Or donc, le style de SANTA se nommerait néo-variété. Il fallait bien y venir à un moment ou l'autre, pourquoi pas après tout ? Peut-être parce que le nom 'variété' en lui-même était déjà peu pris au sérieux, ronflant, fourre-tout et ce qu'on veut, mais il n'empêche qu'à part 'chanson française' qui est un peu plus long à dire et pas moins chargé en prestige ou en mépris, on n'a pas trouvé mieux. Voilà d'ailleurs un genre qui parvenait à subsister face aux assauts du rap et de l'électro ! De là à dire 'néo' en prime, il n'y a qu'un pas, juste pour faire bien peut-être ou simplement moins archaïque surtout de la part d'une artiste qui coche tant de cases du cahier de savoir-être actuel dans ses engagements (vegan, LGBT+).

Quoi qu'il en soit, Samantha Cotta dite SANTA, mi Américaine (par sa mère) mi Niçoise de naissance, semble avoir rien que pour cela le profil d'une vedette yéyé (début des années mille neuf cent soixante) et n'est pas une inconnue. Avec son petit groupe d'amis d'enfance et du lycée Masséna à Nice, HYPHEN HYPHEN marque la seconde moitié des années 2010 jusque dans les pubs pour parfums, remportant une Victoire de la Musique en révélation scène au passage, mais tout cela par des chansons en anglais. En 2022, leur chanson "Too Young" (troisième album C'est la Vie, 2023) illustre la Coupe d'Europe du foot féminin.

SANTA, en parallèle, se sent pousser des ailes et souhaite une carrière solo, cette fois dans sa langue natale. À part le titre et la phrase "C'est la Vie" du dernier album d'HYPHEN HYPHEN, rien de comparable jusqu'alors ou presque (on y reviendra). L'album Recommence-Moi fait suite au succès massif obtenu par le single "Popcorn Salé", publié en 2022 sur l'E.P 999, dont sont repris ici la moitié des chansons : le tube, "Qui a le Droit" (rien à voir avec Patriiiick BRUEL) et "Où Va le Temps Qui s'en Va". Et même en dehors du groupe, l'autre miss, Laura Christin dite Line ou en l'occurrence Kid Sophie, épaule SANTA pour la plus grosse part instrumentale.

Néo-variété donc, peut-être aussi parce que l'ensemble, hormis le piano et les guitares, repose beaucoup sur les programmations, sons de cordes programmés (y compris par SANTA elle-même) quand ils ne sont pas vrais. Le fond de composition est rétro, le traitement moderne mais acceptable, dans la lignée aérienne de ce que propose HYPHEN HYPHEN, toujours accordé à la puissance vocale de la chanteuse. Les ambiances et rythmes sont plus ouvertement gospel comme sur "Recommence-Moi" (bel orgue Hammond bien placé, hmmm !), efficace malgré un fondu final un peu rapide.

Idem de "La Différence" qui ferait penser à du Elton JOHN au départ, avec sa mélodie limpide, SANTA qui passe rapidement de voix pleine à voix de tête, non sans magie. Son passage au français est plutôt convaincant, avec des paroles éprises, amoureuses nostalgiques et empreintes d'aventure, souvent, en commençant bien sûr par "Popcorn Salé", morceau sucré au petit arôme surprise qui se révèle/s'envole (comme son clip) à la fin. Toujours ce goût pour l'apesanteur, mais elle peut se le permettre, entre la beauté de son chant (rejoint par Christophe WILLEM sur "Les Larmes Ne Coulent Pas"), ses chœurs très travaillés, ses choix musicaux certes pas miraculeux mais plaisants.

On entrevoit divers clins d'œil, un Jacques BREL nouvelle génération 'Z' (plutôt que BRUEL, "Qui a le Droit" évoque "Quand on N'a Que l'Amour"), Patricia KAAS aussi le temps de quelques titres bien inspirés entre "Eva" et "Chanter le Monde" (pour rappeler qu'HYPHEN HYPHEN l'avaient rejointe pour "Ne l'Oublie Jamais" en 2016, leur fameuse unique touche de français). Trois mentions tristounes de Paris façon native du Sudeuh au cours de l'album, et l'on aboutit à ce très joli "Silverlake", ultime évasion avec une chorale religieuse maison et des chants d'oiseaux pris de dehors, développée en coda instrumentale ("Générique de Fin"). Epique, pour le moins.

Il y a de belles idées, entre ce "Paradis" fantasmé et entêtant, "Où Va le Monde" en ballade étoilée aux appuis rythmiques bien sonnés, et bien sûr "Eva" qui figure sans conteste parmi les meilleurs moments de l'album (rien que pour la boîte à rythmes Roland TR-808 en intro, son portrait de fille qui veut fuir son quotidien et prendre 'le premier train, direction tout droit', devenir une star alors qu'elle ne fait que s'endormir en classe) avec son petit solo de guitare par Laura/Kid Sophie. À voir si le phénomène continue et différemment, avec des réalisations plus enrichies. Entretemps, l'album vient de remporter une Victoire (une autre) de l'album 2024, pas si déméritée au vu de la qualité et de la concurrence aussi.

Note réelle : 3,5