L’Amérique est remplie jusqu’à la gueule de personnages hauts en couleur, pétris d’idéaux souvent simplistes et qui se réfèrent à notre seigneur djizeus dans bien des cas, on citera le loustic au mal de mer SEASICK STEVE. Voyez donc notre Révérend Peyton, qui semble tout droit sorti du même moule, un physique de bûcheron, la barbe avantageuse et un bagout qui en remontrerait aux pires bavards de notre hexagone. Le son est raw, brut de décoffrage mais notre homme manie sa gratte comme un vrai pro. Sa solide compagne Breezy manie le washboard avec une grâce toute yankee, on adjoint un batteur "Brother" Jacob qui a rajouté à son kit quelques bidons afin de donner le change du DIY. Nos joyeux lurons prosélytes viennent de l’Indiana, des voisins de John MELLENCAMP, dans le genre rural et ceci est déjà leur onzième péché… Pour plus de données sur ce péquenot, lisez donc la kro bible de notre regretté Kingbee !

"Honeysuckle" prend de suite possession de votre foi en quelques secondes, la national retentit avec beaucoup de modernité malgré son âge canonique, et la voix du révérend est proche du sermon liturgique, une sacrée introduction qui ne nécessite guère d’effort, on comprend rapidement à qui on a affaire et l’efficacité semble ici de mise. Sur "Looking For A Manger", on rentre carrément dans le temple évangéliste, et ce n’est pas peu dire qu’on se prend claque sur claque lors d’un sermon dantesque avec un pasteur qui n’hésite pas à employer les grands moyens pour faire sortir le démon de vos entrailles. "One Dime Blues" sonne tel un chant de voyage, on chante la pauvreté mais n’est-ce pas là la logique des hommes de Dieu ?

Le voilà qui se lance dans une ode digne de Crossroads, les mânes de Robert JOHNSON sont toutes proches, et cela nous donne "If I Had Posession Over Judgement Day", on sent que le gars ne craint personne, une grande gueule ricaine républicaine, ce qui n’exclut nullement un fort capital sympathie. "Like A Treasure" ressemble plus à une jam qu’autre chose et le révérend nous hurle les ordres de Djizeus à la gueule, c’est qu’il faut que ça rentre ! J’y déplore un certain manque de smooth. On chante aussi la prison dans "Neil" comme dans un film des frères Coen, ça n’empêche pas le révérend d’hurler sa complainte avec une grâce toute musculeuse puis il est tout énervé sur "Mama Do" mais cette leçon de morale familiale est déclamée sous un angle vraiment trop agressif pour avoir une chance de me plaire.

Nous avons enfin quelque chose de crépusculaire avec "I Can’t Sleep", qui nous rapproche des grands artistes de bluegrass, la complainte se laisse bien écouter car pour une fois, notre musculeux révérend n’essaye pas de s’arracher la voix, la sensibilité prend le dessus et même la national sonne mieux. On reste dans une simplicité béate sur "Let Me Go", alors que la gratte se fait véloce et le martèlement de la grosse caisse est la comme unique percussions rythmique. On est des Américains de souche alors le fiddle vient accompagner le washboard sur "Freeborn Man", et on chante la liberté d’aller vers l’Ouest et de posséder sa propre terre. On reste dans le temple avec "The Good Die Young", pour un nouveau prêche du révérend ou on n’oublie pas la métaphore de l’agneau avec "Keep Your Lamp Trimmed And Burning".

Il y a de la personnalité et beaucoup d’énergie dans ce combo à la fois liturgique et maudit. Ils aiment visiblement brouiller les pistes et choquer quelque peu leurs auditoires. Il manque un brin de smooth pour réellement emporter mon adhésion, même si elle manifeste en de rares occasions, la musique reste cependant très agréable avec une fusion de blues, de folk et de country pour assumer toute la charge symbolique d’être un pasteur américain qui ne craint rien ni personne. Je reste sur un trois que je qualifierais de seulement moyen.