Music For Abandoned Airports: Tegel est un EP paru en 2021 mais il est issu d’archives de 1998. Le nom de Tegel fait référence à l’aéroport de Berlin qui a fermé ses portes à la fin de l’année 2020. Bien entendu, il s’agit d’un hommage au grand "popularisateur" de l’ambient qu’est Brian ENO avec son Music For Airports de 1978, qui n’est pas le premier disque du Britannique dans le style, mais qui est souvent cité dans les albums précurseurs de la musique ambient. ENO, comme les maîtres de la musique contemporaine minimaliste, a marqué BASINSKI dès sa jeunesse et cet EP de près de 20 minutes est une sorte de retour de l’élève au maître.

La plupart des travaux de BASINSKI sont centrés autour des boucles (loops) qui ont pour origine des échantillons sonores ; que celles-ci soient engagées dans un processus de désagrégation ou qu’elles se répètent sans fin sans subir un tel sort (parmi ces nombreux travaux ma préférence va notamment à The Disintegration Loops II et The River).

Music For Abandoned Airports: Tegel reprend l’idée des tape loops de Ambient 1 - Music For Airports, une musique qui doit tout autant à son effacement qu’à son intérêt. La musique de ENO avait vocation à nous faire oublier la tension et la nervosité qu’on pouvait ressentir dans les terminaux d’aéroport ; une musique qu’on pouvait d’ailleurs interrompre et reprendre plus tard sans que cela ne nous affecte. De son côté, Music For Real Airports (2010) du groupe The BLACK DOG, sorte de riposte au travail d’ENO, ne voulait pas occulter une certaine forme d’anxiété que l’on retrouve dans ces lieux. Music For Abandoned Airports: Tegel se situe quelque part entre les deux ; proche du travail du groupe de techno dans le sens où il introduit une forme de tension, mais il demeure toutefois plus proche du travail de ENO et dans l’esprit et dans la forme.

Music For Abandoned Airports: Tegel est composé d’une succession de cycles, dont aucun ne semble être identique à un autre, et dont l’élément interpellant prend la forme d’une montée de vague synthétique (qui démarre vers 1 minute) et qui va ensuite retomber, s’affaisser, dans un grondement sourd laissant une sensation de sac et de ressac ; mais chaque boucle étant différente, toute tentative de saisir une reproduction à l’identique s’avère vaine : quand on pense avoir compris la structure de la boucle, la suivante se métamorphose et nous laisse avec nos incertitudes. Quelques textures drony venteuses de fond et de légers échos, mais parfois plus frappants, parcourent cette œuvre, question probablement de nous rappeler que de longs corridors et de vastes halls d’un aéroport c’est avant tout une architecture ; et que lorsque celle-ci est vide de toute présence humaine un léger sentiment d’appréhension peut nous gagner.

Music For Abandoned Airports: Tegel alterne entre versants contemplatifs et versants moins rassurants où l’on met presque un pied dans le dark ambient. Et c’est un travail vraiment satisfaisant. Il y a quand même une certaine frustration qui point, c’est celle de sa durée : un peu moins de 20 minutes alors qu’il s’agit de boucles et d’un travail qui s’étire. Le format de l’album d’une heure, ou au minimum de 40 minutes, que nombre de compositeurs pratiquent dans le style, était tout à fait envisageable même s’il s’agit d’archives remontant à 1998. Certes, on rétorquera qu’il peut être écouté en mode "repeat" mais ce choix est un peu incompréhensible.

Note : 3.5/5.