurisme et violence montent inexorablement alors que les émotions les plus élémentaires tendent à disparaître. C’est finalement "Approachable" au riff autoroutier presque heavy metal – quelqu’un a dit MOTÖRHEAD ? – qui explicite le malaise : Je suis né à la mauvaise époque !

Malgré tout, certaines pièces brillent par un aspect moins chargé en soufre, permettant l’oxygénation d’un propos demeurant hargneux. "Prayers" s’avère plutôt méditative bien que brocardant violemment la religion, tout autant qu’une excellente "Top of the Bill" au riff lancinant et harmonies dignes des CHAMELEONS qui, plus qu’une interrogation ironique à propos d’un monde du spectacle éphémère, semble traiter des déceptions amoureuses d’une génération devant s’adapter à de nouveaux codes. Le disque se termine sur l’éponyme aérien présentant quelques faux-airs des MISSION OF BURMA et prodiguant une exhortation décisive et définitive à destination des éventuels sceptiques.

Suivez leur conseil : N’hésitez pas à les découvrir par vous-mêmes, vous ne serez pas déçus du voyage.